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Le Grand Jeu de Devinette : La Russie et la Question Nucléaire Iranienne

Par Vladimir A.Orlov et Alexander Vinnikov

The Washington Quarterly (printemps 2005)


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Depuis une dizaine d'années, à chaque fois que l'on évoque le programme nucléaire iranien, la Russie y est impliquée d'une façon ou d'une autre. En vérité, la Russie est le seul Etat ayant coopéré ouvertement avec l'Iran dans le nucléaire et elle a fait les frais, pour la meilleure part des dix dernières années, de la critique féroce des Etats-Unis au sujet de ses initiatives. Et encore, ces deux dernières années, la Russie a plutôt été absente de l'agitation diplomatique, de la spéculation médiatique et du débat intellectuel sur l'Iran. Pendant cette période, la communauté internationale s'est débrouillée pour naviguer entre la propension du gouvernement US à la confrontation, la préférence des 3 grands de l'UE (Allemagne - France - Royaume-Uni) pour la négociation et la prédilection iranienne pour les demi-vérités et pour monter les Etats-Unis, l'Europe et la Russie les uns contre les autres.

A quel point le rôle de la Russie a-t-il été mis sur la touche ? La marginalisation du rôle de la Russie est-elle le fruit des débats internationaux sur les gros intérêts qui ont paralysé Moscou ou plutôt celui d'un changement dans la pensée stratégique des Russes vis-à vis de l'Iran, qui sont passés d'une coopération stratégique étroite à une coopération réduite et prudente, désabusés qu'ils sont par leur incapacité à décoder les intentions nucléaires de Téhéran, durant ces vingt dernières années ? Si l'on observe plus attentivement comment le point de vue de la Russie a évolué, on s'aperçoit que la politique russe vis-à-vis du programme nucléaire iranien et les interactions idiosyncrasiques entre la Russie, les Etats-Unis et l'UE, mettent en valeur le dilemme auquel Moscou est confronté, face aux problèmes de prolifération et aux tentations stratégiques - tant sur le plan économique que sur le plan géopolitique. Ainsi, on peut mieux appréhender les défis auxquels la communauté internationale doit faire face pour essayer d'éviter une crise nucléaire iranienne.


Vladimir A. Orlov est le directeur-fondateur du Centre des Etudes Politiques, dont le siège est à Moscou, [le Centre PIR]. Membre de la faculté du Centre de Politique de Sécurité de Genève, il est aussi rédacteur en chef de Yaderny Kontrol, le premier journal russe traitant de sécurité internationale. Alexander Vinnikov, quant à lui, est le disciple de Sir Edward Heath et doctorant en relations internationales au Balliol College de l'Université d'Oxford. Il est actuellement basé au Centre de Politique de Sécurité de Genève.
©2005 The Center for Strategic and International Studies and the Massachusetts Institute of Technology / Traduction et Adaptation : Jean-François Goulon
The Washington Quarterly - Printemps 2005 - 28:2 pp.49-66 / Questions Critiques, le 19 juillet 2005

Un engagement accidentel : la politique russe vis-à-vis de l'Iran :

La bureaucratie russe répète inlassablement que Moscou se voit comme un "partenaire historique et stable" de l'Iran. Et l'on peut comprendre qu'elle préfère mettre en valeur l'histoire récente de la coopération d'avant garde de l'Union Soviétique avec cette république islamique plutôt que les siècles de conflit et d'interférence qui ont caractérisé l'empire russe. En fait, traditionnellement, la Russie a toujours été prudente — voire méfiante — sur les intentions nucléaires de l'Iran.

Les Origines à Bushehr

La saga de Bushehr a commencé en août 1992 lorsque furent signés deux accords russo-iraniens, faisant partie d'un programme commercial et de coopération à long terme. L'un concernait la construction d'une centrale nucléaire en Iran, et l'autre, l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire. Cette coopération nucléaire comprenait la construction de centrales nucléaires [par la Russie] pour l'Iran, le cycle de fabrication du combustible nucléaire, la fourniture de réacteurs nucléaires, le recyclage du combustible épuisé, la production d'isotopes pour la recherche scientifique et médicale, et la formation des scientifiques nucléaires iraniens à l'Institut de Physique Industrielle de Moscou (IPhIM). Même si à la fin des années 80, les experts en non-prolifération de Moscou s'inquiétaient de plus en plus que Téhéran poursuive une recherche nucléaire à des fins militaires, la défaite de l'Irak dans la Guerre du Golfe de 1991 et le démantèlement des programmes nucléaires, chimiques et biologiques irakiens, ont semblé dissiper l'intérêt personnel des Iraniens pour la recherche nucléaire. A partir de 1993, pour se couvrir, les services secrets russes firent part publiquement de leur conviction, selon laquelle l'Iran avait un programme de recherche nucléaire militaire mais que, "en l'absence d'une aide scientifique et technologique extérieure, l'Iran … ne pourrait pas disposer d'armes nucléaires avant dix années à compter d'aujourd'hui."[1]

Des négociations furent conclues le 8 janvier 1995 par la signature d'un contrat entre une société russe, Zarubezhatomenergostroï, et l'Organisation à l'Energie Atomique d'Iran, afin de terminer la construction de la centrale nucléaire de Bushehr. La construction de Bushehr avait été commencée par une société allemande, Siemens, mais fut abandonnée après les dégâts subis lors de la guerre Iran-Irak de 1980-88 et à la suite de la pression exercée ultérieurement par les Américains sur l'Allemagne pour qu'elle mette fin à ce contrat. On s'attendait à ce que tôt ou tard, la partie russe fournissent à l'Iran trois autres réacteurs. [2]

Quelle était la motivation des Russes derrière le projet Bushehr ? Il est tentant, rétrospectivement, d'échafauder une théorie selon laquelle ce contrat aurait pu être utilisé par Moscou dans la poursuite de ses intérêts géopolitiques dans la région. Mais les descriptions flatteuses, en vogue dans la Russie d'aujourd'hui, de la sagesse de Moscou, qui a "comblé le vide iranien", sont simplement trop belles pour être vraies. En vérité, sous la présidence de Boris Ieltsine (principalement dans la première moitié des années 90), la prise de décision en matière de politique étrangère russe, caractérisée par les différents groupes d'intérêts et les bases de pouvoir qui s'empoignaient pour exercer l'influence, était trop fragmentée. Le ministre russe de l'Energie Nucléaire d'alors, Viktor Mikhaïlov — un des principaux partisans du marché de Bushehr — exprima la position du gouvernement ainsi : " Avec quoi la Russie pouvait-elle bien se présenter sur le marché globalisé ? Nous ne disposions que d'une seule force : notre potentiel scientifique et technique. Notre seule chance était la coopération à grande échelle dans le secteur de l'énergie nucléaire pacifique ; ce qu'était Minatom (le Ministère de l'Energie Atomique), et ce qu'il continue d'être : un des leaders dans ce domaine ". [3] Pour Mikhaïlov, l'achèvement du projet de Bushehr apporterait à l'industrie nucléaire russe une publicité positive qui se traduirait par d'autres marchés dans la région. Comme l'a écrit, dans un article d'excuses, l'ancien ambassadeur américain en Union Soviétique, Jack Matlock : " Tous ceux qui comprenaient les problèmes auxquels Mikhaïlov fut confronté en 1991, lorsque l'Union Soviétique s'effondra, auraient dû prévoir sa politique. " [4]

