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Saddam Hussein n'a pas perpétré de génocide



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De: Jude Wanniski
Re: Les erreurs de "Human Rights Watch"

Il y a exactement un an, alors que je voyais l'administration Bush s'engager sur le chemin de la guerre, j'ai eu l'impression que le Président Bush était entraîné par les civils du Pentagone dans leur insistance à démontrer qu'il [Saddam Hussein] était un vrai monstre parce qu'il avait perpétré un génocide. A la fin de la guerre Iran/Irak en 1988, on a dit que l'armée de l'air irakienne à répandu des gaz mortels sur son propre peuple dans la ville kurde d'Halabja et a tué au moins 5.000 personnes, au cours de la reprise de cette ville aux iraniens. Cela s'est passé en mars 88. Dans les jours d'août qui ont suivi la sollicitation de la paix par l'Iran, il a été rapporté que l'armée irakienne a rassemblé méthodiquement 100.000 autres kurdes - sur le motif qu'ils avaient combattu aux côtés des iraniens - et les ont massacrés avec un gaz mortel. Le Secrétaire d'État, George P. Shultz, à rapporté sans la vérifier cette dernière affirmation et le Sénat américain a voté une résolution condamnant Saddam, se fiant à un rapport sur le Kurdistan établi par un employé, membre de son comité aux relations extérieures, Peter Galbraith, fils du célèbre économiste, John Kenneth Galbraith. L'histoire se dégonfla, mais refit surface au moment de l'invasion du Koweit par l'Irak en 1990. Au fil des ans, depuis cette date, cette histoire a été gonflée, encore et encore, par l'organisation washingtonienne, Human Rights Watch. Son expert permanent, Joost Hiltermann, parlant couramment l'arabe, et professeur de droit à la "Johns Hopkins School for International Studies", est le principal responsable de cette amplification.

En 1997, je suis tombé sur un rapport du "Army War College" de Carlyle (Pennsylvanie), datant de 1991, qui aboutissait à des conclusions complètement différentes. Son auteur, le Dr. Stephen Pelletiere, a dirigé une équipe, qui réunissait tous les spécialistes des agences américaines de renseignement, pour étudier la guerre Iran/Irak et comprendre comment l'Irak avait pu vaincre un pays trois fois plus grand que lui. Dans ce rapport, l'histoire des morts d'Halabja y est effleurée, et rapporte que des "centaines" de civils y trouvèrent la mort. Il y est indiqué qu'ils furent tués par un gaz au cyanure, connu pour être utilisé par l'armée iranienne et que l'Irak ne possédait pas. Ce rapport ne mentionnait pas la "disparition" de 100.000 kurdes irakiens. Pelletiere avait été le plus haut analyste de la CIA à s'être occupé des huit années de la guerre Iran/Irak. Lorsque je l'ai retrouvé, il y a un an, vivant sa retraite près de l'Army War College, il insista pour dire que depuis 12 ans rien n'est s'était produit qui aurait pu lui faire changer d'opinion. Il n'y a pas eu de génocide, m'a-t-il dit, et il ajouta que cette histoire était un bobard, un non-événement, propagé par Human Rights Watch. Il a dit qu'il avait discuté avec Joost Hiltermann au sujet de ses divergences, argumentant que les "victimes" n'avaient jamais été retrouvées et que l'on n'avait pas localisé de charnier.

J'ai appelé Hiltermann à HRW pour discuter de ses divergences avec Pelletiere, ce qui nous a amené à échanger des courriels pendant plusieurs semaines. Voici le dernier contact que j'ai eu avec lui, un long courriel de questions que je lui ai adressées, et sa longue réponse. J'ai fusionné les deux courriels afin qu'ils puissent être lus de façon continue. Il n'y a bien sûr aucune question supplémentaire dans cette correspondance, qui, je crois, est assez éloquente, et qui me permet d'aboutir à la conclusion que Human Rights Watch a commis une énorme bourde en propageant l'histoire du génocide, et qui est prête à raconter n'importe quoi pour soutenir que tout cela est vrai. Malheureusement, le Président Bush n'a toujours pas été avisé par son équipe que les agences américaines de renseignement possédaient la version correcte depuis le début, puisque cela sert les intérêts des faucons du Pentagone de faire croire au Président que Saddam n'est pas seulement un dictateur, mais aussi une sorte d' "Hitler".

