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actions pourries

Séisme de forte amplitude en vue à la Bourse de Paris ?

par Philippe-Justin Schneider

Correspondant économique de Questions Critiques
le 13 mars 2011

A la suite du scandale des actions pourries « Initiatives & Développement », 200 petits-porteurs et cinq fonds d’investissements lancent une « class action » contre la Place financière de Paris.

Rebaptisée LOYALTOUCH en décembre 2009, cette société, qui a déposé le bilan fin 2010, était cotée en Bourse depuis 2006. Elle avait levé plus de 80 millions d’euros sur le marché NYSE-Alternext et présentait de solides résultats et des prévisions mirobolantes, que sa communication financière a mis en avant pendant plusieurs années, appuyée par des analystes majeurs de la Place Financière, et provoquant l’engouement des investisseurs. Cette valeur a fait partie, en 2008, 2009 – et jusqu’au début 2010 – des titres les plus recommandés par ces mêmes analystes. Elle laissera derrière elle une ardoise de plus de 100 millions d’euros, près de 500 employés sur le carreau et deux mille petits-porteurs ruinés et désemparés.

Il apparaît aujourd’hui qu’un système sophistiqué de fausses factures, de croissance externe effrénée, de fuite de capitaux vers des paradis fiscaux et, surtout, une défaillance en cascade des professionnels chargés du contrôle sont au cœur de cette débâcle financière.

« Comment expliquer que les Commissaires aux comptes n’aient pas réagi dès qu’ils ont eu connaissance de ces opérations douteuses ? » s’interroge Jean-François GOULON, le Président du GAAPP, association qui regroupe les victimes de cette escroquerie.

« Alors qu’ils savaient dès fin 2008 que la situation financière de l’entreprise était devenue très critique, pourquoi les commissaires aux comptes ont-ils attendu le 6 août 2010 pour lancer l’alerte ? » poursuit l’avocat de ce groupe de défense, Maître Hervé BROSSEAU, qui ajoute : « Les comptes audités de 2007 n’ont jamais été déposés au Greffe, les comptes 2008 – contestables – ont été certifiés avec deux mois de retard, et les comptes 2009 n’ont jamais été audités. On se demande alors comment Euronext ait pu laisser coter une telle entreprise sur Alternext. »

« Ce qui est assourdissant », explique Me Hervé Brosseau, « c’est que personne n’ait rien vu ! Il s’agissait d’une société cotée à la Bourse de Paris, bénéficiant d’excellentes appréciations ! Aujourd’hui les dirigeants sont partis à l’étranger et ceux qui restent sont insolvables. Nous allons donc demander des comptes à l’ensemble de la Place Financière », précise Maître Brosseau, « et mettre au jour les failles qui ont pu faire qu’une telle escroquerie ait pu prospérer au nez et à la barbe des gendarmes de la Bourse. »

« C’est l’ensemble de la chaîne prudentielle qui a été défaillante », ajoute M. Aubry De Koster, vice-président du GAAPP et représentant les actionnaires belges, qui conclut : « Les épargnants français et belges iront jusqu'au bout pour que la Place financière rende des comptes ! »

Les Commissaires aux comptes, le cabinet MAZARS qui est intervenu à très mauvais escient dans l’affaire, mais également EUROLAND FINANCE, le « listing sponsor » de LOYALTOUCH, ainsi que la société NYSE EURONEXT, entreprise de marché agréée gérant à Paris NYSE ALTERNEXT, sont assignés au TGI de Paris pour une audience préliminaire qui se déroulera le 25 mars prochain.

C’est la première fois qu’une telle démarche est engagée, et que la Bourse de Paris se trouve ainsi mise sur la sellette et qu’elle aura à rendre des comptes. Un exercice dont elle n’a pas l’habitude, intervenant au moment du rapprochement de l’opérateur parisien avec la Deutsche Börse, et auquel cette dernière risque donc de ne se livrer qu’à contre-cœur.

Me Brosseau poursuit : « Nous souhaitons, bien entendu, obtenir des indemnités substantielles, puisque le préjudice des actionnaires que je représente s’élève à plus de 22 millions d’euros. Mais au-delà, nous voulons attirer l’attention des pouvoirs publics sur la dangerosité d’ALTERNEXT, en l’état des textes applicables en France, qui permettent à un épargnant connecté à internet, d’investir en bourse sur des titres cotés mais, sans le savoir, souvent très hautement risqués et toxiques ».

« Nous mettrons en cause la dangerosité des sites de bourse en ligne, dont certains ne respectent même pas les quelques règles qui leur sont applicables pour protéger les épargnants », poursuit le Président GAAPP.

« Un certain nombre d’intermédiaires financiers, Banques internationales ou Sociétés de Bourses réputées, sont également impliquées dans ce scandale, et nous ne les épargnerons pas », conclut l’Avocat.

De son côté, Maître Gérard MICHEL tirera les premières leçons de ce scandale, et lancera un appel aux pouvoirs publics pour qu’intervienne rapidement un projet de Loi visant à la protection de l’épargne.

Philippe-Justin Schneider
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Liens :

- CanalZ : "Le Journal du 10/11/2011 - deuxième sujet : Le GAAPP lance l'affaire Loyaltouch"

- Plainte de Belges contre Euronext, Pierre-Henri Thomas, Le Soir, 11 mars 2011.

- Des actionnaires en quête de loyauté, wansquare.com, 11 mars 2011.

- Euronext cité en Justice à Paris, Luc Van Driessche, L'Echo, 10 mars 2010

- Petits porteurs en front commun, L'Echo, 10 mars 2010