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Les Confessions d'un Tueur à Gage Economique

23 janvier 2005

Mémo A: Fans, Surfeurs, Clients
De: Jude Wanniski
Re: Un Livre sur l'Empire du Mal

Si jamais vous avez jeté un coup d'œil à la rubrique NYTimes Book Review aujourd'hui, vous aurez peut-être remarqué la nouvelle entrée d'un livre dans la liste des best-sellers, à la neuvième place. Le texte de présentation est le suivant : " Les Confessions d'un Tueur à Gage Economique [Confessions of an economic hit man], de John Perkins. (Barrett-Koehler, $24.95.) Un ancien employé dans une firme internationale de consultants dénonce l'empire global américain et son culte des grandes sociétés. "

De quoi est-ce que cela parle ? Ce livre a été publié en automne dernier, mais n'est devenu un best-seller que maintenant ? Il n'a été porté à mon attention que tout récemment par un fan de mon site web qui sait que je répète depuis longtemps que le Fonds Monétaire International et son organisme frère, la Banque Mondiale, constituent un " Empire du Mal ". Ces deux institutions financières internationales furent créées en 1945 pendant la gestation de l'ONU comme des entreprises " pour faire le bien ". Le FMI assisterait les pays qui essayent de maintenir leurs devises liées au dollar selon les termes de l'Accord de Bretton Woods de 1944. La BM prêterait de l'argent à des taux d'intérêt bas collectés auprès des pays riches pour aider les pays pauvres à s'en sortir.

Au fil des années, ce processus a été corrompu, avec à la fois le FMI et la BM qui commencèrent à être contrôlés par les multinationales et leurs banques. Lorsque le Président Nixon est sorti de l'étalon or en 1971, la raison d'être du FMI s'est évaporée, puisque Bretton Woods et la parité fixe or-dollar sont partis en fumée. Alors, le problème pour les grandes banques comme Chase Manhattan, Citicorp et Bank of America est devenu double :

1) Au fur et à mesure qu'un excédent de dollars s'accumulait dans leurs réserves, et comme il ne se trouvait pas d'Américains solvables pour emprunter, les banques durent réfléchir au moyen de prêter de l'argent à l'étranger afin qu'il ne dorme pas dans leurs coffres en ne rapportant rien. En fait, pour elles, cela signifiait perdre de l'argent puisque le papier-dollar - libéré de son point d'ancrage avec l'or - se multipliait et perdait ainsi du pouvoir d'achat. Walter Wriston de Citigroup (qui est décédé la semaine dernière) eut l'idée de prêter cet excédent aux pays pauvres, même s'ils n'offraient aucune garantie, puisque ces gouvernements seraient obligés de rembourser leurs emprunts en monnaie forte afin de ne pas perdre la qualité de leur crédit international.

2) Si les pays qui empruntaient auprès de la Chase ou de Citicorp ne pouvaient pas payer les intérêts ou rembourser le principal et s'en fichaient d'arnaquer ainsi les banquiers privés, ces derniers n'auraient plus qu'à s'asseoir sur leurs prêts non-performant. La solution était d'obtenir du FMI, qui cherchait à justifier son existence, qu'il entre en scène pour collecter la dette. Tout ce que le FMI avait à faire était de persuader le Congrès des Etats-Unis de casquer un milliard ou deux des dollars des contribuables pour remplir ses coffres (et les " re-remplir " de temps en temps). Ensuite ils pourraient aller voir ces pays de faignants et leur dire : " Nous allons vous donner cet argent pour que vous puissiez payer à la Chase et à Citicorp se que vous leur devez, mais en contrepartie de ce prêt il faudra que pour augmentiez les impôts sur votre propre peuple et que vous dévaluiez votre devise ! "

Ce que nous avons dans le livre de M. Perkins est le compte-rendu d'un fantassin opérant pour cet Empire du Mal. Je vais me procurer ce livre et vérifier, mais de ce que j'ai pu collecter sur net, il se situe bien dans l'arène de ce qu'il s'est passé. Les banquiers sont-ils mauvais par nature ? Bien sûr que non. Mais en tant que banquiers ils sont après l'argent, ne réfléchissant pas à deux fois aux conditions dans lesquelles ils laissent leurs débiteurs. La première des priorités de toute institution est l'autoprotection, et pour les grandes banques, cela signifie être remboursés des prêts qu'ils consentent. Est-ce une manière de conduire le monde ? Non. C'est une façon épouvantable d'opérer, et cela cesserait si notre gouvernement revenait au système de la parité or/dollar. S'il ne le fait pas, j'ai bien peur que rien de ce que M. Perkins ou moi-même pouvons écrire changera quoi que ce soit. Les gens qui contrôlent l'argent contrôlent notre gouvernement et c'est tout ce qu'il y a à dire. Il est intéressant que Perkins identifie Bechtel Corporation et Halliburton comme des agents de cette conspiration silencieuse pour s'assurer que la bonne vieille Amérique prospère, même si cela implique l'appauvrissement incessant des pays les plus pauvres du monde.

