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61ème assemblée générale de l'ONU

DISCOURS DE EVO MORALES

République Constitutionnelle de Bolivie

19 septembre 2006
version française : [JFG-QuestionsCritiques]

Merci Madame la Présidente,
Sœurs Présidentes, Frères Présidents,
Déléguées et délégués de la 61ème Assemblée Générale des Nations-Unies,

C"est une énorme satisfaction d'être présent ici, représentant mon peuple, ma patrie, la Bolivie, et en particulier le mouvement indigène.

Je veux vous dire qu'après plus de 500 ans de mépris, où l'on nous a regardés de haut, à une époque où nous étions considérés comme des sauvages, des animaux, condamnés à l'extermination dans certaines régions, grâce à cette prise de conscience et à la lutte pour les droits des peuples, je suis venu ici pour obtenir réparation des dommages historiques, pour réparer 500 années de dommages.

Pendant la république, nous avons été pareillement discriminés, marginalisés, ils n'ont jamais pris en compte cette lutte des peuples pour la vie, pour l'humanité. Durant les 20 dernières années, avec leur application d'un modèle économique - le néolibéralisme - qui a continué le pillage de nos ressources naturelles, la privatisation de nos services essentiels.

Nous sommes convaincus que la privatisation des services essentiels est la meilleure façon de violer les droits de l'homme. Et ces petites considérations m'obligent à dire la vérité ici sur les conditions de vie de ces familles. Je viens exprimer ce sentiment d'humanité des peuples, de mon peuple. Je viens exprimer la souffrance, le résultat de la marginalisation, de l'exclusion, je viens pour exprimer par-dessus tout, ce sentiment anti-colonial des peuples qui luttent pour la vérité et pour la justice.

Je veux dire à tous les délégués, Madame la Présidente, que dans mon pays nous avons commencé des transformations démocratiques profondes et pacifiques. Nous réfléchissons à la manière de refonder la Bolivie, refonder la Bolivie pour unir les Boliviens, refonder tous les secteurs du pays - et pas de nous venger de quiconque, malgré le fait que nous ayons été opprimés par la discrimination - refonder la Bolivie, et en particulier, pour mettre fin au dédain et à la haine contre les peuples.

Je dis cela parce que ma mère me disait que lorsqu'elle se rendait en ville, elle n'avait pas le droit de marcher sur les places principales de mon pays. Elle n'avait pas le droit de marcher sur les trottoirs.

Il y a 30 ou 40 ans, nous avons décidé de passer à la lutte sociale, syndicale et communale et, enfin, à une lutte électorale afin d'être nous-mêmes les acteurs pour résoudre les problèmes sociaux, les problèmes économiques, les problèmes structurels, et nous nous battons pour cette Assemblée Constituante de re-fondation. Et je voudrais que les Nations-Unies participent à ce processus de changement pacifique et démocratique, qui est ce que nous pouvons faire de mieux pour ces familles abandonnées et marginalisées.

Certainement, de nombreux pays ont les mêmes problèmes que le mien. Un pays, une nation avec tant de richesses, mais aussi avec tant de pauvreté, où les ressources naturelles ont été historiquement volées, pillées, bradées par le gouvernement néolibéral, données aux multinationales.

À présent, à la tête de cette lutte des peuples pour le pouvoir et la terre, le temps est venu de récupérer, récupérer ces ressources naturelles pour l'Etat bolivien sous le contrôle des peuples.

Et lorsque nous parlons de récupérer nos ressources naturelles, ils disent, grâce à une sale campagne d'accusations, que le gouvernement d'Evo Morales ne respectera pas la propriété privée. Je veux vous le dire : dans mon gouvernement, la propriété privée sera respectée.

Il est vrai que nous avons besoin d'investissements. Nous avons besoin de partenaires, pas de patrons, pas de gens qui possèdent nos ressources naturelles. Nous comprenons parfaitement qu'un pays sous-développé a besoin d'investissements. Et je veux dire, pour clarifier devant vous tous certaines inquiétudes, certaines accusations mensongères : Si l'Etat bolivien exerce les droits de propriété sur une ressource naturelle, telle que le gaz naturel, les hydrocarbures, le pétrole, nous ne chasserons personne, nous ne confisquerons les biens de personne.

