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Darfour

Oubliez le génocide, il y a du pétrole !

par F William Engdahl

25 mai 2007, Asia Times Online
article original : "Darfur: Forget genocide, there's oil"

Pour paraphraser le célèbre trait d'esprit, lors des débats présidentiels étasuniens de 1992, lorsqu'un inconnu, William Jefferson Clinton, dit au président d'alors, George Herbert Walker Bush, "C'est l'économie, idiot !", la préoccupation actuelle de l'administration Bush au Darfour (sud du Soudan), n'est pas, à y regarder de près, une préoccupation sincère du génocide contre les peuples de cette partie on ne peut plus pauvre d'un coin abandonné d'Afrique.

Non. "C'est le pétrole, idiot !"

Le cas du Darfour, partie inhospitalière d'un véritable domaine desséché par le soleil située dans la partie sud du Soudan, illustre la nouvelle Guerre Froide qui se livre pour le pétrole. L'ascension spectaculaire de la demande de pétrole chinoise, pour alimenter sa croissance qui explose, a conduit Pékin à s'embarquer — de façon ironique — dans une politique agressive de diplomatie du dollar. Fort de ses plus de 1.200 milliards de dollars (930 milliards d'euros), placés essentiellement en réserves de dollars à la Banque Populaire de Chine, le gouvernement chinois s'engage dans une géopolitique pétrolière active. L'Afrique est un centre d'intérêt majeur et, en Afrique, la région centrale située entre le Soudan et le Tchad est une priorité.

Depuis l'invasion de l'Irak par les Etats-Unis en 2003, voici le front majeur qui s'est ouvert dans cette nouvelle Guerre Froide que se livrent Washington et Pékin pour le contrôle des ressources pétrolières capitales. Jusqu'à présent, Pékin a joué ses cartes un peu plus intelligemment que Washington. Le Darfour est un des principaux champs de bataille dans cette compétition, dont l'enjeu est élevé, pour le contrôle du pétrole.

La diplomatie pétrolière de la Chine

Ces derniers mois, Pékin s'est lancé dans une série d'initiatives destinées à garantir des sources d'approvisionnement à long terme de matières premières dans l'une des régions de la planète la plus subventionnée — l'Afrique sub-saharienne. Aucune autre matière première que le pétrole ne revêt aujourd'hui pour Pékin une plus grande priorité.

La Chine tire environ 30% de son pétrole brut de l'Afrique. Voilà pourquoi les Chinois se sont lancés dans une série extraordinaire d'initiatives diplomatiques qui ont rendu les Américains furieux. La Chine se sert de crédits en dollars sans conditions pour obtenir l'accès à la vaste richesse en matières premières de l'Afrique, laissant sur le carreau le jeu de contrôle habituel des Américains, qu'ils exercent à travers la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI). Qui a besoin des remèdes douloureux du FMI lorsque la Chine offre des conditions avantageuses et construit, par-dessus le marché, des routes et des écoles ?

En novembre dernier, Pékin a accueilli un sommet extraordinaire de 40 chefs d'Etat africains. Les Chinois ont littéralement déroulé le tapis rouge pour les dirigeants, entre autres, de l'Algérie, du Nigeria, du Mali, de l'Angola, de la République Centrafricaine, de la Zambie et de l'Afrique du Sud.

La Chine vient juste de passer un accord pétrolier qui la lie avec deux des plus grands pays du continent, le Nigeria et l'Afrique du Sud. La China National Offshore Oil Corporation (CNOOC) extraira du pétrole au Nigeria, à travers d'un consortium incluant aussi la South African Petroleum Co. Cela donnera accès à la Chine à ce qui pourrait s'élever à 175.000 barils par jour d'ici 2008. Un accord à 2,27 milliards de dollars donne à la CNOOC, compagnie d'Etat, 45% d'un vaste champ de pétrole au large du Nigeria. Auparavant, Washington considérait le Nigeria comme un actif des majors pétrolières anglo-américaines, ExxonMobil, Shell et Chevron.

