accueil > archives > éditos


Analyse

La Chine recherche une aubaine avec la crise caucasienne

Par M K Bhadrakumar
Asia Times Online, le 19 août 2008

article original : "China seeks Caucasian crisis windfall"

Une convulsion politique de force 6 sur l'échelle de Richter produira sûrement des secousses secondaires. Les répercussions de ce conflit dans le Caucase commencent à se faire sentir. Il se peut que l'on dise involontairement adieu à la "guerre contre la terreur". En tous cas, la communauté internationale a perdu de l'intérêt avec Oussama ben Laden.

Les Etats-Unis ont repéré un nouvel ennemi prometteur à l'horizon, et une guerre absorbante, aux possibilités infinies, pourrait se présenter.

Une nouvelle doctrine de guerre est nécessaire. C'est la Grande-Bretagne, comme bien souvent, qui pourrait construire cette doctrine. Le Secrétaire au Foreign Office, David Milliband, a déclaré sur un ton churchillien, "La force russe d'agression au-delà des frontières de l'Ossétie du Sud a été quelque chose qui a réellement choqué beaucoup de gens… La vue des chars russes à Gori, des chars russes à Senaki et le blocus russe du port géorgien de Poti, est un rappel effrayant, je le pense, de l'époque que nous avions espéré révolue." La Secrétaire d'Etat Condoleeza Rice, en visite à Tbilissi, la capitale géorgienne, a immédiatement fait écho aux propos de Milliband, en rappelant l'intervention soviétique en Tchécoslovaquie, en 1968.

Mais c'est aller un peu trop vite. Pour commencer, la Pologne a enfin remporté un succès en localisant un garant pour son kresy (la région frontalière orientale) historiquement indéfendable, qui se trouve le long d'une ligne courant de Dniestr au fleuve Dniepr. Vendredi dernier, les Etats-Unis et la Pologne ont conclu un accord "d'engagement mutuel", par lequel les deux pays se porteront mutuellement assistance "en cas de conflit". À première vue, il peut sembler peu crédible que Varsovie puisse faire grand chose si le Vénézuélien Hugo Chavez créait des problèmes à Washington. Mais c'est un détail mineur. Ce qui importe est que les Etats-Unis sont apparus comme le lone ranger [le cow-boy solitaire] dans l'espace stratégique entre l'Allemagne et la Russie. Et cela s'est produit en conséquence du conflit dans le Caucase.

Des missiles en Pologne

Cet accord prévoit que les Etats-Unis accroissent les défenses de la Pologne avec des missiles Patriot, en échange du positionnement de 10 intercepteurs antimissile étasuniens sur le sol polonais. En d'autres termes, la Pologne a reçu des garanties de sécurité de la part de Washington en échange de son consentement sur le déploiement du bouclier antimissile des Etats-Unis dans ce pays d'Europe Centrale.

Le Premier ministre polonais Donald Tusk, au comble de l'allégresse, a proclamé : "Nous avons franchi le Rubicon." Il a souligné que les Etats-Unis endossaient un rôle historique que l'Otan était tout simplement incapable de tenir. "La Pologne et les Polonais ne veulent pas d'alliances dans lesquelles l'assistance arrive un peu trop tard - ce n'est pas bon lorsque l'assistance arrive à des morts. La Pologne veut être dans des alliances où l'assistance arrive aux toutes premières heures d'un conflit éventuel", a-t-il expliqué.

La clause d' "engagement mutuel" est une référence directe à la Russie, même si Washington et Varsovie ont minimisé tout lien. Le Président russe Dimitri Medvedev a dénoncé l'accord entre les Etats-Unis et la Pologne en disant qu'il constituant une menace envers la Russie. Il a ajouté sur un ton caustique que "toute histoire à dormir debout prétendant dissuader d'autres Etats, des bobards, selon lesquels grâce à ce système nous dissuaderons des Etats voyous, qui ne marchent plus." Le président de la commission des affaires étrangères du parlement russe, Constantin Kosatchev, a mis en garde que cet accord déclencherait "une réelle montée des tensions dans les relations russo-américaines." Le chef d'état-major adjoint de la Russie, le Général Anatoli Nogovitsine, a déclaré : "En déployant [le bouclier antimissile américain], la Pologne s'expose à une frappe nucléaire. C'est à 10%." Il a déclaré que l'accord US-polonais "ne peut pas rester impuni".