Qu'a vraiment rapporté à la Russie le projet Bushehr ? Les chiffres exacts sont gardés secrets, mais tout le monde s'accorde sur une fourchette de 800 millions à un milliard de dollars [640 à 800 m€]. Même si le montant réel était plus faible, la somme restait imposante du point de vue de Moscou (surtout à cette époque). Les petits caractères qui figuraient en bas du contrat étaient encore plus attrayants, puisque les Iraniens acceptaient de payer cash 80% du contrat de Bushehr.[5] Cette devise solide était censée alimenter toute une chaîne d'institutions nucléaires russes, fournissant une aide significative à une industrie nucléaire assommée par l'implosion de l'Union Soviétique et par le chaos économique qui s'est ensuivi en Russie au début des années 90. Le contrat de Bushehr, tout comme le programme de formation des spécialistes iraniens, respectait les exigences de non-prolifération de l'Agence Internationale à l'Energie Atomique (AIEA) et du Traité de Non-Prolifération (TNP). Une réalité sur laquelle les Russes ont insisté à plusieurs reprises et que les Européens ont reconnu. Seuls, les Etats-Unis et Israël, se sont opposés constamment à toute coopération nucléaire russo-iranienne, au prétexte des ambitions militaires attribuées à Téhéran.

L'Anarchie sous Ieltsine

Bien que Bushehr fusse orchestré depuis le Kremlin, ce n'était pas le cas d'autres formes de coopération nucléaire. A partir du milieu des années 90, Moscou réalisa que les relations entre l'Iran et les sociétés et les instituts de recherche russes, qui étaient impliqués dans des projets d'énergie nucléaire ou des projets relatifs aux missiles, s'étaient développées n'importe comment. En Iran, on voyait apparaître de façon croissante des scientifiques russes, des contrats russes et des conceptions émanant d'institutions russes. Cela conduisit un expert à faire remarquer que, " lorsque l'on observe les relations entre les institutions russes et leurs partenaires iraniens dans le secteur des technologies critiques … nous sommes en face d'un total … manque de responsabilité de la part de nos institutions, en ceci que leurs intérêts personnels sont considérés séparément de ceux de l'Etat. [6] Moscou finit par réagir en expulsant plusieurs agents secrets iraniens et en renforçant les contrôles à l'exportation sur les sociétés russes. [7]

Dans l'entrefaite — exemple particulièrement déconcertant de ses initiatives douteuses — Minatom signa un protocole d'intention en janvier 1995 qui insistait sur le fait que la Russie était prête à "mener des négociations en vue de conclure un contrat pour la construction d'une unité de centrifugation destinée à l'enrichissement de l'uranium" [8], et que Mikhaïlov signa à Téhéran dans le dos du gouvernement russe. Ce protocole, qui aurait violé à la fois les obligations internationales de la Russie selon le Groupe de Fournisseurs Nucléaires et les lois de contrôle à l'exportation, fut annulé après que le ministère des affaires étrangères et d'autres agences gouvernementales découvrirent - pratiquement par hasard - le pot aux roses. Mais les dommages avaient déjà été occasionnés aux relations diplomatiques avec les Etats-Unis. Lors d'une visite à Moscou en mai 1995 (après que ce protocole eut été annulé), le Président Bill Clinton maintint la pression sur Boris Ieltsine en lui rappelant la "mauvaise attitude" de la Russie concernant l'Iran et en exigeant en retour des Russes qu'ils mettent un terme à toute forme de coopération avec l'Iran dans les secteurs sensibles, y compris dans les ventes d'armes conventionnelles. Bien que le contrat russo-iranien original exclût toute coopération militaire, Ieltsine compliqua les choses en faisant remarquer que l'élément militaire de la coopération russe avec l'Iran avait été "exclu du contrat".[9]

Au même moment, l'adoucissement des affirmations russes sur la menace constituée par l'Iran accrut encore plus l'inquiétude des Etats-Unis. Evgenïi Primakov, alors chef du contre-espionnage russe, émit un rapport en 1995 mettant l'accent sur le fait que les services de renseignements russes "n'avaient pas découvert de preuves convaincantes de l'existence (en Iran) d'un programme nucléaire militaire … coordonné" et que "le niveau de réussite en Iran en matière nucléaire n'est pas supérieur à celui de 20 ou 235 autres pays." [10] Le contraste avec le rapport que l'agence avait émis en 1993, et qui exprimait des soupçons significatifs à propos des ambitions nucléaires iraniennes, fut déconcertant.

Cela prit à Moscou un temps considérable pour élaborer une feuille de route à propos de l'Iran. En réalité, la coopération nucléaire avait commencé avant qu'une politique plus cohérente ne soit recherchée. Entre 1996 et 1998, sous la direction de Primakov, le ministre des affaires étrangères d'alors, un consensus sur la stratégie appropriée à adopter avec l'Iran commença à se faire jour. Ce consensus mettait l'accent sur deux réalisations clé : d'une part, l'importance des principes de non-prolifération et de principes géopolitiques élaborés, et d'autre part, l'engagement économique avec l'Iran. Toutefois, la non-prolifération était la priorité numéro un.

Cela n'empêchait pas les batailles et les désaccords traditionnels de terrain de resurgir périodiquement. Par exemple, en décembre 1996, alors que le Ministre des Affaires Etrangères s'affairait à émettre des commentaires positifs, le Ministre de la Défense étiqueta l'Iran de "menace potentielle" à la sécurité de la Russie, à cause d'une "augmentation critique dans son potentiel offensif"[11] En avril 1998, Minatom annonça que la Russie était intéressée par la fourniture à l'Iran d'un réacteur de recherche doté de capacité d'enrichissement d'uranium jusqu'à 20%. Cependant, une fois encore, la pression des Etats-Unis permit d'éviter que le réacteur et l'équipement laser ne soient livrés. Washington craignait que cet équipement ne puisse être utilisé pour enrichir l'uranium à un niveau militaire. La question fut abordée à plusieurs reprises lors de rencontres bilatérales entre le secrétaire d'état américain à l'énergie, Bill Richardson, et le chef de Minatom, Evgeni Adamov ; entre le vice-président Al Gore et le Premier ministre Mikhaïl Kasianov ; ainsi qu'entre les deux présidents en juillet 2000 lors du sommet du G-8 d'Okinawa et une fois encore lors du Sommet du Millénaire de l'ONU en septembre 2000. En conséquence de quoi, la Russie "prit conscience de la sensibilité de cette question" et accepta de suspendre les fournitures qu'elle envoyait à l'Iran. [12] Le projet de réacteur à eau-légère de Bushehr, déjà handicapé par les délais techniques et politiques, resta pratiquement la seule instance de coopération nucléaire entre la Russie et l'Iran.

A partir de la fin des années 90, les intentions et les programmes nucléaires de l'Iran, et surtout la coopération nucléaire entre l'Iran, le Pakistan et la Corée du Nord, éveillèrent des soupçons auprès de Moscou. En 1999, le chef de la Direction de la Non-Prolifération des services extérieurs russes fit une mise en garde publique en disant que les services secrets de ces trois pays avaient "obtenu des technologies et des matériaux classés-défense, de la part de sources secrètes — essentiellement militaires — et immédiatement" partagées entre eux. [13] Moscou était alors en train de reconsidérer s'il fallait développer, voire même poursuivre, sa coopération nucléaire avec Téhéran. Les Russes soupçonnèrent, à partir du milieu des années 80, que le Corps des Gardiens de la Révolution Islamique, élitiste et conservateur, orchestrait (bien que par à-coups) une recherche nucléaire parallèle à des fins militaires, à l'insu du ministre iranien des affaires étrangères et probablement même du Président Mohammed Khatami.