Voici une interview qu'Amy Goodman de " Democracy Now " a faite avec Perkins le 9 novembre de l'année dernière. Rappelez-vous que sa perspective n'est pas du plus haut niveau, mais notez qu'il mentionne George Shultz comme agent de l'Empire du Mal, ce que Shultz a été pendant des décennies. C'est Shultz qui, avec Walter Wriston et Milton Friedman, a persuadé Nixon de laisser flotter le dollar et de faire sauter le système monétaire de Bretton Woods. Shultz, qui est à présent octogénaire, est toujours un puissant au sein de l'Establishment, un joueur clé dans Bechtel Corporation et un membre du Conseil Politique de la Défense au Pentagone, un membre de la cabale de Perle. Bien entendu, les trois hommes pensaient que c'était la bonne chose à faire à ce moment-là, mais rétrospectivement, il ne fallait pas le faire.

* * * * *

Mardi 9 novembre 2004

Les Confessions d'un Tueur à Gage Economique : Comment les Etats-Unis Utilisent la Mondialisation pour Dépouiller les Pays Pauvres de Milliers de Milliards de Dollars

Nous sommes avec John Perkins, un ancien membre respecté de la communauté bancaire internationale. Dans son livre Confessions of an Economic Hit Man il décrit comment, en tant que professionnel extrêmement bien payé, il a aidé les Etats-Unis à dépouiller des pays pauvres à travers la planète de milliers de milliards de dollars en leur prêtant plus d'argent qu'ils ne pouvaient possiblement rembourser et ensuite à prendre le contrôle de leurs économies.

Il y a 20 ans, Perkins commença à écrire un livre dont le titre était " La Conscience d'un Tueur à Gage Economique " [Conscience of an Economic Hit Man].

Perkins écrit : " Ce livre devait être dédié aux présidents de deux pays, des hommes qui avaient été mes clients et que je respectais et que je considérais comme des âmes sœurs - Jaime Rolds, le président de l'Equateur, et Omar Torrijos, le président du Panama. Ils venaient tous deux de mourir dans des accidents d'avion. Leurs morts ne fut pas accidentelle. Ils furent assassinés à cause de leur opposition à cette confrérie de dirigeants de sociétés, du gouvernement et de banques dont l'objectif était l'empire global. Nous, les Tueurs à Gage Economiques, avons échoué à faire rentrer Rolds et Torrijos dans le rang, et les tueurs à gage de l'autre sorte, les chacals autorisés de la CIA qui étaient toujours dans notre dos, sont intervenus. "

John Perkins continue : "On m'a persuadé d'arrêter l'écriture de ce livre. Je l'ai reprise par quatre fois dans les vingt années qui suivirent. A chaque occasion, ma décision de le reprendre fut influencée par les évènements courants du monde : l'invasion américaine du Panama en 1980, la première guerre du Golfe, la Somalie, et la montée d'Oussama Ben Laden. Cependant, les menaces et les pots-de-vin m'ont toujours convaincus d'arrêter. "

Mais à présent Perkins a enfin publié son histoire. Ce livre s'intitule Confessions of an Economic Hit Man [Confessions d'un Tueur à Gage Economique].

[…]

AMY GOODMAN : Bien, expliquez-nous ce que veut dire ce terme, tueur à gage économique, t.g.e., comme vous dites.

JOHN PERKINS : En fait, ce à quoi nous avons été formés et ce en quoi notre job consiste, c'est de construire l'empire américain. D'amener -- de créer des situations où autant de richesses que possible affluent dans ce pays, vers nos grandes entreprises et notre gouvernement, et en fait nous avons très bien réussi. Nous avons construit le plus grand empire de l'histoire du monde. Cela a été fait durant les 50 dernières années qui suivirent la deuxième guerre mondiale en faisant en fait très peu usage de la force militaire. Ce n'est seulement qu'en de rares occasions comme pour l'Irak que l'armée est intervenu comme dernier recours. Cet empire, contrairement à tout autre dans l'histoire de l'humanité, a été construit essentiellement par la manipulation économique, par la tricherie et la fraude, en persuadant les peuples à adopter notre manière de vivre, et par l'action des tueurs à gage économiques. J'ai beaucoup participé à cela.

