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L'Europe face à la menace iranienne

par Olivier Guitta

17 janvier 2008, Asia Times Online
article original : "Europe faces up to Iranian threat"

Le Président des Etats-Unis, George W Bush, vient juste de terminer sa tournée de sept nations au Proche-Orient, où il a essayé de rassembler un soutien contre la menace iranienne. Il n'a pas besoin de s'envoler pour l'Europe pour convaincre certaines nations européennes de la gravité de cette menace. En fait, le rapport d'Evaluation Nationale des Renseignements (NIE) de décembre n'a pas changé quoi que soit dans l'affirmation de l'Europe sur le danger iranien, même s'il déclarait que l'Iran avait arrêté son programme d'armement nucléaire il y a des années.

Un fait qui n'est pas très connu montre la détermination de l'Europe vis-à-vis de l'Iran : l'Union Européenne est allée plus loin que ce que les deux résolutions des Nations-Unies contre l'Iran requièrent vraiment. Elle a sanctionné des entités et interdit certaines transactions supplémentaires.

Par exemple, les autorités néerlandaises ont dit à leurs universités et à leurs centres de recherche néerlandais d'être très prudents lorsqu'ils acceptent des étudiants iraniens, en particulier ceux qui étudient des sujets sensibles. L'Université de Twente vient juste de refuser l'admission à trois étudiants iraniens qui voulaient étudier les techniques nucléaires. Les Pays-Bas envisagent aussi à refuser l'admission de tout étudient venant d'Iran.

La position européenne stricte est pour le moins surprenante vu que d'énormes intérêts commerciaux sont en jeu. En fait, en 2006, l'UE était de loin le partenaire commercial le plus important de l'Iran, à 28% - devant la Chine, qui était à 12%. Il est intéressant de noter que la France est l'un de plus gros partenaires commerciaux de l'Iran. Et la France, sous la nouvelle administration de Nicolas Sarkozy, a pris le commandement sur la question nucléaire iranienne.

Comparé à son prédécesseur Jacques Chirac, Sarkozy a été plutôt énergique et constant dans ses déclarations concernant l'Iran. Il a maintes fois déclaré qu'il faut empêcher l'Iran d'obtenir la bombe nucléaire. Son Ministre des Affaires Etrangères Bernard Kouchner est allé jusqu'à dire que le monde devait se préparer à la guerre sur cette question. Sarkozy a aussi beaucoup poussé pour convaincre les pays européens d'adopter leurs propres sanctions contre l'Iran, qui a remarqué ce changement de sentiment de la part de certaines nations européennes et ne l'apprécie pas du tout.

En fait, le Président iranien Mahmoud Ahmadinejad a menacé le Président français Nicolas Sarkozy dans une lettre datant du 12 novembre. Selon des sources diplomatiques citées par le journal Le Monde, le ton de cette lettre était "hargneux" et elle contenait des "menaces voilées". En substance, le président iranien dit que la France et l'Iran ont des "relations historiques" et des "intérêts communs", en particulier au Liban, et que ce serait dommage de réduire cela à néant. Ahmadinejad est aussi énervé par la proposition française d'adopter des sanctions contre l'Iran au niveau de l'UE, c'est à dire hors des Nations-Unies.

Ahmadinejad a ajouté qu'une telle approche est vouée à l'échec parce que ni l'Allemagne, ni l'Italie ne s'y engageraient. Mais à la lumière des développements récents, l'analyse d'Ahmadinejad semble erronée. Les nouvelles provenant de Berlin sont réellement que l'administration d'Angela Merkel est prête à accepter de sanctionner l'Iran au niveau européen si une troisième vague de sanctions échouaient aux Nations-Unies, ce qui constitue une condition préalable.

Et c'est un changement. En fait, jusqu'à cette année, l'Allemagne était le plus gros partenaire commercial de l'Iran (à présent, c'est la Chine qui arrive en premier) et elle avait été réticente dans le passé à adopter une ligne dure contre le régime de Téhéran. Mais dans un signe clair de désengagement, les exportations allemandes vers l'Iran ont chuté de 16% en 2007 et les banques allemandes ont rompu de nombreux liens avec des clients iraniens.

Mais à la lumière de tout cela, l'Iran pourrait utiliser l'arme terroriste pour punir les nations européennes. Par exemple, la lettre d'Ahmadinejad était aussi une mise en garde faite aux soldats français présents dans le contingent de la Force Intérimaire des Nations-Unies au Sud-Liban [FINUL]. Il est aussi très probable que l'Iran pourra se servir de son mandataire, le Hezbollah, pour orchestrer une campagne de terreur en Europe ou contre des intérêts européens dans le monde entier, comme il l'avait fait en 1986 dans les rues de Paris.

Fin novembre, les autorités britanniques ont confirmé que certaines cellules dormantes du Hezbollah, disséminées au Royaume-Uni, menaçaient de frapper en cas d'attaques contre l'Iran. L'Iran a financé ces cellules du Hezbollah au début de son programme nucléaire, s'attendant à un conflit armé. Ces cellules n'attendent que les ordres de Téhéran pour frapper. Et l'Europe pourrait bien être la première cible.

Olivier Guitta, directeur-adjoint de la Fondation pour la Défense des Démocraties et consultant en affaires étrangères et en contre-terrorisme, est le fondateur de la lettre d'information Le Croissant.

(Copyright 2008 Olivier Guitta/traduction JFG-QuestionsCritiques )