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Une Crise Énergétique Après l'Autre

8 déc 2004

Mémo A: Journalistes et rédacteurs en chef des pages énergie
De: Jude Wanniski
Re: Régler le Problème Pour de Bon

Il y a peu de temps encore, le baril de pétrole était bien parti pour monter à 60 dollars. Je me souviens avoir entendu Boone Pickens dire que le baril atteindrait 60 dollars avant de retomber à 40, et il ne s'est pas trompé de beaucoup — depuis, le pétrole a baissé et il est maintenant très proche de 40 dollar. Ce dont j'aimerais vous parler, les gars, parce que l'on n'en parle jamais, c'est pourquoi le prix du pétrole est aussi volatil. Pourtant, j'avais déjà donné la réponse à l'époque où je dirigeais, dans les années 70, les éditoriaux "énergie" du Wall Street Journal. C'était lors de la première grande "crise de l'énergie".

Cette réponse, c'est : l'OR. Regardez un peu plus loin en arrière et vous verrez qu'il n'y a jamais eu de "pénurie de pétrole" aux États-Unis avant le long contrôle des prix qui suivit le quadruplement du prix du brut en 1973 par Aramco. Jamais !! La raison est que l'étalon or de Bretton Woods établi en 1944 a été supprimé par Nixon en 1971 — et tous les "étalons or" précédents avaient préservé le dollar au niveau de l'or depuis George Washington et Alexander Hamilton.

Vous savez certainement que trouver et livrer le pétrole aux consommateurs est bien plus coûteux que pour les autres denrées, comme le maïs, le blé, le café, le cuivre, etc. Nous savons où se trouvent de grandes quantités de pétrole sur la planète. Aujourd'hui, les réserves connues représentent le double de celles que l'on connaissait il y a trente ans, lorsque le Président Carter était persuadé que nous arriverions à court de pétrole à la fin du 20ème siècle. Mais les infrastructures pour l'extraire, le convoyer, le raffiner, et le commercialiser sont extrêmement coûteuses, et les marchés financiers ne sont pas prêts à financer cette dépense pour un baril de pétrole supplémentaire à moins qu'ils puissent voir clairement que le prix de vente final rapportera un retour sur investissements positif.

La raison pour laquelle, avant que le dollar ne flotte, il n'y avait pas de pénurie — comme c'est toujours le cas aujourd'hui — est que l'industrie de l'énergie savait que si le ratio dollar/or était de 35$ l'once aujourd'hui et serait de 35$ l'once 10 ans plus tard, le prix du pétrole à $2,50 le baril serait aux alentours de $2,50 dix ans plus tard. Le marché du pétrole, sans avoir besoin d'organiser des réunions pour réguler la production afin de tenter de fixer le prix du pétrole, opérerait automatiquement de façon à toujours garder un surplus de 10% dans un système prêt à compenser des perturbations imprévues, telles que la grève, un ouragan, une guerre, des tensions au Moyen-Orient qui ressemblent à de la guerre, etc. Il n'y a jamais eu, jamais, de débat sur l'intérêt pour les Etats-Unis de disposer d'une "réserve stratégique de pétrole" pour répondre à de tels risques. S'il devait y avoir, ici, des perturbations, nos compagnies pétrolières privées pourraient facilement passer aux réserves tampons. Le coût de livraison pourrait augmenter de quelques cents le baril, mais une fois que la crise serait passée tout rentrerait dans l'ordre.