La Chine a été généreuse dans sa distribution de prêts avantageux sans intérêts ou de subventions pures et simples à quelques-uns des Etats débiteurs les plus pauvres d'Afrique. Ces prêts sont allés dans les infrastructures, y compris autoroutes, hôpitaux et écoles — contraste saisissant avec les exigences austères et brutales du FMI et de la Banque Mondiale. En 2006, la Chine a engagé plus de 8 milliards de dollars au Nigeria, en Angola et au Mozambique, contre 2,3 milliards de dollars à toute l'Afrique sub-saharienne pour la Banque Mondiale. Le Ghana est en train de négocier un prêt chinois de 1,2 milliards de dollars pour son électrification. Contrairement à la Banque Mondiale — arme de fait de la politique économique étrangère des Etats-Unis — la Chine n'attache aucune condition à ses prêts.

Cette diplomatie chinoise liée au pétrole a conduit Washington à accuser bizarrement Pékin d'essayer de "garantir le pétrole à la source", une chose dont s'est préoccupée pendant au moins un siècle la politique étrangère américaine. Aucune autre source de pétrole n'a été plus au centre du conflit pétrolier sino-américain, ces derniers temps, que le Soudan, la patrie du Darfour.

Les richesses pétrolières du Soudan

La China National Petroleum Company (CNPC) de Pékin est le plus gros investisseur étranger au Soudan, avec quelques 5 milliards de dollars dans le développement de champs pétroliers. Depuis 1999, la Chine a investi au moins 15 milliards de dollars au Soudan. Elle possède 50% d'une raffinerie de pétrole, près de Khartoum, en partage avec le gouvernement soudanais. Les champs de pétrole sont concentrés dans le Sud, localisation d'une guerre civile qui couvait depuis longtemps et en partie financée secrètement par les Etats-Unis pour couper le sud du nord islamique, dont le centre se trouve à Khartoum.

La CNPC a construit un oléoduc qui relie le sud du Soudan à un nouveau terminal à Port Soudan sur la Mer Rouge, où le pétrole est chargé dans des tankers à destination de la Chine. Huit pour-cent du pétrole chinois provient désormais du sud du Soudan. La Chine prend 65 à 80% de la production soudanaise qui s'élève à 500.000 barils/jour. L'année dernière, le Soudan était la quatrième source de pétrole étranger de la Chine.

En 2006, la Chine a dépassé le Japon pour devenir le deuxième plus gros importateur de pétrole après les Etats-Unis, important 6,5 millions de barils d'or noir par jour. Avec sa demande de pétrole qui croît de 30% par an, selon les estimations, la Chine dépassera les Etats-Unis dans quelques années pour la demande de pétrole importé. Cette réalité est le moteur de la politique étrangère de Pékin en Afrique.

Si l'on jète un œil sur les concessions de pétrole au Sud-Soudan, on voit que la compagnie pétrolière chinoise, la CNPC, détient des droits sur le bloc 6, qui enjambe le Darfour, près de la frontière avec le Tchad et la République Centrafricaine. En avril 2005, le gouvernement soudanais a annoncé qu'il avait trouvé du pétrole au sud du Darfour, estimé à 500.000 barils/jour après l'aménagement des installations. La presse mondiale a oublié de rapporter ce fait essentiel dans ses analyses sur le conflit au Darfour.

Manœuvres pour militariser la région pétrolière du Soudan

Le génocide était le thème préféré et Washington en a été le chef d'orchestre. Curieusement, alors que tous les observateurs reconnaissent que le Darfour a été le théâtre d'un vaste déplacement de population et que la souffrance humaine y est terrible, avec des dizaines de milliers de victimes, voire jusqu'à 300.000 morts ces dernières années, seuls Washington et les ONG proches du pouvoir américain utilisent le terme chargé de "génocide" pour dépeindre le Darfour. S'ils arrivent à faire accepter cette accusation de génocide par le grand public, alors cela ouvrira la possibilité d'une intervention radicale de "changement de régime" par l'Otan — comprendre Washington — dans les affaires de souveraineté du Soudan.

Le thème du génocide est utilisé avec le soutien total de Hollywood, notamment par des gens comme George Clooney, afin d'orchestrer cette accusation pour une occupation de fait de la région par l'Otan. Il n'est pas surprenant que, jusqu'à présent, le gouvernement soudanais l'ait nié.

