accueil > archives > éditos


Qui est Ahmed Chalabi?



Le 25 avril 2004

Mémo à : Fans, Surfeurs, Clients
De : Jude Wanniski
Re: L’Administrateur en Irak

Si vous voulez connaître la source principale de toutes les balivernes qui ont conduit le Président Bush à décider de partir en guerre contre l’Irak en janvier 2003 (peu importe ce que les inspecteurs de l’Onu aient pu découvrir pendant les deux mois qui ont suivi), il vous faut regarder en direction de Richard Perle, le cerveau dont Donald Rumsfeld, Paul Wolfowitz et Condoleeza Rice sont les marionnettes. Mais Perle n’aurait pu aller nulle part s’il n’avait disposé d’une source iraquienne de renseignements sur les méchants du régime de Saddam Hussein à Bagdad, du type "lancer coulé".

Derrière cette affaire, si vous grattez un peu, vous y trouverez Ahmed Chalabi. Encore aujourd’hui, malgré toutes les bonnes paroles de la Maison Blanche assurant de rendre la souveraineté aux Irakiens, il y a toujours cette détermination irréductible des faucons à placer leur poulain à un poste-clé, où il pourra exercer un contrôle suffisant pour faire du "gouvernement irakien démocratiquement élu" en 2005 l’instrument de leurs désirs. La pièce que j’ajoute à ce dossier provient d’un journaliste américain "alternatif" qui se situe en dehors du courant dominant. (Si vous le désirez, vous pouvez prendre des renseignements sur lui sur Google.) Je peux vous assurer de son authenticité. Il a parfaitement raison lorsqu’il associe Chalabi à feu Albert Wohlstetter, qui fut le principal concepteur de ce que l’on appelle désormais la cabale de Perle. Bien entendu, je m’accorde à penser que le Président Bush ne sait pas grand chose de Chalabi et de son "parcours en dents de scie," mais il en apprendra à mesure que le temps passera.

[Une chose que M. Bush finira bien par apprendre est que les Irakiens qui s’étaient rassemblés autour de la statue de Saddam Hussein l’année dernière et qui ont fait en sorte que les soldats américains la déboulonne étaient des hommes de Chalabi. Une force de mille hommes, envoyés par avion aux frais du contribuable américain, pour montrer au monde entier que les Irakiens étaient follement heureux d’être débarrassés de Saddam et dirigés désormais par Chalabi.]





Le Parcours en Dents de Scie de Chalabi



Par Christopher Bollyn

Lorsque le Général Abdul Karim Qasim évinça la monarchie iraquienne du Roi Fayçal II en juillet 1958, de nombreux Irakiens, tels que les membres de la famille d’Ahmed Chalabi, et qui avaient bien profité de leurs liens étroits avec la monarchie, furent forcés de quitter le pays. Aujourd’hui, Chalabi est l’homme qui se trouve derrière le gouvernement auto-proclamé qui a pris le pouvoir en Irak.

Selon un papier récent, rédigé par B. Raman, un expert indien sur les services de renseignements, pour le South Asia Analysis Group et intitulé "Ahmed Chalabi : Le Janos Kadar de l’Irak", Chalabi, un Chiite non-pratiquant, aurait été un ami proche du Shah d’Iran, de l’ancien prince héritier de Jordanie, Hassan, et du Colonel Oliver North du gouvernement Reagan.

Chef du Congrès National Irakien [ l’INC - Iraqi National Congress], Chalabi est originaire d’une famille chiite aristocratique apparentée à la monarchie de Fayçal. La monarchie iraquienne avait été installée par les Britanniques lorsqu’ils créèrent l’état irakien après la première guerre mondiale.

Le père de Chalabi était membre du conseil des ministres de Fayçal et président du sénat nommé par Fayçal et établi pour donner à la monarchie iraquienne une façade démocratique. La famille de Chalabi s’est enfuie vers la Jordanie lorsque le Roi Fayçal II fut renversé en 1958 par le groupe d’officiers militaires mené par Qasim et qui agirent prétendument en connivence avec le Parti Communiste Irakien.

Des années plus tard, Chalabi amassa un gros paquet d’argent comme banquier en Jordanie. Cependant, en 1989, Chalabi fut reconnu coupable de détournement de fonds et de fraude par une cour militaire en Jordanie et fut condamné à 22 ans de prison. Chalabi se serait enfui de la Jordanie caché dans le coffre d’une voiture avec plus de 20 millions de dollars.

Il fut établi que, durant son association avec la banque, Chalabi a détourné environ 70 millions de dollars et l’a planqué dans des comptes secrets en Suisse.