Mais Washington procède selon un plan. Les Américains ont rapidement saisi la rhétorique croissante anti-russe pour faire avancer le déploiement du bouclier antimissile en Pologne, passant outre les objections de Moscou et ne tenant pas compte du fait que les Etats-Unis et la Russie sont toujours théoriquement en négociation. Dans un style digne de la Guerre Froide, derrière l'écran de fumée de la rhétorique, Washington a prit un avantage unilatéral. Et une troisième zone de positionnement du bouclier antimissile est devenu réalité.

L'Allemagne reste neutre

L'accord entre les USA et la Pologne rappelle le rôle historique de la Grande-Bretagne en tant que garant de la Pologne contre le "revanchisme" allemand. Du point de vue de Washington, la réticence de l'Allemagne à être attirée dans la stratégie étasunienne d'isolement vis-à-vis de la Russie grandit jour après jour. Les consultations de la Chancelière allemande Angela Merkel avec Medvedev, à Sotchi vendredi dernier, révèlent que Berlin essaye d'être impartiale - recommandant vivement à Moscou d'embrasser la diplomatie - tout en résistant aux exigences de Washington d'affronter la Russie.

La personne allemande essentielle à Berlin pour les affaires russes, Andreas Schckenhoff, a dit que ni l'Union Européenne ni l'Allemagne n'avaient proposé de prendre position. L'Allemagne est lourdement dépendante de l'énergie russe et reste partisane de liens européens plus étroits avec Moscou."

La réunion d'urgence de mercredi dernier des ministres des affaires étrangères à Bruxelles a fait ressortir le schisme en Europe concernant la "question russe". La Grande-Bretagne, les Etats Baltes, la Pologne et la Suède se sont prononcés pour accusé la Russie, mais l'UE s'est contentée d'adopter la proposition allemande d'augmenter la force du contingent européen "d'observateurs" en Géorgie, les faisant passer de 100 à 300, et de fournir du secours humanitaire.

Steinmeier s'est distancé des rodomontades étasuniennes en conseillant à l'Europe qu'elle devrait "regarder vers l'avenir et agir pour une plus grande stabilisation." La France, l'Italie et la Finlande ont soutenu l'Allemagne. Le consensus de l'UE de ne pas recourir à des sanctions contre la Russie ou même de montrer Moscou du doigt est arrivé comme un revers pour les Etats-Unis. Rice arrive aujourd'hui mardi à Bruxelles pour des réunions urgentes avec ses homologues de l'Otan et de l'UE.

La pression des Etats-Unis sur l'UE

Il est sûr que Rice essayera de rallier l'opinion européenne et qu'elle se prononcera fortement pour l'intégration de la Géorgie dans l'Otan. Mais les principales puissances européennes appréhendent que Moscou ne prenne comme une provocation sérieuse l'extension additionnelle de l'Otan dans le territoire de l'ancienne Union Soviétique. Si Washington réussit à surmonter leur réticence, la diplomatie étasunienne enregistrera un signal de victoire. Moscou semble estimer que l'Europe pourrait en fin de compte succomber à la pression des Etats-Unis. Sa décision de prendre son temps pour retirer ses troupes de l'arrière-pays géorgien nécessite d'être considérée dans cette perspective.

La mission de Rice auprès de Bruxelles est un moment déterminant. Si elle réussit, la stratégie étasunienne d'isolement de la Russie aura fait une avancée énorme. D'un autre côté, si Rice échoue, Washington pourrait très bien abandonner, dans l'immédiat, ses espoirs d'expansion de l'alliance.

Bref, la guerre dans le Caucase met à rude épreuve le leadership transatlantique des Etats-Unis. Les Européens n'ont pas une perception menaçante de la Russie post-soviétique. Avec les économies du continent qui montrent une croissance molle, les Européens voient la Russie comme un stimulant puissant. (Les exportations allemandes vers la Russie ont enregistré une croissance de 50% en 2008.) Même les groupes de réflexion très à droite comme la Fondation Konrad Adenauer en Allemagne ont tiré le signal d'alarme, en disant que les Etats-Unis tirent inutilement l'Europe dans une stratégie destinée à étendre l'influence américaine dans les régions de la Baltique et du Caucase, "en faisant venir dans l'alliance [nord-atlantique] des pays supplémentaires d'orientation pro-américaine."

