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impasse nucléaire avec l'Iran

L’Iran franchement optimiste en vue
des prochains pourparlers nucléaires

Par Kaveh L. Afrasiabi
Asia Times Online, le 17 septembre 2009

article original : "Iran bullish ahead of nuclear talks"

Les Etats-Unis et leurs alliés occidentaux utilisent peut-être un langage inflexible en parlant de nouvelles « sanctions invalidantes » contre l’Iran, mais la réalité est que l’option « zéro sanction » semble prendre le dessus. Cela donne un sentiment de confiance renouvelé aux négociateurs iraniens, qui doivent rencontrer les représentants des nations du « Groupe des Six », début octobre, à Istanbul.

Il y a plusieurs raisons à cela, ce qui garantit que les décideurs politiques des pays du « Groupe des Six » (les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne, la Russie, la Chine et l’Allemagne), qui continuent d’accuser l’Iran de vouloir fabriquer des armes nucléaires, seront très attentifs.

D’abord, l’Iran soutient qu’il n’y a tout simplement aucune preuve pour corroborer cette accusation qui est portée contre lui. Mohammed ElBaradei, le directeur général sur le départ de l’AIEA, l’a confirmé dernièrement lors de la réunion générale de l’agence.

« Nous ne sommes pas en état de panique, parce que nous n’avons pas vu de détournement de matériel nucléaire en Iran. Nous n’avons pas vu de composants d’armes nucléaires », a-t-il déclaré. « Nous n’avons pas d’information à cet effet ».

Deuxièmement, en plus d’avoir accédé aux exigences de l’AIEA, mesures additionnelles de sauvegarde et de surveillance à l’installation d’enrichissement d'uranium de Natanz et d’inspection du réacteur à eau lourde d’Arak, l’Iran est maintenant parvenu à un « nouveau cadre pour la coopération » avec l’AIEA. Bien que les détails n’aient pas encore publiquement filtré, cela promet d’apaiser un peu plus la demande faite par l’AIEA à l’Iran de « se réengager » vis-à-vis de l’agence.

La troisième raison de l’optimisme relatif de l’Iran, qui a le sentiment de se rendre aux pourparlers d’Istanbul avec un bon dossier, est le cynisme de la communauté internationale mis récemment en évidence par l’authenticité des documents sur de présumés « études d’armement » iraniennes passées qui est contestée. En effet, ElBaradei a parlé de « fabrications » au sujet de ces documents et il a également comparé la question nucléaire de l’Iran avec le fiasco de l’invasion de l’Irak en 2003, qui était « basé sur la fiction » concernant les prétendues armes de destruction massive de Saddam Hussein.

A moins que les Etats-Unis et leurs alliés ne se présentent avec de nouvelles preuves, afin de donner de la consistance à leurs accusations contre l’Iran, leurs efforts apparents pour épingler sur l’Iran l’étiquette de proliférateur clandestin sont voués à tomber à l’eau. C’est particulièrement le cas puisque, jusqu’à maintenant, il n’y a aucune révision officielle de la part des Etats-Unis des conclusions de leur « intelligence estimate » de 2007 [NIE]. Selon ce NIE, l’Iran a stoppé son programme d’armes nucléaires en 2003, peu après la chute de son ennemi juré, Saddam, accusé à tort de poursuivre avec agressivité un programme nucléaire.

Quatrièmement, la confiance de l’Iran provient de son appui sur une stratégie de négociation à plusieurs facettes, reflétée dans son « ensemble de mesures » qui déclare que l’Iran est tout à fait prêt à coopérer sur les questions de « non-prolifération et de désarment », ainsi que sur les questions de sécurité régionale, d’énergie, de sécurité, culturelles et économiques.

L’avantage de cette approche globale est qu’elle s’accorde à tout engagement des Etats-Unis avec l’Iran sur une foule de questions qui lient les deux pays, comme le trafic de drogue et la sécurité dans la région. Ceci contredit l’affirmation de certains experts étasuniens selon laquelle le « but de l’engagement n’est pas l’amélioration des relations », pour paraphraser Chester Crocker, un ancien diplomate américain, qui, dans un article d’opinion paru dans le New York Times sous le titre « Les Termes de l’Engagement », oublie que le camp iranien peut également avoir ses propres idées sur l’engagement et qu’il faut être deux pour danser un tango diplomatique.

Les experts pensent que de telles recettes pour des négociations avec l’Iran pourraient étendre l’impasse nucléaire et diminuer la probabilité de progrès dans les pourparlers à venir.

Cinquièmement, il est de plus en plus clair que les Etats-Unis et leurs alliés ont besoin d’arriver avec un nouvel ensemble d’idées sur la question nucléaire. Des idées fraîches minimiseraient l’insistance sur l’option « zéro centrifuge » - qui a été mise en doute, entre autres, par Roger Cohen du New York Times, lequel a reconnu dans son dernier article :

Je ne peux pas imaginer un accord qui n’échangerait pas, à un moment ou un autre, l’enrichissement contrôlé sur le sol iranien contre l’insistance que l’Iran accepte les inspections vigoureuses du Protocole Additionnel de l’AIEA et une présence 24/24heures et 7/7jours. Le temps approche pour les Etats-Unis et leurs alliés d’abandonner l’objectif « enrichissement zéro » – ce n’est plus possible – et de se concentrer sur la manière d’exclure la militarisation, de limiter le niveau d’enrichissement et de s’assurer que l’Iran comprenne bien que le prix à payer pour la rupture de tout accord sera très élevé.

