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Si j'avais un accord pour vous !!

Le 3 avril 2002

Mémo A: Bill Clinton, ancien Président des Etats-Unis.
De: Jude Wanniski
Re: L'Offre de Camp David faite à Yasser Arafat

Ces derniers temps, M. le Président, j'ai pensé à vous à propos de la crise qui gonfle au Moyen-Orient. Spécifiquement sur la tentative que vous avez faite, dans vos derniers jours dans le Bureau Ovale, de ficeler un accord historique entre les Israéliens et les Palestiniens. Cela fait maintenant 15 mois que le premier ministre de l'époque, Ehud Barak, a mis sa dernière offre sur la table avant de reconnaître la défaite de sa réélection le mois suivant. À cette époque, je ne voyais aucun moyen pour le dirigeant palestinien d'accepter cette offre, sauf à pouvoir servir de base pour des négociations futures. Barak a parcouru un long chemin à Camp David, et il a été lourdement critiqué par l'aile droite de son parti à Tel-Aviv pour avoir "trop lâché". Je suis désolé d'être d'accord avec Ari Fleischer, le porte-parole du Président Bush, qui a déclaré par inadvertance que vous ne disposiez plus d'assez de temps, que vous aviez essayé " de décrocher la lune ", un meilleur terme pour dire que vous avez essayé d'avoir le beurre et l'argent du beurre. Pourquoi pas ? Rétrospectivement, nous pouvons maintenant dire que vous avez échoué, mais nous pouvons aussi dire que vous avez réussi à montrer jusqu'où un premier ministre israélien pensait qu'il pouvait aller pour aboutir à un règlement solide. La seule chose qui me désole, est votre commentaire final où vous avez fait l'éloge de Barak pour ses concessions et réprimandé Arafat de n'avoir pas essayé assez fort. C'est ce dont les gens se souviennent et je ne pense pas que ce soit honnête.

Le gros problème est qu'au fur et à mesure que les jours et les mois passent, l'offre de Barak est continuellement citée par les amis du Premier ministre actuel, Ariel Sharon, comme la preuve éclatante qu'Arafat n'a jamais été sérieux - sinon il aurait saisi cette offre. La vérité, M. le Président, c'est qu'Arafat n'a jamais rejeté cette offre totalement. Ainsi que Deborah Sontag l'a rapporté dans son excellent compte-rendu publié dans le New York Times de juillet dernier : " M. Arafat a vraiment fini par autoriser ses négociateurs à engager des discussions à Taba [Égypte] qui utilisaient comme base la proposition de Clinton. Cependant, malgré les reportages en Israël qui disent le contraire, M. Arafat n'a pas rejeté les " 97 pour-cent de la Cisjordanie " à Taba comme l'ont affirmé de nombreux Israéliens. Les négociations furent suspendues par Israël à cause des élections qui étaient imminentes et " de la pression de l'opinion publique israélienne contre les pourparlers, à laquelle on ne pouvait pas résister, " a dit Shlomo ben Ami, à l'époque ministre israélien des affaires étrangères. " La dernière session de Taba, rappelez-vous, a eu lieu le 21 janvier 2001, le jour où vous avez remis le Bureau Ovale à M. Bush.

Il a été dit encore et encore que Barak avait offert aux Palestiniens 95% de la Cisjordanie et une portion de Jérusalem. Tout ce que je puis dire, M. le président, c'est que l'offre généreuse de Barak concernant la Cisjordanie ressemble à une tranche de fromage suisse. Israël aurait continué de compter les 40 zones d'implantations comme lui appartenant et de compter ces autoroutes les reliant entre elles comme un territoire souverain. Ils auraient aussi gardé le contrôle des postes frontières sur ces autoroutes, ce qui aurait voulu dire que les Palestiniens ayant besoin de se déplacer quelques kilomètres d'un point de la Palestine à un autre auraient pu être obligés de parcourir 80 kilomètres pour faire ce déplacement. Imaginez simplement les États-Unis autorisant le New Jersey à faire sécession de l'Union et à s'établir comme un état souverain, mais que le gouvernement fédéral garde le contrôle de 40 villes dans cet État, garde le contrôle des frontières, et maintienne la route bordée de verdure du " Garden State ", l'autoroute à péage du New Jersey, et l'autoroute inter-États n°80 comme des autoroutes fédérales qui ne pourraient être traversées sans la permission de l'Oncle Sam, et le cas échéant à des postes de contrôle spécifiques.

Tout ce que je peux dire sur Jérusalem, c'est qu'il a été offert à Arafat le contrôle des lieux saints islamiques, mais Israël aurait gardé le contrôle des rues et des avenues alentour. C'est comme permettre aux Catholiques d'entrer dans la Cathédrale St. Patrick s'ils arrivent à se frayer un chemin à travers les chars et l'artillerie entourant la 5ème avenue et les rues adjacentes.

Ne vous méprenez pas sur ce que je dis, M. Président, je dis quand même que cela constituait un progrès, et pouvait alors fournir la base d'un règlement. La différence est qu'une année de violence est intervenue, qui a écœuré les gens ordinaires de la région et à précipité la Ligue Arabe à faire son offre historique le mois dernier à Beyrouth. Pour la première fois depuis la création d'Israël par les Nations-Unies en 1947, l'ensemble du monde arabe a décidé qu'il normaliserait ses relations avec Israël et garantirait sa souveraineté perpétuelle. Imaginez que l'on vous ait fait cette offre à Camp David ? Barak n'aurait pas eu besoin de demander des mesures de sécurité dans toute la Cisjordanie, puisqu'ils n'auraient plus eu besoin de contrôler les autoroutes, les implantations et les postes de contrôle. Barak n'aurait pas eu besoin de s'en tenir à la parole d'Arafat. Il aurait eu la parole de l'ensemble de la Ligue Arabe, qui aurait sécurisé les frontières bien après le départ d'Arafat. En ce qui concerne Jérusalem, je pense que le Président Bush peut parler au nom de tous les Américains… Protestants, Catholiques, Juifs et Musulmans… en recommandant que ce soit une ville ouverte, la capitale à la fois d'Israël et de la Palestine… avec des forces de sécurité consistant en des hommes et des femmes de toutes confessions.

Si vous vous prononcez pour ces idées, M. le Président, je pense que cela rendrait la vie bien plus facile pour tous ceux qui concernés, ici et au Moyen-Orient. Vous méritez vraiment un large crédit pour ce que vous avez accompli à Camp David. Pourtant, si la crise au Moyen-Orient s'aggrave, un point de non retour sera atteint, et tout votre travail et celui du Président Bush sera réduit en cendres.

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Traduit de l'américain par Jean-François Goulon
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[1] [N.d.T. : Jude Wanniski se mélange un peu les pinceaux! L'Etat d'Israël a été autoproclamé par David ben Gourion au printemps 1948 et a été reconnu par les Nations-Unies en mai 1949. En aucun cas il été crée par Nations-Unies, même si l'ONU avait établi une partition entre les deux peuples lors de la résolution de 1947.]