La Chine s'efforce de rester neutre…

Cependant, les puissances européennes ne sont pas les seules à être confrontée à des difficultés pour prendre position sur le Caucase. La Chine se trouve dans une situation similaire. Le Président Hu Jintao a reçu le Premier ministre russe Vladimir Poutine le 9 août à Pékin et a donné un dîner en son honneur. Pourtant, les comptes-rendus chinois sur cette rencontre ont omis toute référence au Caucase. (L'attaque de la Géorgie contre l'Ossétie du Sud a commencé les 7 et 8 août). Hu a dit à Poutine : "La Chine et la Russie accélèrent leur partenariat de coopération stratégique sur les objectifs établis et le développement des deux pays se retrouve en même temps face à des perspectives et confronté à des défis."

Hu a insisté sur trois aspects de la coopération stratégique sino-russe : encourager une multi-polarité et la démocratisation dans les relations internationales ; une coopération politique sino-russe plus performante, à la fois sur le plan bilatéral et au sein de la structure multilatérale ; et une coopération économique dans l'esprit de "bénéfices mutuels et d'un résultat gagnant-gagnant". Poutine, de son côté, a attiré l'attention de Hu sur "la politique amicale de la Russie envers la Chine" et a fait observer l'enthousiasme de Moscou pour "mener la coopération pratique avec la Chine vers de nouveaux sommets".

Quelque chose ne collait pas. Il semble que Poutine ait fait part à Hu des inquiétudes de Moscou dans le Caucase et que Hu les ait écoutées. En tout cas, le lendemain même, lorsque le porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères a livré ses premiers commentaires, il a simplement exprimé "l'inquiétude sérieuse [de la Chine] concernant l'escalade de la tension et des conflits armés" et appelé les "parties intéressées à faire preuve de modération et à cesser le feu immédiatement".

En effet, le porte-parole [chinois] est resté à égale distance. Il a conclu en disant que la Chine espérait sincèrement que "les parties intéressées" résoudraient leurs querelles de manière pacifique par le dialogue, "afin de sauvegarder la paix et la stabilité de la région". Il n'était pas d'humeur à juger les "querelles" en tant que telles. Pendant ce temps, le 11 août, un groupe de Géorgiens a manifesté devant l'Ambassade de Russie à Pékin, mais la "foule a été toutefois persuadée de se disperser et de partir, et aucune action extrême n'a eu lieu".

Le 13 août, un porte-parole chinois a réitéré que ces "querelles devaient être résolues pacifiquement par le dialogue, afin de parvenir à la paix et à la stabilité régionales". Ceci est devenu le mantra chinois à propos de la crise caucasienne. Le porte-parole chinois l'a répété le 14 août, tandis qu'il "accueillait favorablement" l'annonce de Moscou que la Russie cessaient ses opérations militaires. Une fois encore, les comptes-rendus des médias chinois ont été complets et équilibrés.

…mais désapprouve Moscou

Ce qui ressort de tout cela est que Pékin s'est bien gardé de prendre une position de soutien à la Russie. Au contraire, le seul commentaire offert jusque-là dans le Quotidien du Peuple, le 12 août, appelait à la cessation des hostilités dans l'esprit des Jeux Olympiques d'Eté et désapprouvait l'intervention de la Russie qui, a-t-il dit, "a rapidement accrut la tension et soulevé des inquiétudes internationales et celle du public."

Il a souligné : "Certains analystes montrent même leur inquiétude que l'antagonisme militaire pourrait évoluer en une nouvelle version de la Guerre Froide." Il y avait quelques conseils pour le Kremlin : "La guerre n'est pas le moyen de régler les conflits. Le seul moyen de résoudre efficacement les disputes est de ne pas tenir compte des anciens griefs, de cesser les hostilités et de négocier la paix. Ce n'est seulement qu'en toile de fond de la paix et dans le cadre d'une négociation constructive que l'on peut parvenir à un accord gagnant-gagnant."

Fait révélateur, Pékin ne figure pas sur la liste des capitales avec lesquelles le ministre russe des affaires étrangères a été en contact au cours des 10 derniers jours.