Des contradictions fréquentes dans les renseignements collectés auprès des diplomates et scientifiques nucléaires iraniens (même sur les sujets les plus banals) avaient éveillé des soupçons chez les Russes. Malheureusement, l'information était trop limitée est souvent trop contradictoire pour en tirer des conclusions — un problème qui reste d'actualité. Pour cette raison, quand les Etats-Unis firent part de leurs inquiétudes à propos des intentions de l'Iran, les Russes répétèrent plusieurs fois à Washington : "Si vous disposez de faits réels, étudions-les".[14] Toutefois, de telles propositions ne se heurtèrent qu'à des refus secs, au prétexte de ne pas compromettre les sources des services de renseignements américains. De telles réactions conduisirent Moscou à conclure que la première préoccupation de Washington trouvait son origine en Israël — de même que ses sources de renseignements — et que les services américains pouvaient être mis en doute.

Après être devenu président [de la Russie] en 2000, Vladimir Poutine centralisa la politique étrangère russe, réduisant ainsi le chaos qui avait imprégné la présidence de Ieltsine et la rendit moins sujette au lobbying par les différents acteurs. Le Kremlin devint de plus en plus convaincu que l'Iran émergeait comme l'acteur clé de la région, et que Téhéran ne devait pas être soumis à des règles à géométrie variable (les efforts orchestrés par les Etats-Unis pour fournir des réacteurs à eau-légère à la Corée du Nord dans le cadre de l'Organisation Coréenne au Développement de l'Energie avait été considérés comme sans risque de prolifération, alors que la construction par Moscou du même type de réacteur reçu l'ire des Etats-Unis), [15] et que la décision prise par Moscou de coopérer avec l'Iran plutôt que de l'isoler — et pas seulement leur désaccord au sujet du programme nucléaire iranien — fut la source de tensions entre Moscou et Washington, à propos de l'Iran.[16] En effet, Poutine faisait de la coopération nucléaire, et, plus largement, de la coopération dans le secteur des hautes technologies, un élément clé d'une relation stratégique plus large avec Téhéran.

La Désillusion après Natanz

Une telle approche optimiste rendit la découverte, au cours du deuxième semestre 2002, de détails concernant la construction d'une unité de centrifugation à Natanz, ainsi que d'autres unités de production de combustible nucléaire tout ce qu'il y a de plus affligeant pour Moscou. La Russie fut choquée, peut-être encore plus que l'Occident, par la reconnaissance par l'Iran qu'il avait conduit une recherche nucléaire clandestine, bien que peut-être pas illégale, pendant 18 ans. Peu nombreux sont ceux qui ont pu suspecter l'étendue et la vitesse des progrès iraniens. Dans un rapport remarquable, publié en 2003, le général de corps d'armée à la retraite, Vassilii Lata, ancien chef d'état-major adjoint des Forces Stratégiques des Missiles Russes, et le physicien nucléaire Anton Khlopkov ont donné leur appréciation sur les révélations concernant le programme nucléaire iranien en soutenant que l'Iran pouvait aller assez loin sans violer ses obligations internationales — selon lesquelles il avait le droit à la fois de produire de l'uranium hautement enrichi et de générer, séparer et stocker du plutonium de qualité militaire sous la supervision de l'AIEA. L'Iran serait capable de construire une arme nucléaire en seulement quelques mois après avoir accumulé des quantités suffisantes de matériaux nucléaires de qualité militaire. Il est vrai que la décision politique d'utiliser ainsi ses réserves accumulées de matériaux nucléaires pourrait être prise si les relations américano-iraniennes se détérioraient encore plus et que les Etats-Unis préparaient le renversement du régime iranien.[17]

Moscou avait une autre raison de désillusion. En tant que seul Etat coopérant dans le secteur de l'énergie nucléaire avec l'Iran, la Russie s'attendait, plutôt naïvement, à cavoir la confiance exclusive de Téhéran et à rester informée sur toutes les activités nucléaires iraniennes avant quiconque, même si ces activités ne faisaient pas partie de leur coopération bilatérale. Les Iraniens prétendirent plus tard, ce qui est plutôt invraisemblable, qu'ils avaient essayé de le faire.[18] Malgré tout, les dirigeants russes eurent du mal à contenir leur mécontentement et leur déception. Il semble qu'une décision internationale ait été prise, quelque part entre 2002 et 2003, de ne pas accélérer l'achèvement complet du projet de centrale nucléaire à Bushehr, au prétexte qu'il y avait des raisons techniques. L'Iran répondit en jouant la carte des Européens, laissant entendre que de nouveaux partenaires pouvaient toujours être trouvés et faisant remarquer tout particulièrement que les Français étaient en tête de liste pour l'obtention de contrats dans la construction de six nouvelles centrales nucléaires.

Dans ses déclarations ou dans les forums internationaux, la Russie ne voyait plus tellement l'intérêt de continuer à défendre avec la même conviction le droit de l'Iran de développer des sources nucléaires d'énergie à des fins pacifiques. En juin 2003, la déclaration commune du G-8, à Evian, envoya un signal fort et sans équivoque en direction de Téhéran, pressant les Iraniens de signer et de mettre en place un protocole additionnel de l'AIEA.[19] La signature de la Russie au bas d'un tel document aurait été inimaginable quelques mois plus tôt. A partir d'octobre 2003, un rapport officiel du Ministère de la Défense russe, généralement considéré comme de facto doctrine militaire provisionnelle russe, classa l'Iran, avec la Corée du Nord, parmi les pays ayant un "statut obscure" en matière de programme d'armes nucléaires.[20] Lors du sommet du G-8 de 2004, à Sea Island en Géorgie (USA), la Russie signa une autre déclaration, destinée à mettre fin à toute coopération en matière de combustible nucléaire avec les Etats qui violent la non-prolifération nucléaire et les obligations de garantie fixées par l'AIEA (même si seuls les pays exportateurs ou le Conseil de Sécurité de l'ONU peuvent suspendre une telle coopération ou y mettre fin). Bien que l'Iran, dans les documents communs du sommet de Sea Island, n'était pas mentionné comme violateur des ses obligations conformes à l'AIEA ou au TNP, à ce moment-là, Moscou n'excluait pas la possibilité que Téhéran pût être déclaré comme tel si son attitude non-coopérante vis-à-vis de l'AIEA était démontrée.