Cet avis correspond à celui que l’auteur de cet article a défendu pendant un certain nombre d’années, bien qu’avec une plus grande insistance sur la nécessité d’une négociation de « bonne foi » de la part des nations occidentales. Ceci, compte tenu des épisodes répétés dans le passé de la mauvaise foi démontrée par les négociateurs étasuniens et européens. Parmi eux, un diplomate britannique, John Sawers, qui a envoyé un courriel à ses collègues, les enjoignant de ré-interpréter la suspension « volontaire » iranienne de ses activités d’enrichissement comme étant obligatoire et permanente.

De telles révélations sur la diplomatie occidentale vis-à-vis de l’Iran ont prouvé que cette façon de faire était contre-productive. Il s’est avéré que ces manœuvres ont alimenté la détermination de l’Iran à mettre fin à sa suspension temporaire et à reprendre ses activités d’enrichissement, qui ont atteint désormais une dimension semi-industrielle.

Il y a également la question des six résolutions onusiennes sur l’Iran, qui ont appelé à la suspension de ses activités d’enrichissement et de retraitement. Au côté du fait que l’AIEA a confirmé à plusieurs reprises l’absence de toute activité de retraitement, les résolutions de l’ONU souffrent d’un manque total de dimensions temporelles.

Elles ne spécifient pas quelle devrait être la durée de la « suspension », en conséquence de quoi, théoriquement, l’Iran pourrait suspendre aujourd’hui [ses activités d’enrichissement] et les reprendre dans quelques semaines et affirmer sur le plan légal qu’il est en conformité avec le Conseil de Sécurité des Nations-Unies. La question est la suivante : quel est l’objectif d’une suspension temporaire, étant donné le fait qu’en vertu des articles du Traité de Non-Prolifération nucléaire (TNP) l’Iran a parfaitement le droit de posséder un cycle pacifique de carburant nucléaire ?

« Il n’y a aucun doute qu’une négociation basée sur les règles [internationales] se terminera en faveur de l’Iran », a déclaré Ali Khorram, un conseiller en politique étrangère à Téhéran, faisant allusion aux critères de l’AIEA et aux normes du TNP.

C’est un scénario cauchemardesque pour Israël, dont le représentant a exprimé sa « sérieuse préoccupation », lors de la dernière réunion de l’AIEA, concernant l’Iran et la Syrie et exigé que leur « violation [de] leurs obligations et de leurs engagements internationaux soient sanctionnés par des mesures internationales immédiates et concrètes ».

Par conséquent, il sera intéressant de voir sous quel angle Israël et ses supporters dans les capitales occidentales présenteront les pourparlers d’Istanbul à venir, alors qu’ils souhaitent présenter un front uni en faveur de sanctions sévères dans l’éventualité où ces pourparlers échoueraient. Jusqu’à maintenant, certaines nations européennes ont « revu leurs attentes à la baisse » en anticipation d’un manque de compromis de la part de l’Iran sur la question épineuse de l’enrichissement d’uranium. A son tour, cela soulève la question de comprendre pourquoi ces nations continuent de rejeter l’option d’une révision franche de leurs exigences et de l’adoption d’une option réaliste le long de la ligne sensée, exposée par Cohen ci-dessus.

Si les Etats-Unis et les autres nations du « groupe des six » acceptent de respecter le droit de l’Iran d’avoir un cycle pacifique de carburant nucléaire, sous un régime d’inspection rigoureux, alors la prochaine mesure logique serait d’effacer le régime de sanctions contre l’Iran et de nourrir l’option « zéro sanction ». De cette façon, les sanctions unilatérales et multilatérales seraient levées, comme résultat final d’un dialogue constructif avec l’Iran, en s’attaquant de front aux questions nucléaires et non-nucléaires qui préoccupent l’Occident.

En ce moment, cette option ne semble pas probable et il y a des chances que la voix des lobbyistes pro-israéliens à Washington soit plus forte que celle de l’administration, qui est plus modérée vis-à-vis de l’Iran. Néanmoins, durcir les sanctions contre l’Iran, lorsque ce pays accroît de façon importante sa coopération avec l’AIEA et qu’il n’y a pas de signe tangible d’activités de prolifération de la part de l’Iran, est de plus en plus difficile à vendre à la communauté internationale.

Et c’est encore un autre domaine où l’Iran se sent confiant, compte tenu du solide soutien exprimé par le Mouvement des Non-Alignés pour les activités nucléaires de l’Iran, lors de la dernière réunion de l’AIEA.

Il n’y a plus de consensus mondial sur la menace nucléaire iranienne ; et, des perceptions de double-langage et même d’hypocrisie ont émergé à propos des Etats militairement nucléarisés qui ne remplissent pas leurs propres obligations de désarmement. Ces mêmes puissances tirent la sonnette d’alarme sur la non-prolifération, au sujet des « Etats voyous ».

Copyright 2009 Asia Times Online Ltd/Traduction : JFG-QuestionsCritiques