Le gouvernement étasunien utilise régulièrement le mot de "génocide" pour parler du Darfour. C'est le seul gouvernement à le faire. La Secrétaire d'Etat Adjointe, Ellen Sauerbrey, chef du Bureau de la Population, des Réfugiés et de l'Immigration, a déclaré dans une interview en ligne sur USINFO le 17 novembre dernier : "Le génocide en cours au Darfour — une violation flagrante des droits de l'homme — fait partie des préoccupations internationales majeures des Etats-Unis." L'administration Bush insiste toujours pour dire que le génocide se déroule depuis 2003 au Darfour, malgré le fait qu'en 2004 une mission de cinq personnes des Nations-Unies, conduite par le juge italien Antonio Cassese, ait rapporté qu'il n'y avait pas de génocide en cours au Darfour, mais de graves violations des droits de l'homme. Ils ont réclamé un procès pour juger des crimes de guerre.

Marchands de mort

Les Etats-Unis, agissant par l'entremise d'alliés se substituant à eux, au Tchad et dans les Etats voisins, ont formé et armé l'Armée Populaire de Libération du Soudan, dirigée jusqu'à sa mort en juillet 2005 par John Garang, formé à l'école des Forces Spéciales Américaines à Fort Benning, en Georgie.

En déversant des armes, d'abord dans le sud-est du Soudan et, depuis la découverte de pétrole au Darfour, dans cette région aussi, Washington a alimenté le conflit qui a fait des dizaines de milliers de morts et conduit plusieurs millions de personnes à quitter leurs maisons. L'Erythrée accueille et soutient l'Armée Populaire de Libération du Soudan (APLS), le groupe d'opposition collectif AND [Alliance Nationale Démocratique] et les rebelles du Front de l'Est et du Darfour.

Il y a deux groupes rebelles qui combattent dans la région soudanaise du Darfour contre le gouvernement central du Président Omar al-Bashir — Le Mouvement de la Justice pour l'Egalité et l'Armée de Libération du Soudan (ALS), plus importante.

En février 2003, l'ALS a lancé des attaques contre des positions du gouvernement soudanais dans la région du Darfour. Le secrétaire-général de l'ALS, Minni Arkou Minaoui, a appelé à la lutte armée, accusant le gouvernement de se désintéresser du Darfour. "L'objectif de l'ALS est de créer un Soudan uni et démocratique." Autrement dit, le changement de régime au Soudan.


Minni Arkou Minaoui et George W. Bush en juillet 2006

Le Sénat américain a adopté une résolution en février 2006 demandant l'envoi de troupes de l'Otan au Darfour, ainsi qu'une force des Nations-Unies de maintien de la paix plus étoffée, dotée d'un mandat solide. Un mois plus tard, le Président George W. Bush réclamait aussi des forces additionnelles de l'Otan pour le Darfour. Génocide ? Ou pétrole?

Le Pentagone a été fort occupé à entraîner des officiers militaires africains aux Etats-Unis, tout comme il avait entraîné des officiers latino-américains pendant des dizaines d'années. Son programme International d'Education Militaire et d'Entraînement a prodigué l'entraînement d'officiers militaires, venant du Tchad, d'Ethiopie, d'Erythrée, du Cameroun et de République Centrafricaine.

Une grande partie des armes qui ont alimenté la tuerie au Darfour et au sud ont été introduites par des "marchands de mort" privés, troubles et protégés. Parmi ceux-ci, le célèbre ex-agent du KGB, Victor Bout, dont les bureaux se trouvent désormais aux Etats-Unis et qui a été cité à plusieurs reprises ces dernières années pour vente d'armes dans toute l'Afrique. Les responsables du gouvernement américain le laissent étrangement faire ses opérations au Texas et en Floride, bien qu'il soit recherché par Interpol pour blanchiment d'argent.

L'aide américaine au développement pour l'ensemble de l'Afrique sub-saharienne, qui inclut le Tchad, a été sévèrement réduite ces dernières années, tandis que l'aide militaire américaine a augmenté. Le pétrole et la course aux matières premières stratégiques en est la raison claire. La région du Sud-Soudan, depuis le Haut Nil jusqu'à la frontière tchadienne, est riche en pétrole. Washington le savait longtemps avant le gouvernement soudanais.