La réciprocité aurait dû signifier un soutien chinois à la position russe. En effet, c'était ainsi que Moscou avait réagi lorsque les troubles se sont déclenchés à Lhassa au Tibet, et la Chine s'est retrouvée à faire les frais de l'opinion occidentale, en particulier dans le jugement des Etats-Unis. Evidemment, la Chine estime qu'elle méritait le soutien sans réserve de la Russie, et toute comparaison entre le Tibet et le Caucase est insoutenable. C'est vrai, il n'y a aucune analogie dans les affaires internationales. Mais le fait reste que Pékin affirme aussi que les relations sino-russes aujourd'hui n'ont jamais été aussi bonnes. Une délimitation frontalière de longue-date vient juste d'être réglée.

Les contraintes de Pékin

Se peut-il que la coïncidence de trois générations de la famille Bush passant joyeusement leurs vacances en Chine la semaine dernière et prenant plaisir à regarder les jeux olympiques ait eu une influence sur l'esprit des Chinois ? C'est difficile à dire. Avec le recul, Pékin devrait éprouver un sentiment de gratitude envers la famille Bush. L'ère de George W. Bush a été une période de huit années extrêmement productives pour la Chine, malgré tout ce que peut dire la communauté mondiale. Il est entièrement concevable que Pékin ne veuille pas gâcher la fête.

Par ailleurs, des calculs doivent être faits. Qu'y a-t-il là-dedans pour la Chine ? Pékin sera extrêmement prudente sur les questions relevant de la souveraineté nationale, du séparatisme ou tout ce qui touche au droit à l'autodétermination. C'est une certitude. Et, dans le chaudron caucasien, tous ces éléments dangereux sont en fermentation. La Chine sera confrontée à une vilaine et difficile situation si Moscou soutient l'indépendance de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie - une éventualité qui n'a aucune chance de se produire si Rice réussit dans sa mission à Bruxelles aujourd'hui.

Ainsi que Pékin doit le considérer, Moscou est déjà entrée dans une zone dangereuse "ne menant nulle part" en menant des opérations militaires à l'intérieur du territoire géorgien, en fixant des conditions au retrait de ses troupes du sol géorgien et en spéculant à grand bruit sur le (manque de) réalisme du travail accompli à grand peine pour préserver l'intégrité territoriale de la Géorgie.

Dans la perspective chinoise, l'indépendance de l'Ossétie du Sud ou de l'Abkhazie est inacceptable, puisque le séparatisme est diabolique et l'autodétermination un principe dangereux. Un point c'est tout.

Les fantômes de Taiwan, du Xinjiang et du Tibet. Il y a d'autres considérations. La Chine veillerait à ce que les relations russo-américaines entrent dans une période de turbulence. Contrairement aux idées reçues, il n'y a aucune raison de souhaiter que ni le Sénateur John McCain ni le Sénateur Barack Obama, selon celui qui sera élu président, altère de façon importante la trajectoire bienveillante de la politique chinoise établie durant l'ère de Bush. Historiquement, dans la matrice hautement complexe des rapports USA-Russie-Chine, cela ne travaillerait qu'à l'avantage de la Chine si les relations russo-américaines s'effilochaient. Un refroidissement des liens avec la Russie conduirait rapidement Washington, surtout par réflexe, à cultiver de bonnes relations avec la Chine. Quelques signes sont déjà là.

L'approche différenciée des Etats-Unis

Une approche différenciée vis-à-vis de la Russie et de la Chine est déjà visible dans l'agenda étasunien concernant le déploiement du bouclier antimissile. Ainsi qu'un commentateur russe l'a exprimé, "Une analyse du bouclier antimissile global de l'Amérique montre que Washington déploie ses éléments principalement en Europe de l'Est plutôt qu'au Japon ou dans les autres pays asiatiques ou en Australie. C'est probablement parce que Washington ne veut pas irriter la Chine, qui pourrait riposter en accélérant le développement de son propre programme de missiles et augmenter le nombre de missiles balistiques intercontinentaux prêts au combat."

La Chine ne figurera pas vraiment sur le radar étasunien en tant que puissance stratégique conséquente pour 20 années à venir. Mais la Russie, qui a été la menace d'hier, est le défi d'aujourd'hui, et sa résurgence promet d'en faire demain une menace potentielle.