L'Iran, qui dit en public que sa relation avec la Russie est un "modèle" de coopération,[21] nota le changement de ton dans le discours de Moscou. Durant l'été 2004, alors que les négociations entre les instances iraniennes et l'AIEA, l'UE-3 et la Russie se réchauffaient, Hassan Rowhani, le secrétaire du Conseil Suprême de la Sécurité Nationale d'Iran (et l'un des acteurs les plus influents impliqué dans les questions nucléaires) demanda à la Russie, en tant qu' "Etat ami", de coopérer étroitement avec l'Iran lors de la prochaine session du Conseil des Gouverneurs de l'AIEA. Rowhani insista aussi sur la nécessité d'accélérer la construction de la centrale nucléaire de Bushehr en faisant allusion au fait que ce projet pourrait être vu comme un indicateur de l'état des relations et même du niveau de confiance entre les deux pays.[22]

En fin de compte, la Russie acheva la centrale nucléaire de Bushehr en octobre 2004, neuf longues années après avoir signé ce contrat. Toutefois, la question sur le retour vers la Russie du combustible nucléaire épuisé était toujours en suspens. Lorsque le contrat original fut établi, il ne pouvait inclure une clause autorisant le retour du combustible nucléaire épuisé parce que la loi russe interdisait à l'époque une telle mesure. Même après le vote d'une nouvelle loi permettant à la Russie d'initier des négociations prolongées avec l'Iran sur un protocole correspondant, Moscou pensa qu'il n'était pas nécessaire de forcer la main à l'Iran en rendant l'exploitation de la centrale conditionnée à un tel protocole. Toutefois, l'accord passé en novembre 2004 entre l'UE-3 et l'Iran a créa les conditions politiques favorables pour qu'il soit signé.

En décembre 2004, l'ambassadeur d'Iran à Moscou, Gholamreza Shafei, lia clairement la disposition de l'Iran d'engager un partenariat stratégique avec la Russie à des mesures pratiques que Moscou devait prendre pour étendre son commerce nucléaire avec l'Iran : "Nos liens avec la Russie dépendent de combien la partie russe est effectivement prête à coopérer avec nous (dans la sphère nucléaire)."[23] Commentant la disposition de l'UE-3 d'étendre les liens nucléaires avec Téhéran, Shafei, une nouvelle fois, joua la carte européenne en indiquant que, dans un contexte de relations euro-iraniennes renouvelées, "les anciens ennemis de la coopération nucléaire entre la Russie et l'Iran vont devenir les 'nouveaux concurrents' de [la Russie] et les 'partenaires de l'Iran'"[24]

La Stratégie Contemporaine Russe

Malgré les inquiétudes de Moscou à propos du programme nucléaire iranien, le Kremlin semble avoir fait un choix stratégique en direction du renforcement de ses liens économiques et politiques avec l'Iran. En octobre 2004, un haut membre du Ministère des Affaires Etrangères russe, chargé de mettre en application la politique vis-à-vis de l'Iran, a soutenu que l'Iran était le seul Etat du grand Moyen-Orient à accroître son potentiel économique, scientifique, technologique et militaire. Avec une population hautement éduquée (le taux d'alphabétisation de l'Iran est de 81%), 11% et 18% des ressources mondiales respectivement de pétrole et de gaz, et une situation géostratégique lui donnant accès aux routes maritimes et terrestres liant l'Europe et l'Asie, l'Iran est "condamné" à être le leader régional et un acteur majeur dans ce vaste territoire qui s'étend du Proche-Orient au Caucase et à l'Asie Centrale. Par conséquent, "le partenariat avec l'Iran est devenu une des tâches clé de la politique étrangères de la Russie."[25]

En dépit du niveau modeste du commerce actuel entre la Russie et l'Iran (1,4 Mds$ en 2003), Moscou a des objectifs économiques ambitieux à court et moyen termes. Téhéran estime même qu'un accroissement du commerce à hauteur de 10 Mds$ est un objectif réaliste pour les toutes prochaines années,[26] avec le secteur des hautes technologies qui se montre remarquablement prometteur.[27] Du point de vue de Moscou, le marché iranien dispose aussi d'un potentiel considérable en tant qu'importateur d'armes conventionnelles — une des principales sources en devise de la Russie. [28]

De façon peut-être plus pragmatique, Moscou témoigne sa gratitude à Téhéran pour son approbation (ou du moins sa non-opposition) à la réalisation des objectifs politiques russes. Ce soutien comprend : le fait de se taire au sujet de la Tchétchénie ; "la reconnaissance des intérêts particuliers de la Russie" dans le Caucase et en Asie Centrale"[29] ; la défense de Moscou contre des résolutions hostiles qui seraient passées par l'Organisation de la Conférence Islamique ; et, être d'accord avec les positions russes sur l'Afghanistan et sur l'Irak aux Nations-Unies. Bien que des divergences sur des questions impliquant la mer Caspienne demeurent, Moscou soutient l'initiative iranienne d'accueillir un sommet de la Caspienne et même l'institutionnalisation du "C5 [Caspienne 5]" (Azerbaïdjan, Iran, Kazakhstan, Russie, Turkménistan) en tant qu'organisation régionale. L'accord russo-iranien en vue d'établir des relations mutuelles inclut même une clause qui stipule que, en cas d'une attaque contre l'une quelconque des parties, l'autre partie s'interdit toute forme de soutien à l'agresseur et s'atèle à régler le conflit dans le cadre de la Charte des Nations Unies et de la loi internationale.


Flic Dur, Flic Mou, Flic encore plus Mou

A Téhéran, bien que la ligne officielle mette l'accent sur les liens entre les deux parties qui n'ont jamais été aussi étroits, il y a peu de consensus entre les dirigeants, ni sur un partenariat de l'Iran avec la Russie, ni sur le fait que les intérêts des deux pays coïncident sur de nombreux sujets, et ni sur le fait que le renforcement de ce partenariat n'est pas un choix tactique à court terme, mais plutôt un choix stratégique à long terme.[30] En vérité, cela fait longtemps que l'Iran cherche à jouer la Russie, l'UE et les Etats-Unis, les uns contre les autres, saisissant les occasions qui lui sont offertes par l'histoire des désaccords internes entre ces acteurs.

La Russie et les Etats-Unis

Au début des années 90, Washington fit la sourde oreille aux appels répétés de la Russie pour des consultations avec les Etats-Unis sur la question iranienne. À partir de 1995, les gouvernements américains successifs ont initié une campagne systématique contre la coopération nucléaire de la Russie avec l'Iran, que Washington accusait d'aider Téhéran à développer l'arme nucléaire. La question iranienne figura en bonne place sur l'agenda bilatéral américano-russe jusqu'à la fin de l'ère Clinton. Les réactions de l'élite politique russe à la pression des Etats-Unis sur l'Iran, dans les années 90 — et, à un certain point, jusqu'à aujourd'hui —, pouvaient être grossièrement divisées en trois grandes écoles de pensée :

- Les premiers considéraient que la politique américaine est étroitement motivée par la tentative d'éjecter la Russie du marché lucratif de l'énergie, de la même manière que Washington a manœuvré pour fournir des centrales nucléaires à la Corée du Nord, il y a 10 ans. Cette école de pensée continue de guider la majorité de l'élite russe dans l'attitude à adopter vis-à-vis de la question iranienne, y compris Poutine lui-même.[31]

- Pour le second groupe, qui comprenait le ministre russe des affaires étrangères et plus tard le premier ministre, les vraies racines de la politique des Etats-Unis vis-à-vis de l'Iran se trouvaient dans l'influence exercée par le lobby israélien à Washington.[32]

- Et le troisième groupe pensait que les Etats-Unis se servaient de la carte iranienne comme d'un atout, pour d'autres intérêts, dans leur dialogue avec Moscou.