Fin mai 2002
Cher Professeur Hilterman:

Un ami m'a envoyé un article du Christian Science Monitor daté du 13 mai, écrit par Scott Peterson, et qui fait mention du gazage des kurdes. Il dit que Human Rights Watch a conclu que l'Irak avait commis un "génocide" après avoir mené un "examen légiste de plusieurs charniers."

Ceci est nouveau pour moi. Si l'on a trouvé des charniers, alors le Dr. Pelletiere se trompe en disant qu'il s'agit d'un "bobard", d'un "non-évènement." Il y a plusieurs erreurs visibles dans cette histoire, dont une qui dit que 100,000 personnes ont péri à Halabja. Alors, peut-être que l'article sur les charniers est incorrect.

D'autre part, depuis mon dernier contact avec vous, un expatrié irakien, qui est physiologiste et qui vit et enseigne à Liverpool, a pris contact avec moi et m'a dit que son frère était colonel dans l'armée irakienne et était à Halabja. Il m'a fait remarquer qu'il y avait des kurdes dans presque toutes les unités de l'armée irakienne, des officiers et des appelés. Ils auraient alors participé au gazage des civils kurdes ou auraient fait partie de ceux qui auraient massacré des dizaines de milliers de personnes qui, selon vous, ont été tuées à l'arme automatique. Savez-vous si il y a eu des déserteurs parmi eux qui auraient parlé de la contrainte qu'on aurait exercée sur eux pour procéder à ses tueries ?

Un journaliste de Barron's m'a aussi envoyé un article du Washington Post, datant de septembre 1988 et écrit par Milton Viorst, un correspondant respecté qui est allé au Kurdistan à la suite des rapports de Shultz et de Galbraith. Il y relate qu'il y a trouvé les kurdes dans une humeur festive, avec la fin de la guerre, et que cela aurait été difficile à concevoir si un aussi grand nombre d'entre eux avaient péri sur les ordres de Saddam.

D'un autre côté, si les kurdes constituaient 20% de l'armée irakienne et que 500.000 irakiens périrent pendant les huit années de guerre, cela nous ferait bien les 100.000 qui auraient "disparu." Juste une idée.

Jude Wanniski

* * * * *

A 08:52, le 21/5/2002, vous avez écrit:

Mr. Wanniski,

Vos questions:

1. l'article du CSM par Scott Peterson mentionne que HRW "a conclu que l'Irak a perpétré un génocide après avoir conduit un examen légiste de plusieurs charniers".

Vous avez déformé les propos du Christian Science Monitor. L'article de Scott Peterson dit: "Le groupe Human Rights Watch, basé à New York, a émis la conclusion suivante sur la campagne 1988, après une enquête de trois ans basée sur 18 tonnes de documents irakiens saisis, un examen légiste de plusieurs charniers et des centaines de témoignages oculaires, que 'le régime irakien a commis le crime de génocide.'"

En d'autres termes, la preuve du génocide se base sur bien plus qu'un simple examen légiste de quelques charniers. En fait, les sépultures de ceux qui sont morts lors de la campagne d'Anfal n'ont pas été et ne peuvent plus être examinées par des experts légistes car elles se trouvent toujours dans des zones contrôlées par le gouvernement irakien ; elles ne sont pas en territoire kurde. Les charniers découverts et examinés dans les territoires kurdes sont ceux de gens qui ont été exécutés, principalement pour des raisons politiques, comme par exemple l'appartenance à des partis kurdes interdits (avant 1992). Ils ne devraient pas contenir plus de quelques centaines de cadavres, autant que je sache.

2. "Il y a plusieurs erreurs visibles dans cette histoire, dont une qui dit que 100,000 personnes ont péri à Halabja..."

Là encore, vous avez déformé les propos du CSM. L'article de Scott Peterson dit: "Lors de la campagne d'Anfal, des groupes de défense des droits de l'homme disent que 100.000 hommes disparurent, que 4.000 villages furent détruits, et que 60 autres villages firent l'objet d'attaques à l'arme chimique. Quelques 5.000 kurdes périrent lors du seul gazage d'Halabja." En d'autres termes: 5.000 personnes trouvèrent la mort lors de l'attaque aux gaz d'Halabja. Lors de la campagne d'Anfal (donc pas Halabja), plus de 100.000 hommes disparurent. (Je ne suis pas d'accord avec le terme "d'hommes" car aussi beaucoup de femmes et d'enfants "disparurent.")