Les irrégularités financières dans lesquelles Chalabi a été reconnu comme étant directement impliqué ont conduit la banque jordanienne qu’il dirigeait, la Petra Bank, à la banqueroute Au moment de la faillite, Petra était la troisième banque de Jordanie, et le gouvernement jordanien fut contraint de rembourser 200 millions de dollars aux épargnants qui avaient perdu leurs économies.

En 1992 , M. Chalabi fut jugé par contumace et condamné à 22 années de prison par une cour jordanienne pour 31 accusations de détournement, de vol, d’abus d’usage des fonds déposés et de spéculation sur la monnaie.

Un rapport établi par Arthur Andersen a mis au jour par la suite que les actifs de la Banque Petra de Chalabi avaient été gonflés de quelques 200 millions de dollars. Nombre des crédits pourris que la banque avait consentis l’avaient été auprès de sociétés liées à Chalabi, en Suisse et au Liban. Un rapport détaillé de 500 pages fut compilé plus tard pour le procureur général militaire de Jordanie, le 10 juin 1990.

Dans ce rapport, Chalabi y est décrit comme étant l’homme de la banque Petra qui a été directement responsable des "dépôts et des entrées fictifs afin de faire apparaître les recettes… plus importantes."

A ce jour, Chalabi insiste pour dire que les accusations étaient d’origine politique et que le fait qu’il n’y a jamais eu de demandes formelles d’extradition prouve que cette affaire était bidon. Chalabi est considéré par les experts comme un collaborateur de longue-date de la CIA et de l’Agence de Renseignement Militaire (la DIA) au Pentagone.

Après s’être enfui de Jordanie, Chalabi est allé en Europe et a fondé l’INC en 1992 lors d’un meeting avec quelques exilés anti-Saddam qui s’est tenu à Vienne, en Autriche. James Woolsey, qui devint Directeur de la CIA sous la présidence de Bill Clinton, fit de l’INC de Chalabi l’avant- garde des opérations de la CIA contre Saddam Hussein. Selon Raman, Chalabi aurait été le protégé de Woolsey et l’INC devint le principal bénéficiaire des fonds que la CIA destinait au renversement de Saddam.

Dans les années 80, lorsqu’il était associé dans la banque Petra, Chalabi, qui aurait aidé le Mossad, l’agence israélienne de renseignements, avait l’habitude de se rendre en secret en Israël. Toujours selon Raman, lors de ces visites, il devint un proche de feu Albert Wohlstetter, réputé pour avoir été "un parrain du mouvement néoconservateur aux Etats-Unis".

Raman a noté que Chalabi avait rencontré Wohlstetter lors de ses études à l’Université de Chicago, mais l’amitié entre les deux hommes ne devint intime qu’après leurs rencontres en Israël. Par l’intermédiaire de Wohlstetter, Chalabi fut mis en relation avec Richard Perle, qui était alors le Sous-Secrétaire à la Défense en charge de la politique de sécurité internationale sous le Président Reagan – Dick Cheney et Donald Rumsfeld servant aussi sous Reagan.

Perle, en tant que chef du Defence Policy Advisory Board (Conseil Politique à la Défense), a été un fervent supporter de Chalabi, mais la CIA et le Département d’Etat (les affaires étrangères) émettent de sérieuses réserves à son encontre.

En dépit de son passé criminel, Chalabi est aujourd’hui présenté comme le possible chef de l’autorité iraquienne intérimaire afin de pourvoir d’un visage irakien ce qui risque de devenir une occupation militaire prolongée de l’Irak.

"Il est destiné à occuper un poste important dans le régime d’occupation américaine à Bagdad pour créer une nouvelle agence de renseignements iraquienne, qui serait loyale vis à vis des Etats- Unis et protégerait ses intérêts," écrit Raman.

Le 16 avril, deux proches associés de Chalabi ont dit qu’ils avaient été élus maire et gouverneur de Bagdad par des chefs tribaux et religieux agissant avec le consentement du gouvernement américain.

Le Général de l’INC, Jaudat Obeidi, qui aurait vécu en exil dans l’Oregon, avant son retour en Irak, a revendiqué qu’il avait été choisi comme maire de Bagdad. Et, avec un entourage médiatique massif, Mohammed Mohsen Zubeidi, s’est proclamé gouverneur de la nouvelle administration intérimaire pour Bagdad.

Un porte-parole des Marines américains à Bagdad a contesté que les Etats-Unis avaient reconnu qui que ce soit pour diriger un nouveau gouvernement iraquien.

* * * * *

Traduit de l'américain par Jean-François Goulon
All contents (c) 2000-2004 Wanniski.com