Il est vrai que sur une initiative émanant du Congrès, Washington conditionna son aide financière à la Russie à la renonciation par Moscou du contrat de Bushehr. Le Secrétaire d'Etat américain, Warren Christopher, parla en 1995 du lien entre le renoncement au contrat russo-iranien et la participation de la Russie aux rencontres du G-7 et de sa transformation, plus tard, en G-8. Lors de plusieurs interviews privées, des officiels américains ont même suggéré de lier le projet Bushehr aux négociations sur le Traité ABM [traité sur les missiles anti-balistiques]. Après l'entrée en vigueur, en juillet 2001, d'une nouvelle loi en Russie permettant d'importer du combustible nucléaire épuisé, des experts américains ont suggéré à plusieurs reprises d'établir un compromis entre les Etats-Unis et la Russie, dans lequel Moscou renoncerait à la coopération nucléaire avec l'Iran, tandis que Washington lèverait les sanctions sur les importations bien plus lucratives en provenance du Japon, de la Corée du Sud et de Taiwan. Certaines voix russes ont adopté une rhétorique similaire. Par exemple, Vladimir Loukine, ancien ambassadeur russe à Washington et ancien président du Comité des Affaires Etrangères de la Douma, a décrit la logique derrière la décision de la Russie, dans les termes bruts suivants : "Notre contrat avec l'Iran vaut un milliard de dollars. Si les Etats-Unis sont [sic] prêts à nous indemniser de ce montant, c'est une chose. Dans le cas contraire, considérant que l'aide financière accordée par les Etats-Unis à la Russie est bien plus faible que le contrat russo-iranien, il n'y a … plus rien à ajouter."[33]

Bien qu'il soit àde bon ton parmi les experts non-gouvernementaux — des deux côtés de l'Atlantique — de prendre une telle rhétorique au pied de la lettre, que les Russes acceptent de se faire acheter par les Etats-Unis pour sortir de ce contrat n'a vraiment pas été démontré par l'attitude de la haute administration russe ! Aussi tentant qu'aient pu semblés à Moscou les avantages économiques offerts, ou marchandés, par les Etats-Unis, l'idée même de "perdre" l'Iran au profit de Washington ne pouvait même pas être envisagé par une direction russe habituée à évaluer son succès en politique étrangère comme un jeu où la somme est nulle dans les sphères d'influence géopolitiques. Les Russes auraient sans doute préféré geler unilatéralement le projet Bushehr plutôt que d'être perçus comme pouvant être achetés par les Etats-Unis.

Loin d'être efficace, la pression exercée par les Etats-Unis fut donc probablement contre-productive, puisqu'elle conduisit Moscou à se retrancher derrière la "nature pacifique" du programme nucléaire iranien et à en renforcer publiquement la défense aux dépends de la propre rhétorique russe sur la non-prolifération. Même après la désillusion à long terme de Moscou par rapport à l'Iran, les Russes insistaient encore que leur reconnaissance sur le fait qu'il pût y avoir un problème iranien — et sur leur engagement avec le reste de la communauté internationale, qui s'est ensuivi — ne découlait pas de la pression américaine mais était le fruit de leurs propres inquiétudes au sujet de la prolifération des armes de destruction massive (ADM) aux frontières russes.[34]

La Russie et l'Union Européenne

Bien qu'elles fussent considérablement moins visibles que ses désaccords avec les Etats-Unis, les divergences subtiles d'intérêts entre la Russie et l'UE à propos de l'Iran pouvaient assombrir la coopération future de Moscou avec les initiatives de l'UE-3. L'UE a été à l'avant-scène des efforts diplomatiques pour persuader l'Iran de se plier aux exigences de transparence de l'AIEA. Les missions de l'UE-3 qui eurent lieu en octobre 2003 et en novembre 2004 décrochèrent des accords de dernière minute avec l'Iran, adoucis par des promesses d'augmentation des échanges, de l'aide et de la coopération nucléaire civile.

Même si la véritable étendue de la coopération qui s'est opérée en coulisse reste difficile à évaluer, il apparaît clairement que la Russie a accordé un soutien, tant diplomatique que sur la rhétorique, aux initiatives de l'UE-3. L'Iran fut régulièrement inscrit à l'agenda euro-russe, y compris des discussions au plus haut niveau qui eurent lieu lors du sommet de Rome le 6 novembre 2003, de même que des contacts bilatéraux à Moscou avec des capitales des Etats membres. Des échanges téléphoniques entre les ministres des affaires étrangères de l'UE-3 et de la Russie et les haut-représentants à la politique étrangère et de sécurité commune de l'Union Européenne ont permis de coordonner les différentes positions et d'étayer une stratégie pour élaborer une résolution sur cette question.[35] Des diplomates proches de ces discussions ont considéré l'influence de Moscou comme ayant été particulièrement instrumentée pour aider à persuader à la fois Téhéran de signer le Protocole Additionnel de l'AIEA et l'UE-3 d'accepter les exigences de Téhéran visant à garantir l'approvisionnement en combustible russe pour sa centrale de Bushehr. [36]

Cependant, derrière le soutien russe aux initiatives de l'UE sur la question nucléaire iranienne, se cache une concurrence pour établir une position économique qui s'intensifie. Les deux côtés sont enclins à bénéficier de l'absence des Etats-Unis et à promouvoir leurs intérêts commerciaux dans un marché de plus en plus prometteur, surtout pour leurs industries nucléaires, pétrolières, automobiles et de défense. En juin 2003, Poutine lui-même insinua que toute critique de la part des Européens sur la coopération nucléaire de la Russie avec l'Iran serait hypocrite : "Nous savons que certaines entreprises d'Europe Occidentale coopèrent activement avec l'Iran dans la sphère [de l'énergie nucléaire] et fournissent de l'équipement qui est au minimum un équipement à double vocation. En conséquence, nous contesteront l'utilisation contre l'Iran du thème de la prolifération nucléaire comme instrument pour évincer les sociétés russes du marché iranien." [37]

L'énergie nucléaire n'est pas le seul domaine où les intérêts à long terme de la Russie et de l'UE pourraient entrer en collision. Le secteur de la défense est une autre possibilité de premier ordre. Le moratoire de l'UE sur les ventes d'armes à l'Iran a permis à la Russie d'accroître ses ventes d'armes conventionnelles à l'Iran, désormais le troisième plus gros marché de la Russie après la Chine et l'Inde.[38] La Russie, et surtout son secteur de la défense, semble par conséquent satisfaite de maintenir le statu quo interne avec l'Iran, tandis que la politique européenne d' "engagement sous condition" avec l'Iran a eu, en contraste, pour objectif de soutenir les réformateurs de Téhéran. L'énergie fossile pétrolière est encore un autre domaine de concurrence potentiellement intense, où les sociétés russes et européennes ont déjà entamé une bataille pour les opportunités d'investissement et pour l'accès aux ressources énergétiques.

L'avenir de la Politique Russe : Cinq Clés Pour Comprendre

A la lumière des deux accords passés entre l'UE-3 et l'Iran, la Russie a tout fait sauf disparaître du radar des médias internationaux en ce qui concerne la question nucléaire iranienne. Une des raisons principales est tout simplement que presque toutes les accusations, selon lesquelles Moscou soutenait les ambitions de Téhéran de développer et d'acquérir des armes nucléaires, se sont avérées fausses. Même ceux qui critiquaient avec le plus de fougue la coopération de la Russie avec l'Iran, sur les questions nucléaires, ont à présent fini par reconnaître que le succès spectaculaire de l'Iran a été rendu possible grâce à l'assistance du Pakistan, et pas de la Russie : La collaboration de l'Iran avec le réseau A.Q. Khan, basé au Pakistan, débuta aux alentours de 1987 et était censé comprendre la fourniture de pièces centrifuges.[39]

Les Iraniens ont aussi fait des progrès substantiels par eux-mêmes en matière de recherche, de développement et d'ingénierie nucléaire, et ils l'ont fait beaucoup plus vite que les puissances occidentales aussi bien que Moscou ne l'avaient prévu. Les exportations nucléaires de la Russie vers l'Iran, destinées au départ à la réalisation du contrat de Bushehr, n'ont pas favoriser le programme iranien d'armes nucléaires et ne pouvait pas le faire. Moscou n'a pas fait partie de ce problème, mais les Russes font-ils partie de la solution ?