3. Le frère de votre ami irakien prétend que des kurdes irakiens auraient alors participé au gazage des civils kurdes à Halabja ou auraient fait partie de ceux qui auraient massacré des dizaines de milliers de personnes… etc.

Il est grand temps que vous commenciez à apprendre vos leçons. Si vous aviez lu le rapport de HRW après notre dernière correspondance, vous n'auriez pas eu à poser cette question, puisque le rapport montre clairement que:

(a) L'attaque chimique d'Halabja a été faite par voie aérienne ; il n'y avait pas de forces au sol impliquées. En fait, les troupes irakiennes à Halabja avaient été chassées par une force combinée de guérillas kurdes et de pasdarans iraniens, déclenchant ainsi l'attaque chimique irakienne. (b) Les exécutions massives d'Anfal ont été perpétrées par de petites unités des forces spéciales irakiennes et non pas par des unités de l'armée régulière. HRW a en sa possession des documents des services secrets irakiens qui établissent clairement que les militaires irakiens ont rassemblé la population et l'ont livrée aux forces de l'Amn, la police secrète, à une base de l'Armée Populaire près de Kirkuk. Je doute très fort que des kurdes puissent avoir été impliqués dans cette phase, et les témoignages des quelques survivants de la campagne d'Anfal ne font pas référence à la présence de kurdes parmi les bourreaux .

Toutefois : Dans le cas d'Halabja, oui, il y a eu un officier de haut rang de l'armée de l'air irakienne qui s'est avancé à raconter cette histoire, selon laquelle il était général à l'état-major de l'armée de l'air à Bagdad lorsque l'ordre d'attaquer Halabja à l'arme chimique a été donné. Cet homme s'est débrouillé pour quitter l'Irak il y a quelques années et a rendu cette histoire publique en 2000 (il a été interviewé sur Radio Free Europe). Apparemment, il se sentait coupable car sa mère était kurde et d'Halabja (elle n'y était pas présente à l'heure de l'attaque).

4. Si vous lisez avec attention l'article de Milton Viorst vous vous apercevrez qu'il faisait partie d'un groupe de journalistes occidentaux qui ont été escortés jusqu'à la frontière irakienne avec la Turquie par des officiers irakiens. Ils n'étaient pas autorisés à se déplacer librement ou à interviewer des gens sans la permission des officiers irakiens présents. Quoi qu'il en soit, il est fort possible que lorsque Viorst était dans le nord de l'Irak en septembre 1988 il ait vu des kurdes qui se trouvaient dans une humeur festive. Cela n'aurait pas pu être à cause de la fin de la guerre Iran/Irak, qui s'était produite un mois plus tôt, et qui ne s'était même pas approchée de la zone que Viorst a visitée, près du poste frontalier avec la Turquie à Zakho. Cela aurait été causé par l'annonce faite par le gouvernement irakien d'une amnistie générale "pour tous les kurdes" le 6 septembre (vous pouvez le vérifier dans la presse irakienne de cette époque, si vous le désirez), marquant ainsi la fin de la campagne d'Anfal. Cela voulait dire que tous ceux qui avaient réussi à fuir les attaques chimiques et qui avaient gagné la Turquie pouvait maintenant retourner en Irak. Cela aurait été une cause de grande joie. Gardez aussi à l'esprit qu'on n'a montré à Viorst que des villes kurdes, alors que les arrestations et les "disparitions" pendant la campagne d'Anfal ne touchèrent pas les villes kurdes, seulement des villages kurdes dans des zones déclarées interdites (et pour la plupart rurales).

5. Votre calcul à propos des 100.000 kurdes qui ont péri durant la guerre. Je suis désolé. La preuve à partir des témoignages et des documents irakiens est claire et nette : ces gens ont été arrêtés dans ou à proximité de leurs villages entre février et septembre 1988 et on ne les a jamais revus. Nous possédons de nombreux documents émanant du renseignement militaire irakien qui donnent une longues listes de kurdes (classés par noms, âge et villages) arrêtés dans des zones rurales pendant la campagne d'Anfal et livrés aux forces spéciales à Kirkuk. Si le gouvernement irakien admet avoir arrêté ces gens, pourquoi ne dirait-il pas au monde ce qu'il en fait après ?

