Crise financière
A quel point est-ce grave ?
Reportage de Simon Birritteri
article original : "How bad is it?"
Independent, mardi 18 mars 2008Alors que les marchés mondiaux vont en titubant d'une calamité à une autre, personne n'a de certitude sur la fin de cette tourmente. 15 personnalités de premier plan du monde de la finance et de l'économie proposent leurs analyses sur cette crise qui va en s'aggravant.
"Allez!... A quel point les choses peuvent-être pires?..."
© 2008 Dave Brown - The Independent - 18/03/2008Alan Greenspan, ancien président de la réserve fédérale des Etats-Unis
"Le système actuel d'évaluation du risque financier sera particulièrement touché. Il finira par se planter et une réalité dérangeante sera dévoilée … Il est important, vraiment crucial, que toute réforme dans … la structure des marchés et dans la régulation n'entrave pas nos … garanties contre les défaillances économiques cumulatives : la flexibilité du marché et la concurrence ouverte".Robert Rubin, ancien ministre des finances des Etats-Unis
"Je crois que les risques sont suffisamment sérieux pour appeler à une action supplémentaire d'importance dans le secteur des crédits hypothécaires, en supposant que des mesures puissent être adoptées et qui, une fois pesés les avantages et les inconvénients, soient judicieuses. En ce qui concerne le risque économique … j'ai été dans les marchés financiers pendant longtemps et je crois que nous sommes en terrain inconnu".Lawrence Summers, ancien ministre des finances des Etats-Unis
"Les sérieux problèmes financiers et une crise majeure du crédit constituent la maladie sous-jacente. Cela veut dire qu'il faut faire quelque chose à propos du crédit hypothécaire. Cela veut dire injecter du capital dans les institutions financières. C'est une quasi-certitude que [les Etats-Unis] sont en récession et il y a un risque réel que celle-ci puisse être sévère sans une action politique forte".Alan Blinder, ancien conseiller économique du Président Clinton
"La Fed a joué à l'équivalent de Whac-A-Mole[1] [cogner sur les problèmes au fur et à mesure qu'ils surgissent] alors que la tourmente financière continue de surgir à des endroits inattendus - pourtant, un grand nombre de problèmes lui sont hors d'atteinte. Il reste à voir si nous aurons une récession technique. Même si ce n'est pas le cas, nous allons rester scotchés à des taux de croissance vraiment minuscules".Terry Smith, directeur général de Tullett Prebon
J'ai travaillé dans la finance pendant 34 ans, à la City et partout dans le monde, et je n'ai jamais vu quelque chose de semblable. Je ne pense pas que qui que ce soit encore en vie ait vu des événements de cette gravité et de cette ampleur affectant les marchés … Ce ne sont pas les taux d'intérêt élevés qui ont causé ce problème et les baisser ne le règlera donc pas. Il est difficile de voir exactement de quels outils disposent vraiment les autorités".Vince Cable, porte-parole du ministère des finances, Démocrate Libéral
"Plus longtemps la crise du crédit s'accroche aux marchés monétaires, plus il est probable que nous observerons des faillites bancaires et plus les répercussions sur l'économie au sens large seront plus graves. A présent, le véritable danger est que des coûts d'emprunt plus élevés tombant sur les consommateurs et les entreprises causent un ralentissement encore plus rapide de la croissance que ce qu'il est actuellement prévu".George Magnus, conseiller économique senior chez UBS
"A quel point l'industrie financière est-elle proche de reconnaître le montant complet de ses pertes ? Je serais surpris que nous ayons déjà fait plus du tiers du chemin. Une fois que cela prendra de la vitesse, ce sera difficile à arrêter. Les implications économiques sont bien pires que ce que les gens pensent et les solutions politiques beaucoup plus radicales".Richard Bernstein, stratégiste étasunien chez Merrill Lynch
"La disparition de Bear Stearns devrait être vue comme la première de beaucoup d'autres. Les actifs restent surévalués, la vitesse des gains est faible et le sentiment général est de saisir l'étendue et la gravité de cette bulle du crédit. Dans le cycle 1989-1991, environ 25% des sociétés du secteur financier ont disparu, par fusions, acquisitions ou faillites".Stephen Lewis, économiste chez Insinger de Beaufort
"Un grand nombre des plus gros opérateurs de Bourse dans le secteur du crédit ont été gravement touchés et cela a réduit sévèrement leur capacité à prendre des risques, toutes les sortes de risques. Le capital s'est considérablement raréfié parce qu'une si grosse partie s'en est allée financer les provisions pour pertes. Les gestionnaires répugnent fortement à prendre n'importe quelle position sur le marché qui pourrait aller dans le mauvais sens et balayer un peu plus leur capital".Nouriel Roubini, Professeur d'économie à la Stern Business School
"Nous avons affaire au changement le plus radical et à l'extension la plus spectaculaire des pouvoirs et des fonctions de la Fed depuis la Grande Dépression : essentiellement, elle peut à présent prêter des sommes illimitées à des institutions non-bancaires qui exercent de très forts leviers et qu'elle ne régule pas. [En faisant ceci] … la Fed prend de sérieux risques financiers".Julian Jessop, économiste international en chef chez Capital Economics
"[Les mesures ^rises par la Réserve Fédérale des Etats-Unis soulignent] à la fois la gravité de la crise financière et la détermination de la Fed à retirer tous les freins pour empêcher que cela ne devienne encore pire. L'aspect le plus préoccupant est que la Fed a senti qu'elle ne pouvait pas attendre jusqu'à sa réunion programmée pour demain".Tim Steer, gestionnaire de fonds chez New Star Asset
"Il est temps pour les banques de regarder la réalité en face. Cette crise a été créée par le secteur bancaire et il est plus que temps que les banques fassent face à leurs responsabilités conjointes, qu'elles retrouvent collectivement leurs esprits et qu'elles trouvent une solution pour en sortir. Les baguettes magiques, comme celle qu'agite Bernanke, sont bien gentilles, mais elles n'apportent pas de solution durable".Melanie Mitchley, directrice de Callcredit
"Ceci devrait être le signal du réveil des consommateurs. Les gens doivent commencer à réfléchir sur la façon dont la réalité de la crise du crédit va affecter leur propre situation financière … Un quart des consommateurs britanniques sont devenus plus concernés par leurs finances et la confiance a été ébranlée. Les consommateurs doivent passer de l'attitude 'acheter maintenant, payer plus tard' à la mentalité 'épargner maintenant, acheter plus tard'."Stephen King, Directeur Général économie chez HSBC
"C'est comme si les investisseurs financiers ne comptaient pratiquement plus sur l'Amérique. Au début des années 2000, ils ont accordé à l'économie des Etats-Unis le bénéfice du doute, remplaçant les actions par des investissements dans de nouveaux titres adossés aux crédits hypothécaires. Ceux-ci n'étaient en fin de compte rien de plus que des prêts sur un marché immobilier résidentiel qui s'est retrouvé réduit en poussière".Philip Shaw, chef économiste chez Investec
"Les actions de la Banque d'Angleterre mettent en lumière l'étendue de la vulnérabilité du Royaume-Uni par rapport à la désorganisation des marchés du crédit. On pense que si les mesures techniques, prisent pour réintroduire des liquidités dans les marchés, échouent, la Commission de Politique Monétaire pourrait réduire son taux directeur de façon plus agressive".Traduit de l'anglais (États-Unis) par [JFG-QuestionsCritiques] Note :
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[1] Jeu inventé aux Etats-Unis dans les années 70, consistant à assommer des petites taupes en plastique qui sortent de leurs trous.