Lorsqu'il fut questionné en octobre 2003 sur la coopération de la Russie avec l'Iran sur les questions nucléaires, cela en dit long que Poutine ait choisi d'insister sur la non-prolifération plutôt que sur la coopération : "Je considère personnellement que le problème d'une possible propagation d'armes de destruction massive … est l'un des principaux problèmes de notre temps."[40] Toute analyse rationnelle avancerait que les intérêts de la Russie sont mieux servis en s'assurant que son voisin du sud reste exempt d'armes nucléaires plutôt qu'en assurant des contrats additionnels de quelques centaines de millions de dollars supplémentaires. En fait, si l'on regarde en arrière l'activité diplomatique de la Russie durant les derniers mois de 2004, l'impression qu'elle a été mise sur la touche en matière nucléaire est contredite.

Malgré quelque amertume résiduelle, Moscou n'a jamais réduit son dialogue en coulisse avec Téhéran sur toute une gamme de questions en relation avec la non-prolifération d'AMD et leur système d'approvisionnement. La Russie insistait d'ailleurs de plus en plus sur l'importance de la conformité de l'Iran avec l'AIEA et le régime international de non-prolifération. La Russie préféra laisser l'UE-3 accaparer le devant de la scène, tout en appréciant que l'Iran choisisse d'annoncer de Moscou en décembre 2003 sa décision de signer le Protocole Additionnel de l'AIEA. La question qui reste en suspens est : quel tournant va prendre à présent la politique de la Russie vis-à-vis de la question nucléaire iranienne ? Cinq indicateurs récents permettent de jeter un coup d'œil sur l'avenir :

- D'abord, la Russie a clairement fait comprendre qu'elle a l'intention de poursuivre, sinon d'accélérer, sa coopération avec l'Iran dans le domaine nucléaire. Poutine a annoncé cette intention dès sa rencontre de mars 2001 avec Khatami.[41] En juin 2004, le discours de Poutine s'est durci, et pourtant le problème persiste : "La Russie abandonnera les travaux de Bushehr si l'Iran ignore les exigences de la communauté internationale en matière de transparence de ses programmes nucléaires et de coopération renforcée avec l'AIEA. Jusqu'à présent, cela n'est pas arrivé, [sic] jusqu'à présent l'Iran a rempli toutes ses obligations vis-à-vis de l'AIEA, et nous ne voyons aucune raison de mettre un terme à cette coopération ?"[42]

Plus récemment, l'Agence Fédérale Russe à l'Energie Nucléaire (Rosatom, qui a remplacé Minatom en mai 2004) a accueilli favorablement la décision de l'assemblée des gouverneurs de l'AIEA prise en novembre 2004 destinée à faciliter légèrement la pression sur Téhéran parce qu'elle levait "les barrières existantes en matière de coopération de l'Iran avec les pays occidentaux et la Russie dans le domaine des technologies nucléaires avancées … La question nucléaire iranienne a désormais pratiquement disparu de l'agenda de l'AIEA."[43] La Russie a démontré sa bonne volonté de coopérer avec l'UE en garantissant les livraisons du combustible nucléaire à la centrale de Bushehr, ce qui fut une condition sine qua non imposée par Téhéran pour atteindre un accord avec l'UE-3. Un diplomate russe de premier rang, impliqué dans les pourparlers avec l'UE-3 a lâché un soupir de soulagement : "Pour nous, il est important que personne ne puisse nous importuner à nouveau à propos de nos agissements supposés illégaux en Iran — après tout, nous sommes soutenus par l'Europe Occidentale."[44] Quelques semaines après la décision prise en novembre [2004] par l'AIEA, une délégation russe de haut rang rendit visite à Téhéran et réaffirma une nouvelle fois que la coopération nucléaire reste ancrée dans leur agenda bilatéral.[45]

Il n 'y a désormais plus rien qui puisse empêcher la Russie de conduire des négociations pour construire une seconde unité à la centrale nucléaire de Bushehr ou une centrale additionnelle sur un nouveau site. En décembre 2004, à Moscou, le ministre russe de l'industrie et de l'énergie, Viktor Khristenko, et le ministre iranien de l'économie et des finances, Sayed Safdar Khoseyni, ont entamé des discussions sur la possible construction de nouvelles centrales nucléaires (jusqu'à sept de plus) totalisant une puissance de 6.000 à 7.000 mégawatts. Il était aussi convenu que la centrale nucléaire de Bushehr serait intégrée en 2006 dans le système énergétique iranien. Après de longues négociations, les deux parties sont à présent très proches d'un accord sur le prix du stockage du combustible épuisé et du recyclage (en fonction des prix du marché).

En même temps, la Russie insiste sur le fait que l'Iran doit maintenir un dialogue honnête et dynamique avec l'AIEA sur l'ensemble des questions qui ont été soumises à Téhéran. C'est ce que le ministre-adjoint des affaires étrangères russe, Sergei Kislyak, a appelé "une meilleure prévisibilité et une meilleure transparence" du comportement iranien.[46] Moscou recommande que Téhéran ratifie et mette rapidement en application le Protocole Additionnel de l'AIEA.[47] On devrait aussi noter qu'il y a des vues fortes à Moscou qui considèrent que le programme d'enrichissement devrait être démantelé en échange de carottes appropriées, y compris l'établissement d'un fonds international au combustible nucléaire sous les auspices de l'AIEA afin d'apporter l'assurance que le combustible sera livré.

- Deuxièmement, bien qu'ils s'opposent toujours à la politique américaine consistant à isoler Téhéran, les Russes initiés admettent désormais que la qualité du dialogue avec Washington sur l'Iran a atteint des niveaux sans précédent. Malgré son discours continuel de désapprobation, l'administration Bush a effectivement levé ses objections sur le projet Bushehr et s'est montrée coopérante pour trouver des solutions mutuellement bénéfiques aux problèmes pratiques, comme par exemple, comment assurer le transport sûr du combustible épuisé de Bushehr vers la Russie d'origine. Lors d'une rencontre qui eut lieu au Chili en novembre 2004 entre Poutine et le Président George W. Bush, les deux [présidents] discutèrent au sujet de l'accord de l'UE-3 et Poutine insista sur le fait que l'amélioration du dialogue russo-américain a été considérable . Le Ministre de Affaires Etrangères, Sergei Lavrov, est allé encore plus loin en disant qu'il n'y avait pas de différences dans les approches russes et américaines sur les questions principales du programme nucléaire iranien.[48] Même Alexander Vershbow, l'ambassadeur des Etats-Unis à Moscou, a convenu que : "[Bien que] les Russes ont montré quelque ambivalence dans le passé concernant la menace posée par … le régime actuel de Téhéran … ils y voient de plus en plus clair en ce qui concerne le danger, et notre coopération s'améliore."[49]

