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Un Test Global Pour la Guerre Pré-emptive ?



Le 4 octobre 2004

Mémo à : Fans, Surfeurs, Clients
De : Jude Wanniski
Re: Le débat Condoleezza vs. Wolf

Si jamais vous avez suivi "L’Edition de la Nuit" de dimanche sur CNN avec Wolf Blitzer, vous aurez remarqué l’interview qu’il a faite avec Condi Rice, la Conseillère du Président Bush à la Sécurité Nationale. J’ai sélectionné une portion de la transcription pour démontrer pourquoi nous rencontrons tant de difficultés en Irak. Je considère que le Dr Rice, aussi charmante soit-elle, est incompétente dans sa fonction. Le sujet se rapporte à l’idée du Sénateur Kerry, qu’il a mentionnée lors de son débat avec le Président Bush, la semaine dernière, et selon laquelle, alors que les Etats-Unis se réservent le droit de mener une action militaire pré-emptive contre une menace perçue, ils devraient satisfaire à un "test global", c’est à dire, "où les concitoyens, le peuple comprend parfaitement la raison pour laquelle vous faites ce que vous faites, et que vous pouvez prouver au monde que vous l’avez fait pour des raisons légitimes".

Cela m'a semblé assez raisonnable, mais l'équipe de Bush a immédiatement bondi sur cette idée comme si Kerry disait que nous avons dû d'abord recevoir une "erreur de permission" des Nations Unies. Lisez les mots et vous verrez que quand Kerry s’est présenté "au monde," dit-il au passé, en disant que vous devriez prouver que vous "l'avez fait" pour des raisons légitimes. Avec l'Irak, certainement, parce qu'il n'y avait aucune menace imminente, M. Bush est vraiment allé aux Nations Unies et à essayé de persuader le Conseil de sécurité que ce Saddam Hussein devait être destitué par la force, étant donné qu'il ne satisfaisait pas aux conditions fixées par la Résolution n°1441. Nous savons maintenant qu'il satisfaisait à ces conditions et le Sénateur Kerry "a remporté le débat" avec M. Bush la semaine dernière en montrant qu'il n'y avait aucune raison légitime pour entrer en guerre alors que le Président continue de prétendre que la diplomatie a échoué.

En écoutant l’échange entre Wolf et Condi, il m’est venu à l'esprit qu'il ferait un Conseiller à la Sécurité nationale bien meilleur si M. Bush venait à être reconduit pour un deuxième terme. Avec le Dr Rice, toujours à son côté, nous pourrions bien nous attendre à une autre guerre pré-emptive, sans la moindre "erreur de permission" de la part de l'O.N.U. ou n'importe quelle sorte de test raisonnable :

BLITZER : Voici une nouvelle pub que John Kerry a fait passer après ce débat. Écoutez-ça.

ANNONCEUR : George Bush a perdu le débat. Maintenant il ment à son sujet. Voici ce que vous avez entendu John Kerry dire vraiment : "Le président a toujours le droit de mener une attaque pré-emptive. Je poursuivrai et tuerai les terroristes où qu'ils soient." Mais voici quelque chose de nouveau sur George Bush. Les journaux disent qu'il a caché certains renseignements d'intelligence clé au public américain afin de pouvoir exagérer la menace posée par l’Irak. Bush nous a expédiés dans la guerre.

BLITZER : Bon, et que pensez-vous de cela, de la notion, dans son ensemble, selon laquelle il dit maintenant que le président – c'est ce que les Démocrates et Kerry disent – que le président ment quand il dit que la doctrine de Kerry ne permettrait pas les guerres pré-emptives ?

RICE : Je vous parlerai de ce que j'ai entendu et, vous savez, je n’ai pas l’intention, ici, de me mêler de politique, vous le savez. Mais je vous dirai ce que j'ai entendu. J'ai entendu le Sénateur Kerry dire qu'il y avait une sorte de test global que vous deviez être capables de passer pour accepter la pré-emption. Et je ne comprends pas les fondements de ce qu’est un test global.

BLITZER : D'accord. Ecoutons avec précision ce que John Kerry a dit sur cette question, le test global. Écoutez-ceci.

SÉNATEUR JOHN KERRY : Aucun président à travers toute l'histoire des Etats-Unis n’a jamais cédé, et je ne le ferai pas non plus, le droit d’anticiper [N.d.T. : le droit de mener une action pré-emptive] de quelque manière nécessaire que ce soit pour protéger les Etats-Unis d'Amérique. Mais si et quand vous le faites, Jim, vous devez le faire d’une façon qui passe le test, qui satisfasse le test global, où vos concitoyens, votre peuple comprend pleinement pourquoi vous faites ce que vous faites, et que vous pouvez prouver au monde que vous l’avez fait pour des motifs légitimes.

BLITZER: Nous vous écoutons.

RICE: Je ne comprends pas : prouver au monde que vous l’avez fait pour des motifs légitimes. Ce qui, maintenant que nous avons viré Saddam Hussein, quelqu’un qui a tiré sur des avions, etc. pendant 12 ans et 17 résolutions, ce qui d’une certaine façon ne prouverait pas au monde ? Cela veut-il dire que le consensus de la communauté internationale et de Cuba et des pays de ce genre, que nous avons passé le test global ? Les mots sont les mots.

