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Le ton monte sur les primes des banquiers

par Brian Brady & David Randall
Independent on Sunday, dimanche 8 fevrier 2009

article original : "Backlash over bankers' bonuses"Les institutions bancaires britanniques qui ont reçu des subventions s’apprêtent à payer
des millions à leurs cadres et les projets du gouvernement ne les stopperont pas.

Un ton violent et rebelle est en train de monter ce week-end en Grande-Bretagne contre les plans des banques pour payer à leurs cadres des millions de livres en bonus, comme si la crise du crédit n’avait jamais eu lieu. The Independent on Sunday comprend que le gouvernement a l’intention d’essayer de barrer la route à la marrée montante du ressentiment contre les banquiers, en disant qu’il sera un « actionnaire actif » dans les institutions ayant reçu des subventions importantes et il dit non aux «salaires excessifs ».

Mais le ministre des finances britanniques, Alistair Darling, se retiendra d’apposer un veto absolu sur les primes ou un plafond salarial aux banques secourues par les contribuables, telles que Northern Rock, Royal Bank of Scotland (RBS) et Lloyds Banking Group. Des sources au ministère des finances disent qu’il essayera également de « persuader gentiment » les autres banques de limiter les salaires et les primes. Il organisera un passage en revue « qui examinera la façon dont les banques sont dirigées. J’attends de ce rapport qu’il fasse des recommandations sur l’efficacité de la gestion du risque par les conseils d’administration des banques, y compris comment les salaires affectent la prise de risque. »

Malgré la récession, les banques britanniques affiliées à une chambre de compensation verseront ce mois-ci des millions de livres de bonus à leur personnel. RBS, à présent renflouée grâce aux 20 milliards de livres sterling [environ 22 Mds d’€] d’argent public, veut verser à son personnel près d’1 milliard de livres de bonis, a-t-on appris hier. Les critiques mettaient e contraste les « mots simples » du gouvernement [britannique] avec le plafonnement catégorique et légalement exécutoire sur les salaires et les primes des dirigeants, annoncé par le Président Barack Obama aux Etats-Unis. Ces critiques ont dénigré les projets du ministre des finances qui ne sont pas plus qu’un code de conduite sans engagement, dont les banques se moqueront assurément.

Les propositions de M. Darling ont été accueillies par une consternation généralisée sur tous les bancs des Travaillistes. Un ancien ministre, Mark Fisher, a déclaré : « Je ne pense pas que le public aimerait voir le moindre bonus aller vers ces banques. C’est une approche bien trop légère. Obama est plus proche de la cible, mais même cela est assez sobre. Les primes devraient être des récompenses pour des résultats au-dessus des niveaux requis. Ces gens ont sous-performé, nous devrions donc les pénaliser. » Et un ministre a dit : « J’irais plus loin et je reprendrais toutes les primes qui ont déjà été versées. A un moment où nous demandons au peuple de faire un effort et de contribuer à l’économie, nous devrions faire un exemple avec ces personnes. »

Vince Cable, le porte-parole du ministère des finances fantôme libéral-démocrate, a déclaré que cette mesure était bien accueillie, mais qu’elle était « tardive, trop vague et pas assez radicale ».

Il y a maintenant une préoccupation croissante au sein du Cabinet que la culture du bonus provoque la colère dans le pays et ridiculisera toute tentative par les ministres de dire aux électeurs « nous sommes tous dans le même bateau de la récession », lorsqu’ils appelleront à des sacrifices. La Présidente de la Chambre des Communes, Harriet Harman, annonçant une enquête de la Commission d’Egalité sur la discrimination sexuelle dans les plans de bonus de la City, a déclaré : « Il y a quelque chose de pourri dans le système de rémunération des banques et des compagnies financières. Des hommes qui se payent à eux-mêmes des millions de bonus chacun – et qui disent ensuite qu’ils ne savaient pas ce qu’il se passait. Est-ce que quelqu’un va encore justifier un système qui permet à un réseau de vieux d’atterrir sur un coussin financier de plusieurs millions de livres, alors qu’ils ont contribué à provoquer le problème qui cause des difficultés aux autres ?