Le projet pétrolier de Chevron de 1974

Les majors pétrolières américaines connaissaient la richesse pétrolière du Soudan depuis le début des années 70. En 1979, Gaafar Mohammed Nimeiry, alors le chef d'Etat soudanais, a rompu avec les Soviétiques et invité Chevron à développer l'industrie pétrolière du pays. Cela fut peut-être une erreur fatale. L'Ambassadeur américain George H W Bush avait parlé personnellement à Nimeiry de photos satellites montrant qu'il y avait du pétrole au Soudan. Nimeiry mordit à l'hameçon. Les guerres pour le pétrole qui ont suivi depuis en sont la conséquence.

Chevron a découvert de grandes réserves de pétrole dans le sud du Soudan. La compagnie a dépensé 1,2 milliards de dollars pour la prospection et l'évaluation. Ce pétrole a déclenché en 1983 ce que l'on appelle la deuxième guerre civile du Soudan. Chevron fut la cible d'attaques et d'assassinats répétés et suspendit ce projet en 1984. En 1992, la société vendit les concessions pétrolières qu'elle détenait au Soudan. Ensuite la Chine a commencé à aménager les champs de pétrole abandonnés par Chevron en 1999, avec des résultats remarquables.

Mais, aujourd'hui, Chevron n'est pas loin du Darfour.

La politique pétrolière tchadienne et les pipelines

La société Chevron de Condoleeza Rice se trouve au Tchad voisin, en compagnie de l'autre géant pétrolier étasunien ExxonMobil. Ils viennent juste de construire un oléoduc de 3,7 milliards de dollars, qui transporte 160.000 barils par jour depuis Doba, au centre du Tchad, près du Darfour, vers Kribo, sur l'Océan Atlantique, en traversant le Cameroun. Ce pétrole est destiné aux raffineries américaines.

Pour y parvenir, ils ont travaillé avec le "Président à vie" tchadien, Idriss Deby, un despote corrompu qui a été accusé d'alimenter les rebelles au Darfour avec des armes fournies par les Etats-Unis. Deby a rejoint l'Initiative Pan Sahel de Washington, dirigée par le Commandement euro-américain du Pentagone, pour former ses troupes au combat contre le "terrorisme islamique".

Les Etats-Unis lui apportant aide militaire, entraînement et armes, Deby lança en 2004 la frappe initiale qui déclencha le conflit au Darfour. Il s'est servi de membres d'élite de sa Garde Présidentielle, qui est arrivée de la province, leur fournissant des véhicules tous-terrains, des armes et des canons anti-aériens, pour aider les rebelles à combattre le gouvernement de Khartoum au sud-ouest du Soudan. En fait, c'est le soutien militaire que les Américains ont apporté à Deby qui a déclenché le bain de sang au Darfour. Khartoum a réagi et la débâcle qui a suivi s'est tragiquement déchaînée de toutes ses forces.

Les ONG soutenues par Washington et le gouvernement américain défendent la thèse d'un génocide, non prouvé, comme prétexte pour faire venir dans les champs de pétrole du Darfour et du Sud-Soudan des troupes ONU/Otan et, potentiellement, pour s'emparer des nouvelles sources pétrolières de la Chine.

Les objectifs militaires au Darfour — et dans la Corne de l'Afrique au sens large — sont servis à l'heure actuelle par le soutien américain et de l'Otan au Darfour aux troupes de l'Union Africaine (UA). Là-bas, l'Otan apporte un soutien aérien et terrestre aux troupes de l'UA, classées "neutres" et de "maintien de la paix". Le Soudan est en guerre sur trois fronts : contre l'Ouganda, le Tchad et l'Ethiopie. Chacun de ces pays est doté d'une importante présence militaire américaine et des programmes militaires américains y sont en cours. La guerre au Soudan implique à la fois des opérations secrètes américaines et des factions "rebelles", entraînées par les Américains, qui arrivent du sud du Soudan, du Tchad, de l'Ethiopie et de l'Ouganda.

Le Tchadien Deby regarde aussi en direction de la Chine

L'achèvement du pipeline financé par les Etats-Unis et la Banque Mondiale, qui va du Tchad à la côte camerounaise, fait partie d'un programme américain beaucoup plus important destiné à contrôler les richesses pétrolières de l'Afrique Centrale, depuis le Soudan jusqu'à l'ensemble du Golfe de Guinée.