A G : Comment en êtes-vous devenu un ? Pour qui travailliez-vous ?

J P : Eh bien, j'ai d'abord été recruté dans les années soixante par la NSA [National Security Agency] — la plus grande organisation d'espionnage américaine et celle que l'on comprend le moins — lorsque j'étais étudiant dans une école de commerce ; mais en fin de compte je travaillais pour de grandes entreprises privées. Le véritable premier tueur à gage économique remonte aux années 50. C'était Kermit Roosevelt, le petit-fils de Teddy, qui renversa le gouvernement de l'Iran, un gouvernement démocratiquement élu, le gouvernement de Mossadegh qui fut élu la personnalité de l'année de Time magazine, et il était très efficace à le faire sans aucun bain de sang -- heu, il y a eu un petit bain de sang, mais pas d'intervention militaire, juste une dépense de millions de dollars et il remplaça Mossadegh par le Shah d'Iran. A ce moment-là, nous avions compris que l'idée de tueurs à gage économiques était vraiment très bonne. Nous n'avions pas a nous préoccuper de la menace d'une guerre avec la Russie en agissant de la sorte. Le problème avec cela était que Roosevelt était un agent de la CIA. Il était un employé du gouvernement. S'il avait été pris, nous aurions eu de graves problèmes. Cela aurait été très embarrassant. Alors, à ce stade, la décision fut prise de recourir à des organisations comme la CIA et la NSA pour recruter des tueurs à gage économiques potentiels comme moi, et ensuite de nous envoyer travailler pour des sociétés privées de consultants, des entreprises d'ingénierie, des sociétés de construction. Comme ça, si nous avions été pris, on n'aurait pas fait le rapprochement avec le gouvernement.

A G : Bien. Parlez-nous de la société pour laquelle vous travailliez.

J P : Eh bien, la société pour laquelle je travaillais était une société nommée Chas. T. Main à Boston, dans le Massachusetts. Nous étions environ 2.000 employés, et je suis devenu son chef-économiste. J'ai fini par avoir cinquante personnes sous mes ordres. Mais mon véritable travail consistait à monter des deals. Cela consistait à accorder des prêts à d'autres pays, des prêts colossaux, bien plus importants que ce qu'ils pouvaient rembourser. Une des conditions du prêt - disons 1 milliard de dollars à un pays comme l'Indonésie ou l'Equateur - consistait à ce que ce pays devait alors rendre quatre-vingt-dix pour-cent de ce prêt à une société américaine, ou à plusieurs sociétés américaines, pour construire des infrastructures - comme Halliburton ou Bechtel. Ces entreprises étaient des mastodontes. Ensuite, ces sociétés arrivaient et construisaient un système électrique ou des ports ou des autoroutes, et ces infrastructures servaient essentiellement à juste quelques familles parmi les plus fortunées du pays. Les pauvres de ces pays finissaient pas s'enliser avec cette dette invraisemblable qu'ils ne pouvaient absolument pas rembourser. Aujourd'hui, un pays comme l'Equateur doit consacrer plus de cinquante pour-cent de son budget simplement pour payer les intérêts de sa dette. Et il ne peut vraiment pas le faire. Donc, nous les tenons littéralement à notre merci. Ainsi, lorsque nous voulons plus de pétrole, nous allons en Equateur et nous disons, " Ecoutez, vous n'êtes pas capables de rembourser vos dettes, donc, donnez à nos compagnies pétrolières vos forêts tropicales d'Amazonie, qui regorgent de pétrole. " Et aujourd'hui, nous y allons et détruisons les forêts tropicales humides d'Amazonie, forçant l'Equateur à nous les donner parce qu'ils ont accumulé toute cette dette. Donc, nous accordons cet énorme prêt dont la plus grande partie retourne aux Etats-Unis, le pays reste avec sa dette plus des montagnes d'intérêts, et ils deviennent en fait nos serviteurs, nos esclaves. C'est un empire. Il n'y a pas d'autre manière de le voir. C'est un empire colossal. Et ça marche extrêmement bien.

A G : […] Vous dites qu'à cause de pots-de-vin et d'autres raisons vous n'avez pas écrit ce livre pendant longtemps. Que voulez-vous dire ? Qui a essayé de vous soudoyer, ou qui -- quels sont les pots-de-vin que vous avez acceptés ?

J P : Eh bien, j'ai accepté un pot-de-vin d'un demi million de dollar dans les années 90 pour ne pas écrire ce livre.

A G : De qui ?

J P : De la part d'une très importante société de construction et d'ingénierie.

A G : Laquelle ?