- Troisièmement, ayant retenu la leçon du manque d'information antérieur, la Russie travaille désormais dur à sécuriser des accords bilatéraux (avec les Etats-Unis, l'Allemagne et d'autres pays) et multilatéraux (G-8) sur l'échange d'informations confidentielles sur l'Iran. L'absence d'information adéquate sur les plans de l'Iran en matière nucléaire et de missiles à longue portée reste le talon d'Achille, non seulement de la politique russe mais aussi des efforts européens et américains. Un ancien analyste de la CIA, Kenneth Pollack, a récemment mis en garde que ,"avant l'invasion de l'Irak, nous savions que nos services de renseignement … étaient inadéquats mais nous ne mesurions pas à quel point il étaient mauvais. Aujourd'hui, la plupart des officiers de nos services secrets pensent que les renseignements dont nous disposons sur la prise de décision iranienne et les ADM sont encore plus fragmentés et incertains que ce que nous croyions qu'était l'état de nos connaissances sur l'Irak."[50]

- Quatrièmement, en se basant sur le succès de l'accord de novembre 2004 entre l'UE-3 et Téhéran, Moscou soutient désormais fermement l'internationalisation de la question nucléaire iranienne. L'accord s'engage à reconnaître à l'Iran le droit d'avoir un programme nucléaire pacifique, à ne pas faire d'obstruction à l'achèvement par la Russie de la centrale nucléaire de Bushehr ou à l'acquisition par l'Iran d'un réacteur de recherche nucléaire à eau-légère, à garantir à l'Iran le combustible nucléaire nécessaire à ses centrales nucléaires au prix du marché de même que l'accès à d'autres technologies nucléaires, à soutenir la candidature de l'Iran pour son admission au sein de l'OMC, à coopérer avec l'Iran sur une large gamme de programmes économiques, et à ouvrir le dialogue sur les inquiétudes de l'Iran en matière de sécurité. La Russie est satisfaite de voir que ses efforts faits en coulisse ont aidé à réduire les tensions vis-à-vis de l'Iran et que cet accord a facilité la création de nouveaux instruments permettant de contrôler efficacement les ambitions nucléaires de l'Iran.[51] Bien que l'internationalisation fait courir le risque d'une concurrence accrue de la part de Moscou sur les marchés iraniens, l'alternative est que tout investissement russe en Iran serait compromis si son statut devenait celui d'un paria international. Moscou a opté pour le moindre mal.

- Enfin, des voix influentes soutiennent désormais, à Moscou, la création d'un consortium international pour s'occuper de la question de l'énergie nucléaire iranienne. Un tel consortium, qui pourrait inclure la Russie, l'UE et peut-être même les Etats-Unis, pourrait fonctionner en s'appuyant sur le règlement des questions d'approvisionnement en combustible et sur la construction en Iran de plus de réacteurs. Bien que cela semble utopiste, l'Iran ne rejette pas l'idée d'un consortium international, même d'un consortium qui inclurait la participation des Etats-Unis.[52] Les défenseurs de la Russie argumentent en disant qu'une telle prise de position serait commercialement bénéfique pour Moscou et accroîtrait spectaculairement le niveau de confiance entre l'UE-3 et l'Iran, qui en retour assurerait une transparence plus grande sur le programme nucléaire iranien et fournirait peut-être même à l'Iran une incitation à suspendre de façon permanente son programme nucléaire et à s'en remettre à la place sur une diversification des importations [de combustible]. Même si les opposants rejettent ceux qui soutiennent cette prise de position en les taxant de naïveté, il y en a à Moscou qui pensent même que cette initiative pourrait créer un modèle de coopération dans d'autres régions sensibles du monde pour tout ce qui touche la prolifération.

Fatigués et méfiants à force de jouer aux devinettes sur les intentions nucléaires de l'Iran, la Russie a avancé une hypothèse à long terme favorable à la poursuite de la coopération avec l'Iran dans la sphère nucléaire, mais elle fait aussi attention à maintenir un dialogue étroit avec les Etats-Unis et l'UE-3. Au contraire des Etats-Unis, et au moins de quelques Etats membres européens,[53] la Russie ne semble pas croire que l'Iran a déjà pris la décision politique de rechercher des armes nucléaires. Moscou reconnaît que Téhéran pourrait prendre une telle décision si sa situation vis-à-vis de la communauté internationale venait à se détériorer, mais Moscou considère Téhéran comme un acteur suffisamment raisonnable pour être ouvert à la dissuasion par des incitations appropriées.


[1] "Novyi vyzov posle kholodnoï voïny : Rasprostranenie oruzhïia massovogo unichtozhenïia" [The New Post - le Défi de la Guerre Froide : la Prolifération des Armes de Destruction Massive], SVR Report, 1993.

[2] Dimitri Estafiev, "La Coopération Nucléaire Russo-Iranienne et les Contrôles à l'Exportation" (conférence de presse du 25 novembre 1998 du Centre PIR [le Centre Russe des Etudes Politiques] à l'Institut National de la Presse à Moscou).

[3] Viktor Mikhaïlov, "La coopération nucléaire russo-iranienne et les contrôles à l'exportation" (conférence de presse, Centre PIR, institut national de la presse, Moscou, le 25 novembre 1998.

[4] Jack Matlock Jr., "Les armes nucléaires russes," New York Review of Books, le 5 février 1998, p.17.

[5] Olga Antonova, "Velikïi atomnyi put" [Le Grand Chemin Nucléaire], Vremia novosteï, le 16 octobre 2000.

[6] Evstafiev, "La coopération nucléaire russo-iranienne et les contrôles à l'exportation".

[7] Voir Anatolïi Elizarov, "Vobkhod zakona raketami ne torguem…"[Nous ne vendons pas de missiles en infraction avec la loi…], Rossiiskaia Gazeta, le 1er juillet 1998, p.8 (données du Service Fédéral de Sécurité de la Fédération Russe (FSB) à propos des agents secrets iraniens expulsés de Russie).

[8] "Protocole de négociations entre le ministre de l'Energie Nucléaire, Viktor Mikhaïlov, et le vice-président iranien, le Dr Reza Amrollakhi", Téhéran, le 8 janvier 1995.

[9] Rapport Itar-TASS du 10 mai 1995.

[10] Evgenïi Primakov, "Le Traité de Non-Prolifération Nucléaire" (conférence de presse à l'occasion de la présentation du rapport SVR, Moscou, avril 1995).

[11] Cité par Youri Golotyuk, "Rossiya nastaivaet na sozdanïi voennogo bloka SNG. Mirobony RF oglasilo spisok vnutrennikh i veshnnikh ugroz Sodruzhestvu" La Russie insiste sur la création d'un bloc militaire avec la CEI. La liste rendue publique par le ministère de la défense russe sur les menaces intérieures et extérieures à la CEI], Sagodnya, 26 décembre 1996.

[12] Vladimir Orlov, Roland Timerbaev et Anton Anton Khlopkov, "Nuclear Non-Proliferation in US-Russian Relations : Challenges and Opportunities" (Moscou, Centre PIR, 2002, p.128).

[13] "Eksportnyi kontrol' v. Rossïi: Naivno ozhidat' prostykh reshenïi" [Le contrôle des exportations en Russie : Est-il naïf d'espérer des solutions faciles ?], Yaderny Kontrol, n°3 (1999) : 12 (citant le général de corps d'armée Gennadïi Evstafiev, "le contrôle des exportations : la législation et la pratique," Centre PIR, février 1999).

[14] Le Figaro, 15 février 2002 (interview du ministre russe des affaires étrangères, Igor Ivanov).