Joost Hiltermann

* * * * *

Dans l'échange suivant, je passe directement de ses réponses à mes commentaires.

Cher M. Hiltermann :

Je vous remercie beaucoup pour votre réponse. Désolé d'avoir mal orthographié votre nom. Je ne l'ai pas fait exprès....

JH Ok

JW Vous avez raison au sujet des 100.000 à Halabja. Si vous avez une copie du journal, vous verrez que c'est la légende la photo d'Halabja qui dit que 100,000 personnes y ont péri. Celui qui a écrit la légende s'est trompé, pas Scott Peterson, le journaliste du CSM.

JH: Ok

JW: A propos d'Halabja, Peterson a bien dit que 5.000 personnes y trouvèrent la mort. Stephen Pelletiere dit que les rapports faits sur place mentionnaient que "des vingtaines" périrent, ce qui voudrait dire qu'il s'agit "de centaines" plutôt que de 5.000.

JH: Il a tort, et de toute manière il n'était ni sur place et n'a ni parlé aux témoins oculaires. Les rapports établis sur place dans les deux jours établissent que 5.000 personnes ont été tuées. J'ai parlé à nombre de témoins, y compris aux guérillas kurdes, à des civils kurdes et à des médecins kurdes, tous ayant une connaissance de première main sur ce qui s'est passé à Halabja. Je ne dispose pas moi-même d'un chiffre précis, mais en plus des morts, des milliers de personnes ont été blessées. Après tout, à cette époque, cette région comptait une population de 70.000 à 80.000 et l'attaque était une frappe directe. Les victimes au gaz moutarde continuent de souffrir aujourd'hui, et beaucoup d'entre elles ont besoin d'un traitement médical permanent. Ceci est très bien décrit dans la littérature médicale.

JW: Vous-même, ainsi que Human Rights Watch, ne pouvez pas attribuer le gazage des kurdes sur la simple affirmation d'un "génocide" si vous rendez compte que les rebelles kurdes et les iraniens chassèrent l'armée irakienne et que l'armée a repris la ville par des gazages. Le pouvez-vous? [ Ceci, parce que les victimes civiles se trouvaient prises entre deux armées en guerre.]

JH: Nous ne l'avons pas fait et ne le ferons pas. L'armée [irakienne] ne reprit pas la ville. Elle a gazé la ville mais n'a même pas cherché à la reprendre avant juin 1988, soit trois mois plus tard.

JW: C'est, au pire, une situation de champ de bataille où l'agence de renseignement du Pentagone découvre que l'Iran a bien utilisé des gaz pendant sa marche sur l'Irak, et l'Irak les a utilisés pour chasser les iraniens.

JH: Il le disent mais n'ont présenté aucune preuve. Ils se trompent.

JW: Vous dites que vous n'avez aucune preuve que l'Iran a utilisé des gaz, mais la DIA [Defense Intelligence Agency] semble assez sûre d'elle.

JH: Assez sûre d'elle mais sans l'ombre d'une preuve.

JW: L'équipe de Pelletiere insiste sur le fait que ces civils qui se sont trouvés pris entre les deux feux sont morts du gaz au cyanure et non pas du gaz moutarde, ce qui indique qu'ils ont été tués par les iraniens lors du siège d'Halabja.

JH: Il n'y a pas eu de tirs croisés le 16 mars ; les troupes irakiennes avaient été chassées la veille et étaient loin, s'enfuyant pour sauver leurs peaux. Et puis ça ne tient pas. Les irakiens avaient plein de cyanure. Et de toute manière, il n'est pas bien clair que ce soit du cyanure qui ait été utilisé à Halabja. C'est possible, oui, mais c'est hors de propos.