Cela sera respecté. Mais si nous garantissons qu'ils rentreront dans leurs investissements et qu'ils feront du profit, ils ne gagneront pas comme avant, parce que nous ne voulons pas nous retrouver sans la capacité de résoudre les problèmes sociaux dans notre pays.

Je veux vous dire, dans ce cadre de travail, que je ne suis pas venu ici pour vous dire comment gouverner ou pour menacer un pays ou pour commencer à placer des conditions sur un pays. Je veux seulement, en tant qu'organisations internationales, en tant qu'Etats solidaires, en tant que nations ayant des principes de réciprocité, de fraternité, que vous participiez à ce processus de changement démocratique.

Nous avons un très grand désir, un très grand intérêt à ce qu'ils aient conscience de cette classe dans les forums internationaux, les réunions internationales comme les Nations-Unies, pour soutenir, pour livrer bataille sur des changements pacifiques.

Vous savez tous, surtout ici, en Amérique du Nord, de même qu'en Europe, qu'il y a beaucoup de Boliviens qui viennent [chez vous] chercher du travail. Auparavant, ce sont les Européens qui ont envahi l'Amérique Latine, en particulier la Bolivie. Aujourd'hui, il semble que la situation ait changé. C'est l'Amérique Latine ou les Boliviens qui envahissent l'Europe, comme ils l'ont fait auparavant avec les Etats-Unis ? Pourquoi ? Parce que, dans cette conjoncture, en ce moment, il n'y a pas de création d'emploi.

Je veux vous dire à tous que nous voulons livrer une bataille pour un commerce juste, un commerce des peuples pour les peuples, un commerce qui résolve le problème de l'emploi. Il est clair que ce commerce est important pour les entreprises, mais le commerce pour les petits et micro-producteurs, pour les coopératives, pour les associations, les entreprises collectives est plus important.

Je voudrais dire, et c'est mon souhait numéro un, qu'au lieu que mes sœurs et mes frères aillent en Europe, combien il serait meilleur que ce soient les produits qui s'y rendent et pas les êtres humains, et je crois que ceci a à voir avec la prise de conscience de la communauté internationale, si nous voulons résoudre la question de l'immigration.

Je vous informe que nos sœurs et nos frères ne se rendent pas là-bas pour accaparer des milliers d'hectares, comme l'ont fait ceux qui sont venus en Amérique Latine lorsqu'ils ont accaparé des milliers d'hectares, ils sont venus prendre possession de notre richesse, de nos ressources.

Je crois qu'il est important qu'à l'intérieur du cadre de travail pour le commerce, le commerce qui se réfère au libre échange, même dans mon pays, a affecté et éliminé de gros producteurs - de l'industrie agroalimentaire - imaginez l'accord signé par la Colombie avec les Etats-Unis sur l'Accord de Libre Echange, supprime déjà des marchés aux producteurs de soja en Bolivie, une part de l'industrie agroalimentaire en Colombie.

Je suis convaincu qu'il est important d'importer ce que nous ne produisons pas et d'exporter ce que nous produisons et cela serait une solution au problème économique, le problème de l'emploi.

Je voudrais profiter de cette occasion, Madame la Présidente, pour dire qu'il y a aussi d'autres injustices historiques. La criminalisation de la feuille de coca. [Il agite une feuille de coca devant les délégués] Je veux vous dire : ceci est une feuille verte de coca, ce n'est pas de la cocaïne blanche. Cette feuille de coca représente la culture andine, c'est une feuille de coca qui représente l'environnement et l'espoir de nos peuples.

Il n'est pas possible que la feuille de coca soit légale pour le Coca-Cola et que la feuille de coca soit illégale pour d'autres consommations médicinales dans notre pays et dans le monde entier. [applaudissements]

Nous voulons dire qu'il est important que les Nations-Unies reconnaissent qu'avec l'aide des universités nord-américaines, avec les universités européennes, nous avons scientifiquement démontré que la feuille de coca ne cause pas de dommages à la santé humaine. Il est particulièrement lamentable qu'à cause de coutumes, de mauvaises coutumes, que l'ont ait fait de la feuille de coca un problème illégal. Nous avons conscience de cela. C'est pourquoi nous disons, en tant que producteurs de la feuille de coca, qu'il n'y aura pas de culture libre de coca. Mais il n'y aura pas non plus zéro coca.