« L’Autorité des Services Financiers [FSA]... est également en train d’établir un rapport sur les primes. Il faudra qu’ils mettent fin au système de bonus qui encourage ceux qui se trouvent tout en haut de prendre des risques avec l’argent de tous les autres. Il est juste que ceux qui ont quitté RBS l’aient fait sans indemnité de licenciement et qu’il n’y ait pas de bonus pour les membres des conseils de direction dans les banques où le porte-monnaie du public a été sollicité pour assurer leur avenir. Mais les rapports de la Commission d’Egalité et de la FSA devront clairement mener les choses plus loin. »

Le Secrétaire à l’Enfance, Ed Balls, a déclaré à la conférence : « Nous n’avons pas agi pour sauver les banquiers – comme certains l’ont affirmé – mais pour empêcher l’ensemble du système financier de s’effondrer. Et [nous] exigeons en échange de nouveaux prêts et une nouvelle culture de la responsabilité – avec la fin des grosses récompenses pour les échecs. La Secrétaire aux Communautés, Hazel Blears, a déclaré : « Je ne soutiens pas les énormes bonis pour des gens en haut de la hiérarchie qui ont pris des décisions assez irresponsables. Ce que je dis est que nous avons besoin d’un système bancaire dans ce pays qui fasse son travail : qu’il prête de l’argent pour financer les acquisitions de logements et qu’il accorde des prêts aux petites entreprises. »

M. Cable a déclaré : « Qu’est-ce que le gouvernement a bien pu faire depuis octobre, lorsqu’il a déclaré qu’il exercerait la discipline sur les primes, comme prix à payer pour l’utilisation de 37 milliards de livres de l’argent du contribuable pour sauver les banques de l’effondrement ? »

Des appels à ce que les banques adoptent une culture qui reflète mieux les nouvelles réalités ont reçu un élan supplémentaire ces derniers jours grâce à deux développements. D’abord, la réalisation que d’autres pays prenaient des mesures beaucoup plus dures que la Grande-Bretagne sur les primes des banquiers. Le Président Obama a annoncé que les directeurs des banques étasuniennes ayant reçu des subventions verraient leurs salaires plafonnés à 500.000 dollars et qu’elles ne seraient pas autorisées à payer des bonis autrement qu’en stock options, à exercer seulement après que le porte-monnaie public aura été remboursé. D’autres pays (voir ci-dessous) ont été également fermes.

Ensuite, il a été rapporté que deux des banques ayant reçu de grosses sommes d’argent public avaient l’intention d’accélérer le paiement de bonis importants à un grand nombre de leurs salariés, avant que toute nouvelle loi n’empêche de tels versements. Royal Bank of Scotland, qui a été renflouée avec 20 milliards de livres d’argent public et qui est détenue à 68% par le gouvernement, s’apprête à verser des primes à des milliers de cadres. Et Lloyds, qui a pris 17 milliards de livres de subventions, doit payer des millions de livres en bonus. Barclays, qui a siphonné les prêts de la Banque d’Angleterre et obtenu des garanties pour des milliards de livres, projetterait aussi de verser 1,7 milliards de livres aux traders de Wall Street, en vertu des termes de son acquisition d’une partie de Lehman Brothers qui a fait faillite.

L’opposition aux bonis s’est construite depuis quelques temps. Les querelles de la semaine dernière sur les offres d’emploi à des travailleurs étrangers ont été vues en partie comme une manifestation, dans de nombreux quartiers, du sentiment qu’il y a une série de lois économiques pour les banques et une autre pour le reste du pays. Lundi, Barclays doit annoncer que ses profits sont légèrement supérieurs aux prévisions de 5,3 milliards de livres. Et mardi et mercredi, un grand nombre de banquiers bien en vue affronteront la Commission d’Enquête des Finances de la Chambre des Communes. Parmi ceux qui seront interrogés, il y aura Sir Fred Goodwin, l’ancien PDG de RBS, Andy Hornby, l’ancien PDG d’HBOS, plus des directeurs de haut rang de Barclays, Lloyds, Abbey et HSBC.

L’industrie bancaire a toujours été adepte de défendre la culture du bonus dont elle est si intimement imprégnée. L’argument selon lequel des récompenses élevées doivent être versées pour garder le personnel s’est un peu érodé, alors que la qualité de ceux qui ont été embauchés a été réprouvée. Andrew Haywood, avocat du travail dans la firme Dawsons LLP, a déclaré : « De nombreux travailleurs dans l’industrie financière sont reconnaissants d’être toujours employés. » Et chaque jour, l’économie devient plus sinistre. Les chiffres publiés à la fin de la semaine ont montré que l’industrie manufacturière a subi sa plus grosse baisse trimestrielle en 35 ans. Le nombre d’entreprises en liquidation a augmenté de 52%.

Un autre ancien ministre, Peter Kilfoyle, a dit que le ministre des finances devrait mettre un frein immédiatement aux bonis. Il a déclaré : « M. Darling doit aller voir ces banques et ne leur laisser aucune illusion sur le fait qu’elles appartiennent effectivement aux contribuables et qu’elles devraient, en conséquence, changer d’attitude. »


Interdire les bonus : Le manifeste bancaire le l’Institut de Sociologie

Nous exigeons :

* Que les banques britanniques, en particulier celles qui reçoivent des fonds publics, adoptent immédiatement une politique de restriction volontaire des salaires et des primes.

* Que si les contribuables payent, leurs représentants devraient alors décider des primes et que toute prime gagnée devrait être versée en stock options, ne pouvant être exercées que lorsque les fonds publics auront été remboursés.