JW: Au sujet de l'officier supérieur de l'armée de l'air qui a déserté, selon vous, l'expatrié irakien vivant à Liverpool dit la chose suivante: "Le Dr. Hiltermann n'a pas mentionné un kurde irakien. A ma connaissance, jusqu'à présent, il n'y a qu'un seul officier de haut rang qui a fuit l'Irak, et c'est le Général de brigade Jawdat Al-Naqeeb, qui était le chef-adjoint du personnel de l'armée de l'air irakienne jusqu'à sa fuite du pays. Cependant, Al-Naqeeb est turkmène, et non pas kurde, originaire de Kirkuk, et dont le frère est un de mes plus proches amis (il vit maintenant aux États-Unis)"

JH: C'est exact, il s'agit bien de cet homme. Je n'ai pas dit qu'il était kurde. J'ai dit qu'il avait une mère kurde. Oui, il a un père turkmène. Je ne sais pas ce que cela fait de lui. Un irakien moyen peut-être ?

JW: Je ne sais pas si cela fait une différence, mais j'essaye de découvrir si Halabja a été bombardée par les forces aériennes irakiennes durant la bataille, ou s'il s'agit de tirs de barrage effectués par l'artillerie.

JH: Bonne chance, tenez-moi au courant.

JW: Encore une fois, il s'agissait clairement d'une bataille et non pas d'un génocide.

JH: Human Rights Watch n'a jamais dit que l'attaque d'Halabja constituait un génocide.

JW: Cependant, Anfal pourrait constituer un "génocide" perpétré par l'Irak. Mais dans les commentaires que vous m'avez adressés, vous reconnaissez qu'il n'y a pas d'autres cadavres à découvrir.

JH: C'est vrai, comme nous avons huit survivants du lieu de l'exécution qui ont réussi à s'échapper et qui ont pu relater leurs histoires. Ces histoires, très détaillées et convaincantes, sont toutes décrites intégralement dans le rapport de HRW.

JW: Et à présent, vous me dites que les "disparus" de la campagne d'Anfal ont été emmenés vers le sud, puis fusillés. S'il avaient été gazés, ils auraient dû être enterrés quelque part, non loin de l'endroit où ils sont morts, dans le nord.

JH: Ils n'ont pas été gazés. Ils ont été emmenés vers le sud, et puis fusillés. Ceux qui ont été vraiment gazés ont été enterrés dans le nord.

JW: Vous avez dit aussi que les kurdes n'ont pas été raflés dans les "villes," mais dans des villages le long de la frontière.

JH: Je n'ai pas dit "le long de la frontière." J'ai dit qu'ils venaient de villages qui n'étaient même pas proches de la frontière, ni de celle avec l'Iran, ni de celle avec la Turquie. Nombre d'entre eux venaient de villages très proches de la ville de Kirkuk... Jetez un coup d'œil sur une carte.

JW: Mais Pelletiere me dit que les gens qui ont été raflés dans les zones frontalières ont été transférés vers l'intérieur, parfois dans des appartements dans des tours d'habitations.

JH: Pelletiere n'a pas de preuve de cette affirmation grotesque. S'il avaient été transférés dans des tours d'habitation vers l'intérieur de l'Irak, pourrait-il me les présenter ? Leurs parents survivants seraient vraiment fous de joie d'apprendre que ceux qui leur sont chers sont toujours vivants !

JW: l'Irak a convié la presse étrangère à être témoin de la procédure de transfert. En avez-vous tenu compte ? Pelletiere pense que vous avez "mélangé" les deux histoires.

JH: Pas vraiment. Les journalistes étrangers ne furent invités qu'après l'amnistie du 6 septembre 1988, date à partir de laquelle les survivants de la campagne d'Anfal (ceux qui avaient réussi à rester cachés pendant cette campagne et qui se sont rendus après le 6 septembre) ont été transférés dans des camps de réinsertion. Cela ne tient pas compte des personnes qui furent arrêtées et qui ont disparu avant l'amnistie, c'est à dire, pendant une période de six mois. Pelletiere ne sait pas de quoi il parle car il n'a fait aucune recherche là-dessus. Il n'avait même jamais entendu parlé de la campagne d'Anfal jusqu'à récemment, bien qu'elle fut annoncée en gros titres dans les quotidiens irakiens à cette époque.

[Dans l'échange suivant, je fais référence aux affirmations faites, fin août, par le Secrétaire d'État George Shultz et par Peter Galbraith, membre du Comité des Relations Etrangères du Sénat [américain], soutenant que Saddam Hussein a tué 100.000 kurdes irakiens avec des gaz mortels, dans les derniers jours de la guerre Iran/Irak. Sans avoir procédé à des confirmations par l'intermédiaire d'auditions, le Sénat américain a voté en quelques jours une résolution condamnant Saddam Hussein pour cet acte.]