Les politiques appliquées précédemment avaient des conditions imposées qui parlaient de zéro coca. Zéro coca, c'est comme dire zéro Quechuas, Aymaras, Mojenos et Chiquitanos dans mon pays ? Avec notre gouvernement, c'est terminé ! Quel que soit le niveau de sous-développement de notre pays, un pays avec des problèmes économiques qui sont le produit du pillage de notre richesse en ressources naturelles.

Et nous sommes ici pour devenir dignes et nous avons commencé à faire prendre à notre pays le chemin de la dignité et à l'intérieur de ce processus de dignité je veux dire que la meilleure proposition pour la lutte contre les narcotrafiquants a été la réduction volontaire concertée, sans morts ni blessés.

Heureusement, j'ai entendu le rapport des Nations-Unies qui reconnaît cet effort honnête et responsable dans la lutte contre les narcotrafiquants. L'augmentation des saisies de drogue a été de 300%.

Néanmoins, hier, j'ai entendu un rapport du gouvernement des Etats-Unis disant qu'ils n'acceptent pas la culture de la coca et qu'ils y mettent des conditions qui modifient nos normes.

Je veux dire avec un très grand respect pour le gouvernement des Etats-Unis que nous n'allons rien changer, que nous n'avons pas besoin de chantage et de menaces, que la soi-disant certification ou dé-certification dans la lutte contre les narcotrafiquants est simplement un instrument de re-colonisation ou de colonisation des pays andins, ceci est inacceptable, nous ne le permettrons pas.

Je veux vous dire que nous avons besoin d'une alliance pour combattre le trafic de drogue. Mais d'une alliance qui soit réelle et efficace pour que la guerre contre la drogue ne soit pas utilisée comme un instrument, un prétexte pour qu'ils assujettissent les pays de la région andine, exactement comme ils ont inventé les guerres préventives pour intervenir dans certains pays du Proche-Orient.

Nous menons un véritable combat contre le trafic de drogue et j'en appelle aux Nations-Unies et j'invite le gouvernement des Etats-Unis à passer un accord, une alliance efficace pour combattre le trafic de drogue, afin que cette guerre contre la drogue ne soit pas une excuse ou un prétexte pour nous dominer ou pour nous humilier ou pour essayer d'établir des bases militaires. Dans notre pays, ils utilisent le prétexte de la lutte contre le trafic de drogue.

Je profite de cette occasion pour dire que, au sein de ce processus de changement, nous voulons la justice. Et que cette justice est importante pour nos peuples. Mais j'ai le sentiment que l'intention de l'Assemblée Constituante sera de décoloniser la loi afin de nationaliser la justice, la véritable justice.

Il y a des personnes impliquées dans les violations des droits de l'homme. Aux peuples menacés d'interventions militaires, on ne parle jamais de justice. Nous sommes obligés en tant que présidents, en tant que chefs d'Etat, de rendre la dignité à l'humanité en mettant fin à l'impunité.

Dans les précédents gouvernements de mon pays, ils ont massacré ceux qui luttaient pour les revendications économiques, pour leurs ressources naturelles et il n'est pas possible que les auteurs de génocide, des criminels corrompus, s'échappent afin de vivre aux Etats-Unis.

À un pays développé comme les Etats-Unis, je demande avec beaucoup de respect : expulsez ces auteurs de génocide, ces criminels, les corrompus qui sont venus vivre ici ! S'ils n'ont rien à voir avec cela, pourquoi ne viennent-ils pas se défendre devant le système judiciaire bolivien.

Je suis obligé, en tant que président, de demander que ces autorités soient jugées dans le système judiciaire bolivien, et je pense qu'aucun pays, aucun chef d'Etat, ne peut protéger, cacher des criminels, des auteurs de génocide.