Mais le copain d'autrefois de Washington, le Tchadien Deby, a commencé à ne plus se satisfaire de sa petite part des profits pétroliers contrôlés par les Etats-Unis. Lorsque le parlement tchadien et lui-même décidèrent début 2006 de prendre une plus grosse partie des revenus pétroliers pour financer des opérations militaires et étoffer l'armée, le nouveau président de la Banque Mondiale — et architecte de la guerre d'Irak —, Paul Wolfowitz, a manœuvré pour suspendre les prêts à ce pays. Puis, en août de la même année, après avoir été réélu, Deby créa la propre compagnie pétrolière du Tchad, la Société des Hydrocarbures du Tchad (SHT), menaça d'expulser Chevron et le malais Petronas pour n'avoir pas payé les taxes dues et exigea une part de 60% du pipeline tchadien. A la fin, il s'est mis d'accord avec ces compagnies pétrolières, mais un vent de changement commençait à souffler.

Deby est aussi confronté à une opposition intérieure croissante de la part d'un groupe rebelle tchadien, le Front Uni pour le Changement, dont le sigle est F.U.C., qu'il prétend être financé secrètement par le Soudan. Le FUC a installé son siège au Darfour.

Au milieu de cette situation instable, Pékin s'est pointée au Tchad avec un coffre rempli d'argent humanitaire à la main. Fin janvier, le Président chinois Hu Jintao a notamment rendu visite au Soudan et au Cameroun, parmi d'autres Etats africains. En 2006, les dirigeants chinois ont visité pas moins de 48 Etats africains. En août 2006, Pékin a accueilli le ministre tchadien des affaires étrangères pour des pourparlers et le rétablissement des liens diplomatiques officiels, qui avaient été rompus en 1997. La Chine a commencé à importer du pétrole du Tchad, ainsi que du Soudan. Pas tant de pétrole que ça, mais si Pékin arrive à ses fins, cela pourrait bientôt changer.

En avril dernier, le ministre tchadien des affaires étrangères a annoncé que les pourparlers avec la Chine sur une plus grande participation chinoise dans la mise en valeur du pétrole tchadien "progressaient bien". Il a parlé des termes que les Chinois recherchent pour le développement du pétrole en disant que ce sont "des partenariats beaucoup plus équitables que ceux que nous avons l'habitude d'avoir".

L'ironie, c'est que la présence économique chinoise au Tchad pourrait être plus efficace pour calmer les combats et le déplacement des populations au Darfour que toute présence de soldats de l'UA ou de l'ONU. Pour certaines personnes à Washington et au siège de Chevron, cela ne serait pas bien accueilli, puisqu'ils n'obtiendraient pas ce pétrole.

Le Tchad et le Darfour ne sont que des parties du vaste effort de la Chine d'assurer "le pétrole à la source" dans toute l'Afrique. Le pétrole est aussi le tout premier élément de la politique africaine actuelle des Etats-Unis. L'intérêt de George W. Bush en Afrique inclut une nouvelle base américaine à Sao Tomé et Principe, à 200 km au large du Golfe de Guinée, à partir de laquelle il peut contrôler les champs de pétrole du Golfe de Guinée, depuis l'Angola au sud jusqu'à la République Démocratique du Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale, le Cameroun et le Nigeria. Il se trouve justement que ce sont exactement les mêmes zones où s'est concentrée la récente activité chinoise en matière de diplomatie et d'investissements.

"Pour nous, le pétrole de l'Afrique de l'Ouest est devenu un intérêt stratégique national", avait déclaré en 2002 le Secrétaire d'Etat adjoint pour l'Afrique, Walter Kansteiner. Le Darfour et le Tchad ne sont qu'une extension de la politique américaine en Irak "avec des moyens différents" — le contrôle du pétrole, partout. La Chine conteste "partout" ce contrôle, en particulier en Afrique. Cela équivaut à une nouvelle Guerre Froide pour le pétrole, non déclarée.

F William Engdahl est l'auteur de "A Century of War: Anglo-American Oil Politics", Pluto Press Ltd. Son prochain livre, "Seeds of Destruction : The Dark Side of Genetic engineering" sortira en juin chez Global Research Publishing.

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