[15] Voir Al-Jazeera, Kuala Lumpur, le 16 octobre 2003 (interview de Vladimir Poutine) (et après l'interview de Poutine).

[16] Georgii Mamedov, "Net nikakikh dokazatel'stv sushchesvovaniia iadernoi programmy Irana" [Il n'y a pas de preuve de l'existence d'un programme d'armes nucléaires iranien], Vremia Novostei, 6 juin 2003.

[17] Vassilii Lata et Anton Khlopkov, "Iran : raketno-yadernaya zagadka dlya Rossii" [L'Iran : une énigme nucléaire et balistique pour la Russie], Yaderny Kontrol 9, n°2 (Eté 2003) : 44 -45

[18] Diplomate iranien important, interview avec l'auteur, Genève, juin 2003.

[19] "La Non-Prolifération des Armes de Destruction Massive : la Déclaration du G8", Evian, le 3 juin 2003, http://www.g8.fr (accédé le 3 juin 2003).

[20] "Doklad Ministerstva Oborony RF : 'Aktual'nye zadachi razvitiia Vooruzhennykh Sil RF'" [Rapport du Ministère de la Défense de la Fédération Russe : 'Les Défis Actuels pour le Développement des Forces Armées de la Fédération Russe'], Moscou, octobre 2003, p.13, http://www.mil.ru/booklet.pdf (accédé le 15 décembre 2004)

[21] RIA Novosti Report, Moscou, le 30 mai 2004 (citant un officiel du ministère iranien des affaires étrangères, Hamid Reza Assefi).

[22] Cité dans Itar-TASS Report, Moscou, le 24 mai 2004.

[23] Cité dans l'article "Iran Tells Russia to Expand Nuclear Ties" [l'Iran Presse la Russie d'Etendre ses Liens Nucléaires], New York Times, 15 décembre 2004, http://www.nytimes.com/reuters/international/in ternational-nuclear-russie-iran.html (accédé le 15 décembre 2004).

[24] Ibid.

[25] Gleb Ivashentsov, "Rossiia-Iran : Gorizonty partnerstva" [Russsia-Iran: Horizons of the Partnership], Mezhdunarodnaia Zhizn', n°10 (octobre 2004): 20-29.

[26] Ibid.

[27] Conférence de presse à la suite des négociations entre le président russe Vladimir Poutine et le président iranien Mohamed Khatami, Moscou, le 13 novembre 2003, http://www.1n.mid.ru 'accédé le 12 décembre 2004).

[28] Ibid.

[29] Ibid.

[30] Gholamreza Shafei, "Ubligbenie otnoshenii s Rossiei - ne tactichekii priem, a osoznannoe zhelanie" [Le renforcement du partenariat avec la Russie n'est pas un choix tactique mais un désir conscient], Yaderny kontrol, n°4 (2004).

[31]Interview de Poutine dans Al-Jazeera.

[32] Voir Moscow News, n° 17 (12-19 mars 1995).

[33] Interfax, Moscou, le 3 avril 1995 (Interview de Vladimir Loukine).

[34] Mamedov, "Net nikakikh dokazatel'stv sushchesvovaniia iadernoi programmy Irana" [Il n'y a pas de preuve de l'existence d'un programme d'armes nucléaires iranien], Vremia Novostei, 6 juin 2003.

[35] Russian MFA Daily Bulletin, Moscou, le 13 novembre 2003, http://www.1n.mid.ru (accédé le 29 novembre 2004).

[36] Diplomates européens et russes, interviewés par l'auteur, Genève, décembre 2004. Voir Alexandre Yakovenko (conférence de presse du 22 novembre 2004), http://www.1n.mid.ru (accédé le 12 décembre 2004).

[37] BBC, Moscou, le 22 juin 2003, http://www.1n.mid.ru (accédé le 22 juin 2003) (interview de Poutine).

[38] CIA "Unclassified Report to Congress on the Acquisition of Technology Relating to Weapons of Mass Destruction and Advanced Conventional Munitions", [Rapport non classé du Congrès sur l'acquisition de technologies relatives aux armes de destruction massive et de munitions conventionnelles avancées], du 1er janvier au 30 juin 2002, http://www.cia.gov/cia/reports/271_reports/jan_jun2002.html#3 (accédé le 12 décembre 2004) ; Ariel Cohen, "U.S.-Russia Summit Priorities : The Strategic Framework, a Nuclear Arms Agreement, and Trade" [Les priorités du sommet américano-russe : le cadre strétéquque, un accord sur les armes nucléaires, et le commerce] Heritage Foundation Backgrounder n° 1549, le 14 mai 2002, http://heritage.org/Research/RussiaandEurasia/BG1549.cfm (accédé le 12 dacembre 2004).

[39] Stephen Fidler et Victoria Burnett, "The Nuclear Entrepreneur", Financial Times, le 6 avril 2004.

[40] Interview de Poutine pour Al-Jazeera.

[41] Conférence de presse de Poutine et de Khatami.

[42] "Réponses du Président Russe Vladimir Poutine aux questions des journalistes après la fin de la rencontre des chefs d'Etats et de gouvernements lors du G8 à Sea Island (Géorgie-USA), le 10 juin 2004", http://1n.mid.ru/brp_4.nsf/0/a44bef4a5fb82940c3256ec9001c93ce?OpenDocument (accédé le 30 janvier 2005).

[43] Cet article peut être trouvé sur http://minatom.ru/news, le 30 novembre 2004. (accédé le 12 décembre 2004).

[44] Andrei Zlobin, "Yadernyi torg umesten" [Le Commerce Nucléaire est Approprié], Vremia Novostei, le 22 octobre 2004.

[45] Sergei Mironov, le 12 décembre 2004, http://www.rbc.ru.

[46] Dergei Kislyak, interviewé par Vladimir Orlov, le 29 décembre 2004.

[47] "Russia Urges Iran Nuclear Action" [la Russie presse l'Iran à passer à l'action sur les questions nucléaires], BBC News Online, le 17 octobre 2004, http://news.bbc.co.uk (accédé le 18 octobre 2004).

[48] Itar-TASS, Moscou, le 21 novembre 2004.

[49] Cité par Mike Nrtker, "U.S. Ambassador Calls on Russia to Fully Support Efforts to Restrict Nuclear Technology Transfers" [L'ambassadeur américain demande à la Russie de soutenir pleinement les efforts pour restreindre les transferts de technologie nucléaire], Global Security Newswire, 19 novembre 2004, http://www.nti.org/d_newswire/issues/2004/11/19/b5d1ee60-497a-4ec6-a894-c48fcabd3066.html (accédé le 12 décembre 2004).

[50] Douglas Jehl et William Broad, "West Knows Little of Iran's Nuclear Plan" [L'Occident ne sait pas grand chose au sujet des plans nucléaires de l'Iran], International Herald Tribune, le 22 novembre 2004, p.4.

[51] "O rezolyutsii Soveta Upravliaiushchikh MAGATE po iranskoi yadernoi programme" [Sur la Résolution de l'Assemblée des Gouverneurs de l'AIEA au Sujet du Programme Nucléaire Iranien], Russian MFA, Moscou, le 30 novembre 2004.

[52] Shafei, "Uglublenie otnoshenii s Rossei".

[53] Robert J. Einhorn, "A Transatlantic Strategy on Iran's Nuclear Program" [Une stratégie atlantique sur le programme nucléaire iranien], The Washington Quarterly 27, n°1 (automne 2004): 24.