Le marché du pétrole ne peut plus opérer de cette façon parce que le prix de l'or oscille principalement en réponse à la demande irrégulière de dollars dans le système bancaire américain. Cela veut dire que le prix du pétrole, qui a été constant aux alentours de 2,50$ le baril pendant plusieurs décennies avant 1971, a aussi beaucoup oscillé en réponse aux périodes d'inflation et de déflation. Plus récemment, en 1996, l'or était à 380$ et le baril à 26$. Puis l'or a plongé à 300$ en 1998 et le pétrole est descendu à 10$ le baril. Mais lorsque le prix de l'or a fortement progressé après le 11 septembre, venant d'aussi bas que 255$ l'once quelques mois plus tôt pour atteindre autant que 350$, les demandes chinoise et indienne de pétrole dans la demande mondiale mirent rapidement la pression sur la production. Mais où était passée la réserve tampon de 10% ? Elle est tombée à 1%, ce qui signifiait que n'importe quel terroriste à la petite semaine pourrait faire sauter un pipeline ou que n'importe quel ouragan imprévu dans le Golfe du Mexique pourrait consommer rapidement cette réserve et les prix exploseraient. Désolé, Boone Pickens, vous n'avez vraiment pas compris ce qui se passait lorsque vous avez fait vos prédictions, mais c'est ainsi que ça c'est passé. A présent , le marché de l'énergie n'investira que le plus petit montant possible pour assurer sa profitabilité, parce qu'il n'a aucune idée d'ou viendra la prochaine variation du lprix du pétrole. Les acheteurs de pétrole et de produits pétroliers doivent donc compter sur une "livraison pile-poil" ou alors ils devront dépenser énormément pour jouer sur le marché des futures afin de s'assurer qu'ils disposent d'options sur le produit au cas où il y aurait pénurie.

Vous avez entendu parlé de "Respect des délais de Livraison"? Pas sur le marché du pétrole et du gaz. Nous l'avons surtout entendu de la part des constructeurs d'automobiles, qui durent s'ajuster sur les périodes d'inflation et de déflation du dollar flottant en gardant des stocks de pièces détachées les plus petits possibles. GM et Ford pouvaient à un certain moment stocker elles-mêmes les pièces détachées et fabriquer l'ensemble de la voiture, sauf peut-être pour les pneus et autres options là où une société séparée avait un avantage comparatif. Maintenant, ils ont des milliers et des milliers d'équipementiers automobiles indépendants en concurrence les uns contre les autres pour faire rentrer les pièces sur les chaînes de montage avec aussi peu de temps que possible dans le stock du fabricant de voiture.

D'accord, mais que devons-nous faire avec cette situation ? Le prix du pétrole est tombé à près de 40$ le baril, avec les réparations qui ont été faites dans le Golfe, les ouvriers ont cessé la grève, ici il fait plus chaud, les tensions au Moyen-Orient se relâchent un peu. La réserve de 1% peut supporter de bonnes nouvelles comme celles-ci, mais vous savez parfaitement que le pétrole pourrait retourner à 60$ ou même plus, surtout si le prix de l'or, aujourd'hui à quelques 440$ l'once, reprend sa montée récente. Les pays producteurs préféreront baisser leur production que de vendre leur pétrole pour des dollars bon marché avec un pouvoir d'achat déclinant.

La réponse est simple. Re-fixez le dollar à l'or, à un taux raisonnable de 400$, ce qui est là ou était l'or il y a quelques mois. Une fois qu'il sera clair que la nouvelle politique de la Réserve Fédérale est de reproduire le standard de Bretton Woods, qui a travaillé comme un charme jusqu'à ce que Nixon le foute en l'air (sur les conseils de ses économistes), l'industrie pétrolière saura que le prix du pétrole se stabilisera autour de 30$ le baril et y restera. Les investissements à long terme pourront reprendre et la réserve tampon montera à 2%, puis 3%, et dans une décennie nous seront là où elle devrait se situer. Il n'y aurait plus de crises énergétiques au 21ème siècle.

Vous voyez où je veux en venir ? Pourquoi ne ferions-nous pas ainsi ? En partie parce que j'ai été surtout seul à essayer de l'expliquer à la Classe Politique. C'est pourquoi je vous dédie ce mémo afin que vous puissiez me donner un coup de main

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Jude Wanniski est un ancien rédacteur associé du Wall Street Journal, expert en économie de l'offre et fondateur de Polyconomics, qui aide à interpréter l'impact des évènements politiques sur les marchés financiers.

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Traduit de l'américain par Jean-François Goulon
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