Espérons qu'avec l'aide du peuple nord-américain, espérons que par l'intermédiaire des organisations internationales, ceux qui ont commis autant de dégâts économiques, des atteintes aux droits de l'homme, seront jugés, étant donné qu'ils n'ont jamais respecté les droits de l'homme.

J'ai une recommandation pour le forum permanent des peuples indigènes, face aux débats sur les droits des peuples indigènes, qui sont dans la sous-commission des droits des peuples indigènes aux Nations-Unies à Genève, dans l'Organisation des Etats Américains, j'ai l'information que ce débat a atteint le maximum dans cette instance des Nations-Unies.

Je veux vous demander au nom des peuples indigènes du monde, en particulier d'Abyalala, qui est maintenant américain, à approuver d'urgence la déclaration des droits des peuples indigènes du monde, le droit à l'autodétermination, le droit de vivre en communauté, collectivement, le droit de vivre en solidarité, en réciprocité et, fondamentalement, le droit de vivre en fraternité.

Il y a des régions où les communautés vivent sans propriété privée. Il y a une propriété collective. Les peuples indigènes veulent seulement vivre bien, pas mieux [que bien]. Vivre mieux [que bien] c'est exploiter, c'est piller, c'est voler. Mais vivre bien, c'est vivre dans la fraternité et c'est pourquoi c'est très important, présidente, que les Nations-Unies, de façon urgente, pour les peuples indigènes, que cette déclaration des droits des peuples indigènes, le droit aux ressources naturelles, le droit de s'occuper de l'environnement, soit approuvée.

Enfin, présidente, les peuples indigènes, les pauvres viennent spécialement d'une culture de vie et non pas d'une culture de guerre et ce millénaire devra vraiment défendre la vie, sauver l'humanité et si nous voulons sauver l'humanité nous avons l'obligation de sauver la planète. Les peuples indigènes vivent en harmonie avec mère nature et pas seulement en réciprocité, en solidarité avec les êtres humains.

Nous ressentons fortement que les politiques de compétitions hégémoniques détruisent la planète. Je ressens que tous les pays, les forces sociales, les organismes internationaux sont importants. Commençons à débattre sans mentir afin de sauver la planète, pour sauver l'humanité.

Ce nouveau millénaire, le millénaire que nous trouvons nous-mêmes qu'il doit être un millénaire de vie, pas de guerre, un millénaire des gens et pas de l'empire, un millénaire de justice et d'égalité et que toute politique économique a besoin d'être orientée vers la finalité, au moins de réduire ces soi-disant différences asymétriques entre un pays et un autre, ces inégalités sociales.

Nous n'essayons pas de mettre en place des politiques qui permettent l'humiliation économique ou le pillage économique ; lorsqu'ils ne peuvent pas piller selon les normes, ils utilisent les troupes.

Je veux dire avec beaucoup de respect qu'il est important de retirer les troupes d'Irak. Si nous voulons respecter les droits de l'homme, il est important de retirer les politiques économiques qui permettent la concentration du capital dans seulement quelques mains.

Et pour cela, je ressens, présidente, que ces circonstances devraient être historiques afin de changer le monde, de changer les modèles économiques et les politiques interventionnistes. Par-dessus tout, nous voulons qu'elles donnent l'occasion de défendre l'humanité.

Merci beaucoup.

Questions Critiques

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* Discours de Kofi Annan

* Hugo Chavez, République Bolivarienne du Venezuela

* Discours de Luiz Inacio Lula da Silva, République Fédérative du Brésil

* Jacques Chirac, République Française

* Denis Sassou Nguesso, République du Congo

* Moritz Leuenberger, Confédération Suisse

* Karel DE GUCHT(ministre des affaires étrangères), Belgique

* General Emile LAHOUD, République du Liban

* Pierre NKURUNZIZA, République du Burundi

* Marc RAVALOMANANA, République de Madagascar

* Stephen HARPER, Canada

* Sidi Mohamed OULD BOUBACAR, République Islamique de Mauritanie

* Ahmed Abdallah SAMBI, Union des Comores

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