Ainsi que l'a récemment écrit le célèbre soviétologue, le Professeur Stephen Cohen, "Malgré son statut diminué qui a suivi l'effondrement soviétique en 1991, la Russie à elle seule possède des armes qui peuvent détruire les Etats-Unis, un complexe militaro-industriel presque équivalent à celui de l'Amérique en matière d'exportation d'armes… et les plus grandes réserves planétaires de pétrole et de gaz naturel. Elle reste aussi le plus grand territoire du monde, situé à cheval sur l'Ouest et l'Est, au carrefour de civilisations en collusion, avec des capacités stratégiques allant de l'Europe, l'Iran et autres nations du Moyen-Orient à la Corée du Nord, la Chine, l'Inde, l'Afghanistan et même l'Amérique Latine. Tout compte fait, notre sécurité nationale pourrait dépendre plus de la Russie que celle de la Russie ne dépendrait de nous."

Par conséquent, les Etats-Unis ne se limitent pas à la Pologne et à la République Tchèque, et une fois qu'ils auront peaufiné la technologie de la création d'un bouclier antimissile en Pologne, ils seront à l'affût pour développer plus de régions de positionnement et, pendant les quelques prochaines années, du moins, Washington aura assez à faire dans son affrontement de la Russie avec des douzaines de sites de positionnement sur ses frontières. Le gros morceau sera l'incorporation de l'Ukraine, un pays qui possède déjà des technologies avancées de missiles datant de l'ère soviétique. Bref, les préoccupations de Washington aux frontières occidentales et du sud-ouest de la Russie, dans le futur immédiat, conviennent très bien à la Chine.

La politique énergétique de la Russie

Mais la Chine doit aussi mesurer les retombées sur la politique énergétique future de la Russie, qui a une conséquence directe pour Pékin. Pour l'instant, la Russie considère l'Europe comme marché préféré pour ses exportations d'énergie. Ceci, bien que Moscou se dise en faveur des marchés asiatiques.

En réalité, l'Europe est en concurrence avec la Chine pour les approvisionnements en énergie russe. Cette concurrence pourrait commencer à friser la rivalité. Selon le ministère de l'énergie américain, la demande européenne de gaz augmentera de plus de 50% d'ici à 2025. Il n'y a tout simplement pas assez de gaz qui va vers l'Europe pour éviter les approvisionnements russes. (La Russie satisfait déjà 30 à 50% des besoins européens en gaz.)

L'Europe espère maintenant que la Russie alimentera le pipeline Nabucco, qui a été encouragé dès le départ par Washington et, de façon ironique, comme un projet contournant le territoire russe pour réduire la dépendance de l'Europe vis-à-vis de Moscou. Le gaz russe arrive déjà en Turquie - le nœud gazier de Nabucco - via le pipeline Blue Stream. Le Russe Gazprom détient 50% des parts dans le centre gazier de Baumgarten en Autriche, qui est la destination pour Nabucco.

Curieusement, un porte-parole de Nabucco a été cité la semaine dernière disant : "Nabucco n'a pas été planifié comme projet anti-russe, mais comme projet pro-européen. L'idée essentielle est de transporter du gaz provenant de sources alternatives." Il n'y a aucun doute que la Chine attend avec inquiétude de voir si Nabucco subit une métamorphose et devient un projet russo-européen. Si cela se produit, Moscou aura encore moins d'intérêt à développer avec force la Chine comme marché alternatif pour ses exportations d'énergie. Le North Stream, le et Nabucco seront largement de trop dans l'escarcelle russe.

Pour la période à venir, la politique énergétique de la Russie dépendra en grande partie des rapports entre Moscou et les principales capitales européennes. La position que les pays européens adoptent vis-à-vis de l'expansion supplémentaire de l'Otan deviendra un déterminant de la politique énergétique russe. La Chine a par conséquent toutes les raisons d'explorer avec soin comment ces rapports sont affectés par la crise dans le Caucase. Les consultations énergétiques sino-russes sont programmées pour se tenir à Moscou en octobre. En tant que goinfre énergétique, la Chine sera l'énorme bénéficiaire si un nouveau Mur de Berlin devait apparaître à ce moment-là dans les relations entre la Russie et l'Europe.

M K Bhadrakumar a servi en tant que diplomate de carrière dans les services extérieurs indiens pendant plus de 29 ans. Ses affectations incluent l'Union Sovétique, la Corée du Sud, le Sri Lanka, l'Allemagne, l'Afghanistan, le Pakistan, l'Ouzbékistan, le Koweït et la Turquie.

Copyright 2008 Asia Times Online Ltd/Traduction : JFG-QuestionsCritiques. All rights reserved.