J P : Juridiquement, ce n'était pas -- Stoner-Webster. Juridiquement ce n'était pas un pot-de-vin, c'était -- j'étais payé comme consultant. Tout ceci est parfaitement légal. Mais je n'ai en gros rien fait. Il était convenu, comme je l'ai expliqué dans Confessions of an Economic Hit Man, que c'était -- j'étais -- il était convenu qu'en acceptant cet argent en tant que consultant pour eux je n'aurait pas beaucoup de travail à produire, mais je ne devais pas écrire de livre sur ce sujet, et ils étaient conscients que j'étais sur le point d'écrire ce livre, qu'à l'époque j'avais intitulé Conscience of an Economic Hit Man. Et je dois vous dire, Amy, que, vous savez, c'est une histoire extraordinaire du point de vue de - C'est pratiquement du James Bond, vraiment, et je suis sérieux.

A G : Eh bien, c'est certainement ainsi que ce livre se lit.

J P : Oui, et c'est ce que c'était, vous savez ? Et lorsque la NSA m'a recruté, ils m'ont fait passer toute une journée de tests sous le détecteur de mensonges. Ils ont trouvé toutes mes faiblesses et m'ont immédiatement appâté. Ils utilisaient les drogues les plus puissantes de notre culture, le sexe, le pouvoir et l'argent, pour me convaincre. Je viens d'une très vieille famille calviniste de la Nouvelle-Angleterre nourrie de valeurs morales incroyablement fortes. Vous savez, je crois que je suis une bonne personne en fin de compte, et je pense que mon histoire montre vraiment comment ce système et ces drogues que sont le sexe, l'argent et le pouvoir peuvent attirer les gens, parce que moi j'ai certainement était séduit. Et si je n'avais pas vécu cette vie comme un tueur à gage économique, je pense que j'aurais eu beaucoup de mal à croire quiconque raconterait ces choses. Et c'est pourquoi j'ai écrit ce livre, parce que notre pays a vraiment besoin de comprendre, si les gens de cette nation comprenaient ce qu'il retourne dans notre politique étrangère, ce que l'aide aux pays étrangers est vraiment, comment nos grandes entreprises fonctionnent, où part l'argent de nos impôts, je sais que nous exigerions le changement.

A G : Dans votre livre, vous expliquez comment vous avez contribué à implémenter un projet secret qui a aspiré des milliards de dollars du pétrole saoudien pour les faire retourner dans l'économie américaine, et qui a cimenter un peu plus la relation intime entre la Maison des Saoud et les gouvernements successifs des Etats-Unis. Expliquez-nous.

J P : Oui, c'était une époque fascinante. Je m'en souviens très bien, vous êtes probablement trop jeune pour vous en rappeler, mais je me souviens très bien comment au début des années soixante-dix l'OPEP a exercé le pouvoir dont elle disposait, et a réduit ses livraisons de pétrole. Les automobiles faisaient la queue aux stations services. Le pays était effrayé à l'idée qu'il faisait face à une nouvelle dépression du type du crack de 1929 ; et cela n'était pas acceptable. Alors, ils -- le ministère des finances m'a embauché avec quelques autres tueurs à gage économiques. Nous sommes allés en Arabie Saoudite. Nous -

A G : On vous appelait vraiment tueurs à gage économiques — t.g.e. ?

J P : Ouais, c'était un terme au second degré que nous utilisions entre nous. Officiellement, j'étais un chef-économiste. Nous nous appelions nous-mêmes e.h.m. [t.g.e.]. C'était du second degré. C'était comme, personne ne nous croirait si nous le disions, vous comprenez ? Et, ainsi, nous sommes allés en Arabie Saoudite au début des années soixante-dix. Nous savions que l'Arabie Saoudite était la clé pour supprimer notre dépendance, ou pour contrôler la situation. Et nous avons travaillé à cet accord par lequel la Maison Royale des Saoud accepta de renvoyer la majeure partie de leurs pétrodollars aux Etats-Unis et de les investir dans les titres du gouvernement américains. Le ministère des finances utiliserait les intérêts produits par ces titres pour engager des sociétés américaines afin de construire les villes nouvelles saoudiennes, une nouvelle infrastructure que nous avons créée. Et la Maison des Saoud a accepté de maintenir le prix du pétrole dans des limites acceptables pour nous, ce qu'ils ont fait toutes ces années, et nous avons accepté de laisser la Maison des Saoud au pouvoir tant qu'ils faisaient ainsi, et c'est ce que nous avons fait, ce qui est une des raisons pour lesquelles nous avons fait la guerre à l'Irak la première fois. Et en Irak nous avons essayé d'implémenter la même politique qui fut si efficace en Arabie Saoudite, mais Saddam Hussein refusa. Lorsque les tueurs à gage économiques échouent dans ce scénario, la prochaine étape est ce que nous appelons les chacals. Les chacals sont des gens autorisés par la CIA qui arrivent et essayent de fomenter un coup d'état ou la révolution. Si ça ne marche pas, ils pratiquent les assassinats. Ou ils essayent. Dans le cas de l'Irak, ils n'arrivaient pas à approcher Saddam Hussein. Il avait - Ses gardes du corps étaient trop bons. Ils avait des sosies. Ils n'arrivaient pas à l'atteindre. Alors, la troisième ligne de défense, si les tueurs économiques et les chacals avaient échoué, la ligne suivante de défense consiste à envoyer nos jeunes hommes et femmes pour mourir et tuer, ce que nous avons évidemment fait en Irak.

