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Fusion Suez/GdF

On ne me fera jamais croire que la fusion Suez-GDF
est réalisée pour le bien de GDF !

par Philippe-Justin Schneider

Correspondant économique de Questions Critiques
le 29 Août 2006

Pour compléter nos précédents propos, il semble qu'enfin, les experts en énergie de nos politiques aient eu droit à la parole (voir la Presse de ce jour). Néanmoins, l'usage qu'en fait notre cher ministre Thierry Breton (ou les journalistes qui utilisent ses propos, laissons à tous le bénéfice du doute) semble plus ou moins relever de l'enfumage !!! Il semble que ses conseillers lui aient bien expliqué le problème de la production et que, après analyse du fait que l'Etat n'a pas les moyens d'investir massivement dans les champs de gaz, il conclut correctement à la nécessité d'adosser GDF à un Groupe. Néanmoins, on est dans la plus basse politique lorsqu'on tente de nous faire oublier que la fusion Suez-GDF n'est pas faite initialement pour sauver GDF, mais pour sauver Suez du démantèlement que lui promettait Enel !!! L'argument du Ministre selon lequel le futur Groupe Suez-GDF présente des capitaux importants qui lui permettront d'investir est réel, mais Suez, comme GDF, est un groupe de services. Quelqu'un croit-il réellement qu'ils vont se transformer en industriels, alors que leurs investissements actuels dans le tertiaire sont plus que fructueux ? La preuve, c'est qu'on nous parle de diversifier les achats pour ne plus s'arrêter à l'Ukraine !!! Or la maîtrise stratégique de l'énergie repose, comme nous l'avons vu, sur la maîtrise de la production. Comme il n'existe pas de champs gaziers suffisants en France, que l'on pourrait maîtriser via l'outil régulé de distribution (1), il va bien falloir trouver de vrais investisseurs industriels : les purs et dur de l'E/P (exploration / production) qui estiment que c'est le seul métier noble en matière d'énergie (tout le monde à compris de qui je voulais parler, mais s'il faut mettre les points sur les i, il s'agit bien sûr de notre champion national Total). Mais pourquoi Total se lancerait dans une telle galère ? On en arrive au boulot des politiques qui veulent assurer l'indépendance énergétique : négociation, pression, contreparties, le BA BA quoi ...

En tout cas, on ne me fera jamais croire que la fusion GDF-Suez :

1- est réalisée pour le bien de GDF - à moins que l'on parle de son patron qui, en quelques mois, passera de simple conseiller politique à numéro 2 du groupe GDF-Suez (M. Gadonneix n'aurait jamais accepté, mais il est vrai qu'il n'avait que peu d'atomes crochus avec M. Mestrallet)

2- a un fondement, si l'on veut parler d'indépendance énergétique (si l'on ne parle que de profits d'un groupe tertiaire, j'achète des actions sans hésiter). La "golden share" aura d'autant plus de mal à passer !!!

(1) : on traite aujourd'hui du cas GDF, mais on pourrait aussi parler d'EDF. EDF est un producteur d'électricité sur le territoire, qui plus est à coûts très faibles (merci à la politique nucléaire qui nous affranchit des énergies fossiles). On pourrait donc dire qu'il faut absolument garder EDF dans le giron public. Et bien non ! Pourquoi ? Parce que les faiseurs de lois qui ont créé la CRE sont de vrais génies !? Le domaine régulé comprenant la distribution et le réseau de transport (géré par RTE), que fera EDF (même détenu par nos pires ennemis) si l'Etat lui interdit d'envoyer son électricité sur le réseau ? Il perdra des fortunes tous les jours !! Quand bien même les actionnaires d'EDF se moqueraient de leurs pertes, une petite action combinée Beauveau - Saint Dominique (à la bolivienne) mettrait rapidement de l'ordre dans nos affaires.

En conclusion, dans tout cela il faut se garder de paniquer et surtout considérer les vrais enjeux : contrôle accru et effectif de l'Etat sur les opérateurs et gestionnaires de réseau. A la moindre incartade ... Au revoir ... Certes, ce n'est pas simple quand les salariés de ces gestionnaires et opérateurs sont sous statut garanti par l'Etat. Encore un autre problème. Nous l'aborderons lors de notre prochaine causerie.

Philippe-Justin Schneider