BLITZER: Je vais vous dire que les gens qui l’entourent disent la même chose que lui : qu’il devrait être possible de mener des actions pré-emptives, si nécessaire, en dernier ressort, mais en même temps, que vous devriez expliquer au monde ce que vous faites.

RICE: Non, cela veut dire qu’il faudrait passer un test global. Et je ne sais pas comment vous passez un test global, étant entendu (entre parenthèses) que vous ne pourriez pas obtenir un consensus sur le fait que, après que Saddam Hussein eut défié la communauté internationale, il était temps de faire quelque chose. Pouvez-vous imaginer de passer un test global lorsque la Syrie siège au Conseil de Sécurité ? Le fait est qu’il a dit ce qu’il a dit. Maintenant, ce que le président a fait lorsqu’il est allé en Irak, bien sûr, a été de se rapprocher de la communauté internationale. Il y avait explications sur explications sur ce dont il était important de s’occuper à propos de cette menace. Mais vous n’obtiendrez jamais un consensus à 100%. Nous y sommes allés avec une large coalition. Certaines personnes n’étaient pas en désaccord. Le problème est que, si la France et l’Allemagne ne sont pas en désaccord, décidez-vous de ne pas y aller ?

BLITZER: Deux autres choses dont j’aimerais parler avant de vous laisser partir. Un jour après ce débat, le président a dit ceci a Allentown, en Pennsylvanie, et je voudrais que vous donniez une explication. Ecoutez ceci.

BUSH: L’utilisation de troupes pour défendre l’Amérique ne doit jamais être soumise au veto de pays tels que la France. (APPLAUDISSEMENTS) Le travail du président n’est pas de suivre un sondage international. Le travail du président est de défendre l’Amérique.

BLITZER: Bon. Lorsque j’ai entendu cela, j’ai dit que le président avait pris la France pour cible ; le plus vieil allié de l’Amérique ; pour la ridiculiser dans cette sorte de contexte politique. Est-ce bien approprié ?

RICE: Il n’y a pas de ridicule ici. C’est un état de fait. Les Français n’étaient pas d’accord. Et, vous savez, les Français ont adopté ce qu’ils croient être une attitude de principe. Ils ne croyaient pas – je me souviens que le ministre des affaires étrangères français a dit, principalement, qu’il n’y avait aucune résolution en faveur de laquelle ils pourraient voter parce que cela voulait dire conduire à la guerre. Eh bien, à ce stade, il vous faut prendre une décision. Allez-vous permettre à cette décision de recevoir un veto, ou allez-vous aller de l’avant ? Parce que, après tout, la France avait bel et bien un droit de veto au Conseil de Sécurité. Le président et un certain nombre d’autres pays, le Premier ministre Blair, les Polonais, les Australiens et maintenant trente autres pays, ont décidé qu’il était temps de s’occuper de cette menace.

BLITZER: La seule raison pour laquelle j’ai évoqué cela, à un moment comme celui-ci, un moment délicat, où vous essayez d’amener la France à soutenir les Etats-Unis, est-il approprié pour le président de ridiculiser la France ?

RICE: Ce n’est pas une question de ridicule. C’est un état de fait. Les Français savaient qu’ils ne soutenaient pas cette décision. Les Français savaient qu’ils étaient ceux qui avaient dit qu’il n’y avait aucune résolution en faveur de laquelle ils auraient pu voter. Et, le président et le Président Chirac ont eu de nombreuses conversations avant cela. Et je peux m’en rappeler d’une en particulier dans laquelle ils étaient surtout d’accord pour ne pas être d’accord. Et, à ce stade, le président dut prendre une décision.

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A cet instant, alors qu’elle avait l’air de stresser, Wolf l’a laissée se tirer d’affaire. Mais s’il avait voulu poursuivre il aurait fait remarquer que, rétrospectivement, les Français avaient absolument raison et qu’elle-même, ainsi que le Président avaient tout faux. S’il n’y avait pas de raison légitime de faire la guerre à l’Irak, puisque Saddam faisait tout ce qui lui était demandé selon la précédente résolution qui recevait le soutien de la France, la logique dictait que la France ne voterait pas en faveur d’une guerre quelle que soit la manière dont une nouvelle résolution serait rédigée. La seule excuse plausible pour faire la guerre aurait été rétrospectivement que des ADM ou des programmes d’armement soient découverts. Il reste encore des gens, tels le magnat de la presse, Mort Zuckerman, qui semblent se souvenir que Saddam ne fournissait pas aux inspecteurs ce qu’ils avaient demandé, mais si celui-ci voulait bien vérifier auprès de ses journalistes de U.S. News & World Report ou de New York Daily News, il s’apercevrait que Saddam n’avait rien caché. Le Dr Rice aurait dû le savoir à ce moment-là. C’était dans tous les journaux…

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Traduit de l'américain par Jean-François Goulon
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