A G : Pouvez-vous nous expliquer comment Torrijos est mort ?

J P : Omar Torrijos, le President de Panama. Omar Torrijos avait signé le Traité du Canal avec Carter — et, vous savez, c'est passé au Congrès avec seulement une voix de majorité. C'était une affaire hautement controversée. Et Torrijos est ensuite allé de l'avant et a négocié avec les Japonais pour construire un canal au niveau de la mer. Les Japonais voulaient financer et construire un canal à Panama au niveau de la mer. Torrijos était en pourparler avec eux ce qui a beaucoup contrarié Bechtel Corporation, dont le président était George Shultz et le conseiller Caspar Weinberger. Lorsque Carter fut évincé (et comment cela s'est passé est une histoire intéressante), après avoir perdu l'élection, et que Reagan est arrivé et que Shultz passa de Bechtel au poste de ministre des affaires étrangères, et que Weinberger passa de Bechtel au poste de ministre de la défense, ils étaient extrêmement furieux contre Torrijos — il tentèrent de l'amener à renégocier le Traité du Canal et de ne pas parler aux Japonais. Il refusa catégoriquement. Il était un homme avec des principes forts. Il avait ses problèmes, mais c'était un homme aux principes forts. C'était un homme étonnant, Torrijos. Et alors, il est mort au milieu des flammes dans un accident d'avion, qui était connecté à un magnétophone bourré d'explosifs, qui -- J'y étais. J'avais travaillé avec lui. Je savais que nous, les tueurs économiques avions échoué. Je savais que les chacals se rapprochaient, et après, son avion explosa avec un magnétophone qui contenait une bombe. Il n'y a aucun doute dans mon esprit que c'était approuvé par la CIA, et la plupart -- de nombreux enquêteurs d'Amérique latine sont arrivés à la même conclusion. Bien sûr, nous n'en avons jamais entendu parler dans notre pays.

A G : Donc, où - quand avez-vous changé de sentiment ?

J P : Je me suis senti coupable tout le temps, mais j'étais sous séduction. La puissance de ces drogues, le sexe, le pouvoir, et l'argent, avait un effet extrêmement fort sur moi. Et, bien sûr, je faisait des choses pour lesquelles on me félicitait. J'étais chef-économiste. Je faisais des choses que Robert McNamara [1] aimait, etc.

A G : A quel point travailliez-vous étroitement avec la Banque Mondiale ?

J P : Très, très étroitement avec la Banque Mondiale. La Banque Mondiale fournit la majeure partie de l'argent qui est utilisé par les tueurs économiques, avec le FMI. Mais lorsque le 11 septembre est arrivé, mes sentiments ont changé. Je savais qu'il fallait raconter cette histoire parce que ce qui a eu lieu le 11 septembre est le résultat direct de ce que les tueurs économiques font. Et le seul moyen pour nous de nous sentir à nouveau en sécurité dans ce pays et de nous sentir bien avec nous-mêmes est que si nous utilisons ces systèmes que nous avons mis en place pour créer un changement positif dans le monde. Je pense vraiment que nous pouvons le faire. Je pense que la Banque Mondiale et d'autres institutions peuvent être retournées et qu'elles peuvent faire ce qu'elles étaient censées faire à l'origine, c'est à dire aider à reconstruire les parties dévastées du monde. Aider - aider sincèrement les pauvres. Il y a vingt-quatre mille personnes qui meurent de faim chaque jour. Nous pouvons changer cela.

A G : John Perkins, merci […]

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Traduit de l'américain par Jean-François Goulon
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[1] Robert Strange McNamara (né le 9 juin 1916) est un homme d'affaire et politicien américain. Il fut secrétaire à la défense à partir de1961. Il démissionna le 1er mars 1968 pour devenir président de la banque mondiale, poste qu'il occupa jusqu'en 1981.