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Le Wall Street Journal s'adresse à l'AIEA

1er déc 2004

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De: Jude Wanniski
Re: "Pile Je Gagne, Face Tu perds"

SVP, jetez un coup d'œil sur cet édito du Wall Street Journal, qui soutient que "l'Europe et l'ONU bénissent la marche iranienne vers l'armement nucléaire." Si vous le lisez avec attention, vous comprendrez pourquoi j'ai répété depuis des mois que vous ne pouvez pas faire confiance aux éditos du WSJournal sur la sécurité nationale et la politique étrangère. Ils sont principalement dictés par Richard Perle et les va-t-en-guerre néoconservateurs. Et les néoconservateurs fabriquent la réalité au fur et à mesure pour justifier la guerre. En vérité, sans l'action de Fox News, "le réseau de la guerre", et la page éditoriale du WSJournal, le Président Bush ne se serait peut-être pas laissé embobiner par les néoconservateurs dans cette guerre totalement inutile contre l'Irak.

Si vous avez suivi mes commentaires sur l'Iran et sa prétendue quête d'une arme nucléaire, vous vous rappellerez que j'ai apporté des arguments pour montrer que l'Iran n'est pas une menace tant que ses déclarations peuvent être vérifiées par l'Agence Internationale à l'Energie Atomique (AIEA). Vous vous rappellerez aussi que tant que l'Iran n'a pas encore signé le protocole de l'AIEA — ce qui permettrait aux inspecteurs de l'agence d'aller où ils veulent et au pied levé pour traquer les rumeurs de non-conformité — ce dernier s'est comporté comme s'il avait déjà signé le protocole. L'AIEA s'est rendue à ces endroits où les exilés iraniens ont affirmé qu'il y avait des preuves de non-conformité avec les dispositions du Traité de Non-Prolifération, et elle n'a jamais trouvé de cas de violation du TNP. Elle a bien trouvé un programme d'enrichissement d'uranium que l'Iran aurait dû faire connaître selon les termes de l'Accord de Protection s'il l'avait signé, mais un tel programme serait autorisé s'il avait été signalé. L'Iran a garanti à l'AIEA qu'elle peut inspecter ce programme pour s'assurer que celui-ci ne sert pas à la fabrication d'uranium hautement enrichi, mais qu'il est seulement destiné à obtenir la qualité qu'il a prévue d'utiliser dans ses réacteurs nucléaires.

Dans l'accord que l'Iran a passé avec les négociateurs européens — ce que le WSJournal prétend être une étape dans "la marche de l'Iran vers l'armement nucléaire" — ce pays a donné tous les indices selon lesquels, tant que ses droits selon les termes du TNP ne seront pas remis en cause, ils signeront le protocole et permettront des inspections permanentes et approfondies.

Ce n'est pas assez pour le WSJournal. Dans son édito d'aujourd'hui, voici le paragraphe clé : "Cela implique une aide économique, technique et politique de l'Europe à durée indéterminée. Et cela donne à l'Iran le droit de reprendre ses programmes nucléaires à tout moment sans même se trouver en violation technique de la résolution de l'AIEA. Tout ceci sans même toucher aux programmes nucléaires non déclarés et illicites de l'Iran, qui sont actifs et nombreux, lesquels sont surtout au-delà de la capacité de l'AIEA à les contrôler."

En d'autres termes, le WSJournal sait que Téhéran a des programmes d'armement nucléaire actifs et nombreux qui se situent essentiellement au-delà de la capacité de l'AIEA à les contrôler. Mais si cela est vrai, il n'y a qu'un seul moyen logique de découvrir ces programmes nucléaires non-déclarés et illicites : Envahir l'Iran et obliger un changement de régime pour mettre en place un gouvernement fantoche, de la sorte de celui que les néoconservateurs ont planifié pour Bagdad. Si les inspecteurs de l'AIEA ne peuvent pas localiser les programmes illicites lorsqu'on leur permet d'aller où ils veulent à l'intérieur des frontières iraniennes, alors l'AIEA ferait aussi bien de mettre la clef sous la porte. En fait, c'est cela que Perle et les néoconservateurs ont poussé à faire depuis toujours. Il n'y a rien d'autre qui pourrait leur faire plus plaisir que de discréditer l'AIEA - et les Nations-Unies - et donner au Pentagone la mission de balayer les états voyous et les soumettre.

Si jamais vous pouvez mettre la main sur "l'édition de dimanche soir" avec Wolf Blitzer, ce sujet a été discuté avec Richard Perle en personne. Lors d'un échange il a dit qu'il ne ferait pas confiance à la Corée du Nord même si elle acceptait les vérifications de l'AIEA. Il a ajouté ceci :

Et l'ambassadeur Gallucci a dit quelque chose de très juste il y a quelques temps, et c'est que Saddam Hussein, après la destruction du réacteur Osirak, avait reconstruit un programme nucléaire alors que l'Irak était sous la surveillance de l'AIEA, et nous n'en savions rien. Alors, faire confiance aux Nord-Coréens et croire leur parole, ou celle des Iraniens pour la même raison, est une affaire très risquée. À moins de savoir ce qu'il se passe là-bas, vous n'aurez certainement pas remarqué que Perle a enfumé Blitzer. Perle bien sûr sait que le programme clandestin d'armement nucléaire de Saddam, qui s'est terminé dans un cuisant échec, n'a pas été entrepris avant qu'Israël n'envoie des bombardiers pour détruire en 1981 le réacteur Osirak (avec l'aide de leur vieil ami au Pentagone, à l'époque, M. Perle.)

Perle sait aussi que selon les termes du TNP, que l'Irak avait signé (et qu'Israël n'a jamais signé), l'AIEA n'avait ni l'autorité ni la responsabilité dans les années 80 de vérifier en Irak les sites insoupçonnés. C'est parce que l'AIEA a trouvé en Irak des vestiges du programme nucléaire abandonné après la Guerre du Golfe de 1991 que diverses mesures ont été prises pour combler les failles dans le TNP. Ces dernières comprennent le nouveau protocole, donnant à l'AIEA à la fois l'autorité et la responsabilité de contrôler les sites suspects. Cela comprend aussi la fondation du Groupe des Fournisseurs Nucléaires, qui contrôle les exportations de matériaux nécessaires aux composants nucléaires dans les pays suspectés d'abriter des intentions nucléaires. Il n'y a à l'heure actuelle vraiment aucun moyen pour que l'Iran puisse développer une arme nucléaire sans être découvert, à moins qu'il ne commence par annoncer son retrait du TNP. Dans ce cas, ainsi que Gordon Prather l'a justement fait remarquer, cela prendrait à l'Iran plusieurs années à partir de là avant qu'il puisse obtenir une arme nucléaire prête à être lancée.

La bonne nouvelle est que pour l'instant le Président Bush se comporte comme il aurait dû le faire avant d'envahir l'Irak, avec la permission de Perle et de ses potes iraniens-exilés comme Ahmed Chalabi. Il s'est incliné devant les initiatives diplomatiques britanniques, françaises et allemandes et il a accepté de ne pas exercer plus que nécessaire de pressions sur l'Iran pour obtenir un résultat favorable. Les néoconservateurs, bien sûr, ont considéré ceci comme une défaite, parce que leur jeu a été de provoquer l'Iran et la Corée du Nord en exerçant sur eux une pression au-delà de ce qu'il est nécessaire. A présent, Fox News et le WSJournal boudent.

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Traduit de l'américain par Jean-François Goulon
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