* Que les échecs ne devraient pas être récompensés. Les primes versées l’année dernière par les banques subventionnées par le contribuable devraient être remboursées maintenant.

* Que dans une période de licenciements massifs et de sacrifice, il est vital qu’il y ait non seulement une perception générale de justice, mais que ce soit également une réalité.


Les indemnités de licenciement

Lawrence Fish, président de Royal Bank of Scotland.

L’un des directeurs britanniques les mieux payés, bien qu’on le voie rarement au siège de la banque, M. Fish a reçu 6,6 millions livres (salaire, avantages et bonus) en 2006. Il a quitté cette banque croulant sous les dettes avec une pension de plus d’1 million de livres.

Sir Fred Goodwin, 50 ans, ancien Directeur Général de RBS.

Payé 4,2 millions de livres en 2007, dont 2,86 millions de bonus. Durant ces neuf années à la tête de la banque, Sir Fred a mené 26 acquisitions et gagné 30 millions de livres. Bien qu’il ait renoncé à une prime d’1,2 millions de livres, il dispose encore d’une enveloppe pour son départ à la retraite, d’un montant de 8,37 millions de livres.

Peter Cummings, ancien patron des prêts aux grandes entreprises à HBOS.

Dès 2007, il gagnait 2,6 millions de livres, dont 1,8 millions de bonus. En tant que chef du service dess prêts aux grandes sociétés, il avait la responsabilité d’un registre de prêts valant 109 milliards de livres. Cet homme de 52 ans a pris une retraite précoce le mois dernier.

John Varley, directeur général du groupe Barclays.

Il a refusé une subvention du gouvernement, en faveur d’une injection de 7 milliards de la part des rois du Qatar et d’Abou Dhabi, mais il est confronté aux critiques alors que les actions continuent de sombrer. M. Varley a été payé 2,42 millions de livres en 2007 et a touché un bonus de 1,425 millions de livres.

Bob Diamond, directeur général sortant de Barclays Capital Investment Bank

Cette banque d’investissement a connu une croissance explosive jusqu’à ce qu’elle prenne de plein fouet la crise US des subprime. En 2007, son bonus est tombé de 10,425 millions de livres à une prime relativement maigre de 6,5 millions de livres. Il a empoché 21,3 millions en bonis depuis 2005.

Michael Geoghegan, 50 ans, directeur général d’HSBC.

Il a pris la plus haute fonction de la banque en mars 2006 et il est connu comme le « banquier des banquiers » qui a gravi les échelons dans la branche moins clinquante de la banque de détail. Critiquée pour son conservatisme, HSBC est désormais considérée comme prudente. Il a reçu 2,955 millions de livres en 2007, plus 1,915 millions de livres de bonus.


Aperçu de l’étranger : Comment les autres pays s’occupent de cette question

Etats-Unis : le Président Barack Obama a limité les salaires à 500.000 dollars pour les banques subventionnées.

Norvège : Les directeurs de banques ont agi avant tout plafonnement imposé par le gouvernement, promettant de geler volontairement leurs salaires.

Pays-Bas : Le gouvernement a pris des mesures pour limiter les « parachutes dorés » à un an de salaire, pour les directeurs de banques et d’assurances qui partent et dont leur entreprise a reçu l’aide du gouvernement.

France : Le Président Nicolas Sarkozy a interdit les bonis pour les directeurs des banques qui ont été subventionnées par l’Etat à hauteur de 9,2 milliards d’euros. Les directeurs du fabriquant automobile Renault SA ont fait la même chose.

Allemagne : Le gouvernement a plafonné les salaires annuels à 500.000 euros et interdit les versements des bonis et des dividendes aux cadres supérieurs dans les banques qui ont pris des subventions du gouvernement. Deutsche Bank réduira la semaine prochaine de 60% les primes des banquiers d’investissement et autres.

Suisse : Les banques annonceront des réductions des primes jusqu’à 80%, lorsqu’elles publieront leurs résultats 2008 cette semaine.

Danemark : Danske Bank a supprimé les bonis des membres de son conseil de direction et sévèrement réduit ceux du personnel.

Royaume-Uni : Restrictions sur les salaires à la Royal Bank of Scotland, à présent détenue à 68% par le gouvernement, et à Lloyds Banking Group, détenu à 43% par le public. Aucune restriction officielle sur les primes et les salaires pour les banquiers juniors de ces deux sociétés.

Israël : La Banque d’Israël publiera des directives sur les bonis ou les salaires d’ici à la fin du mois.

Corée du Sud : Les dirigeants réduisent volontairement leurs salaires et leurs primes. Aucune restriction gouvernementale n’a été imposée.

Russie : Le plafonnement des salaires pour les dirigeants est en discussion.


Traduit de l'anglais par [JFG-QuestionsCritiques]