JW: [Pelletiere] est très content que vous m'informiez que vous êtes d'accord tous les deux sur le caractère erroné des affirmations de Shultz et de Galbraith concernant ce gazage, mais il pense que vous avez mélangé les histoires de "déplacement" et de "disparition."

JH: Je ne sais pas de quoi il parle. Je n'étais d'accord avec rien de tout cela. J'ai dit que Galbraith a exagéré le nombre de morts en conséquence des attaques aux gaz dans la région de Badinan le 25 août 1988. Non ! Je n'ai rien mélangé.

JW: Si les documents que vous avez trouvés établissaient une liste d'hommes, de femmes et d'enfants, ils ont bien plus de chance de correspondre à des listes de déplacement que des listes "d'arrestations".

JH: Je sais lire l'arabe, merci. Il est écrit "arrêtés et transférés à la base de l'armée populaire de Topzawa à Kirkuk." Les huit survivants ont relaté le reste de l'histoire - ce qui s'est passé après qu'ils soient arrivés là-bas. Encore une fois, cela est décrit dans le rapport de HRW.

JW: Ils n'auraient certainement pas tenu des petites listes bien ordonnées des kurdes exterminés et enterrés quelque part dans des charniers.

JH: Je ne sais pas si les irakiens l'ont fait ou pas. De tels documents n'ont pas été découverts parmi les 18 tonnes de documents de la police secrète dont j'ai supervisé l'analyse et l'indexation en 1994. Ils [les irakiens] l'ont fait, pourtant, de tenir des "petites listes bien ordonnées" de ceux qu'ils ont arrêtés et transférés à Kirkuk et qui ne sont jamais rentrés chez eux, jusqu'à ce jour. Chose curieuse, ces listes d'arrestation contenaient trois noms de survivants de ces lieux d'exécutions, ou un nombre de cet ordre.

JW: L'histoire semble crédible, particulièrement lorsqu'une telle proportion de la population est sensée avoir "disparu" sur une courte période et n'est jamais revenue!

JH: Et bien, d'autres génocides ont semblé crédibles, eux aussi. A ce jour, il y a des gens qui contestent l'holocauste. Pouvez-vous l'imaginer ?

JW: Le Dr. Pelletiere insiste aussi sur le fait que nos satellites espions auraient été capables de suivre le mouvement massif de milliers de kurdes du nord vers le sud, et pourtant rien de tel n'a été observé.

JH: Et bien, s'ils ne l'ont pas observé, alors comment peut-il savoir que ces gens ont été déplacés. Il l'a clairement inventé. Je ne sais pas ce que les satellites ont vu, mais j'ai travaillé pendant deux ans avec des officiels américains pour localiser les sites de charniers, à partir de photos prises par les satellites, au cas où nous aurions pu accéder à ces zones. Mais merci à Pelletiere pour cette précision ; je pourrais l'utiliser dans mon livre.

JW: Une fois encore, Mr. Hiltermann, je ne m'intéresse à cela, en ce qui me concerne, que parce que cela fait partie du processus de décision de notre gouvernement pour décider de lancer ou non notre force armée sur Bagdad. Encore merci de m'avoir répondu,

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Comme un post-scriptum, la CIA a publié un rapport en octobre dernier sur l'usage que l'Irak a fait des gaz durant sa guerre contre l'Iran. Il y est dit que son dernier usage des gaz a eu lieu à Halabja, que des "centaines" y périrent, et que l'Irak a utilisé du gaz moutarde et non pas du gaz au cyanure. Ce rapport écarte l'idée de la disparition de 100.000 kurdes, plus tard cette année-là. Quant à l'affirmation de Hiltermann selon laquelle l'armée de l'air irakienne a répandu des gaz sur Halabja, j'ai été informé par un mél de W. Patrick Lang, qui était alors chef du renseignement de la DIA au Pentagone, qu'il n'y avait aucune preuve d'attaques aériennes, que l'Irak et l'Iran ont tous deux utilisé des gaz à Halabja et qu'ils [ces gaz] avaient été envoyés par les artilleries.

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Traduit de l'américain par Jean-François Goulon
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