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Afghanistan

Les Taliban s’y mettent tous ensemble

Par Syed Salim Shahzad
Asia Times Online, publié le 20 septembre 2009

article original : "Taliban put their heads together"

ISLAMABAD – Les accusations et les contre-accusations entre le Président Hamid Karzai et ses opposants, à propos des élections présidentielles afghanes du 20 août dernier, pourraient durer des mois, mettant en danger une phase stable post-électorale qui aurait dû voir l’ouverture du dialogue avec les Talibans.

En même temps, les groupes armés de la région ont enterré leurs divergences dans un effort pour mettre au point une riposte à la stratégie AfPak qui a vu la montée en puissance du nombre de soldats – et des morts – en Afghanistan, et qui a asséné quelques coups efficaces aux partisans de la lutte armée qui se trouvent au Pakistan.

Au Pakistan, les attaques de missiles par le drone « Predator » des Etats-Unis ont provoqué des dégâts à la structure de commandement du réseau Talibans/Al-Qaïda pakistanais. Un dirigeant clé des Taliban pakistanais (du Tehrik-i-Taliban Pakistan), Baitullah Mehsud, a été tué en août, tandis que le discret Ilyas Kashmiri, un commandant chevronné cachemiri qui a rejoint al-Qaïda et a changé la dynamique du théâtre de guerre régional, a été tué tout récemment.

De plus, les opérations militaires en cours dans les zones tribales du Pakistan, à la frontière afghane, ont fait beaucoup pour briser le réseau de partisans qui a été construit depuis 2002 et qui s’est introduit dans l’insurrection afghane.

Les décideurs politiques à Washington et à Londres ont adopté une double approche en vertu de laquelle, d’une main, ils accroîtraient les opérations militaires contre les Talibans, et de l’autre, ils proposeraient des accords politiques aux commandants Taliban qu’ils pensent pouvoir isoler des éléments extrémistes.

De cette façon, un gouvernement de consensus élargi, qui inclurait les Talibans, serait installé à Kaboul et les forces occidentales pourraient enfin quitter le pays qu’elles ont envahi en 2001 pour renverser le régime Taliban.

Les élections afghanes contestées ont fait dérailler cette idée. Un second tour de scrutin aura lieu si le score de Karzaï – qui se situe actuellement à 54% - descend en dessous des 50%. Avec 10 % des voix qui font l’objet d’enquêtes vigoureuses à la suite des plaintes déposées par son principal rival, Abdullah Abdullah, un second tour est possible et cela pourrait prendre des mois.

Tandis que la discorde et la désunion règnent en Afghanistan, dans un développement inattendu, un quatuor bizarre issu des groupes armées de la région s’est réuni, il y a environ 10 jours, dans la province afghane de Khost, pour engager des discussions prolongées sur la situation de la résistance régionale contre l’OTAN et les forces de sécurité pakistanaises.

Les quatre dirigeants étaient : Sirajuddin Haqqani, qui commande le plus grand groupe armé Taliban ; Hakimullah Mehsud, le chef nouvellement nommé du Tehrik-i-Taliban Pakistan ; le Mollah Nazir, son rival, un commandant Taliban de la région tribale pakistanaise du Waziristân méridional et qui commande le plus gros réseau de combattants Taliban dans la province afghane voisine de Paktia ; et, Gul Bahadur, un commandant Taliban du Waziristân septentrional.

Des sources bien au courant de cette réunion ont dit à l’Asia Times Online qu’elle avait été organisée à l’initiative personnelle de Sirajuddin Haqqani, qui a surtout insisté sur la réconciliation immédiate entre les factions Taliban – les Taliban sont divisés dans les zones tribales pakistanaises, le long des lignées tribales.

Bien qu’ils aient tous fait acte d’allégeance au dirigeant Taliban le Mollah Omar et à sa résistance contre les forces étrangères en Afghanistan, dans leurs propres zones d’influence, ils restent divisés. Par exemple, le Mollah Nazir et Gul Bahadur sont de la tribu Wazir et ils ont toujours été en conflit avec les hommes de la tribu Mehsud. Par moment, ils ont soutenu les opérations militaires du gouvernement les uns contre les autres.

L’une des principales questions qui a été abordée lors de cette réunion concernait les opérations militaires au Pakistan, alors qu’elles ont dévasté les lignes d’approvisionnement Taliban qui pénètrent en Afghanistan. Dans les années passées, les Taliban ont lancé tous les ans des milliers d’hommes de l’autre côté de la frontière, mais, à présent, ce nombre a été sévèrement réduit.

Ces dirigeants se sont mis d’accord pour que tous les groupes, qu’ils soient rivaux ou non, maintiennent une coordination étroite et mettent également au point des opérations conjointes lorsqu’elles sont nécessaires. Une telle coordination entre des groupes armés assortis a déjà fonctionné en Afghanistan, mais c’est la première fois que cela se produit au niveau régional.

La coopération entre les divers groupes anti-coalition, en particulier au Nord de l’Afghanistan, a produit des succès inattendus. L’attaque contre des paras italiens dans un convoi de l’Otan à Kaboul jeudi dernier en est la preuve.

Cette attaque suicide, qui a causé la mort de six soldats et de dix civils, selon les rapports officiels, est le résultat d’une coordination entre un grand nombre de groupes anti-coalition, incluant même l’administration locale.

Un commandant de haut-rang qui n’est pas autorisé par les Taliban à faire des déclarations a cependant parlé à l’Asia Times Online. Il dit faire partie du Djihad et s’appeler Abou Abdullah.

« L’opération [de Kaboul] a été planifiée par Sirajuddin Haqqani et environ deux douzaines de personnes ont été envoyées de Khost à Kaboul, en plusieurs fois. Elles ont séjourné dans les maisons sûres des Taliban, situées à divers endroits. Ensuite, une personne a été désignée pour la mission suicide. Les autres attendent en vue d’autres opérations dans les jours à venir », a dit Abou Abdullah.

Selon lui, l’opération [contre les paras italiens] a été coordonnée avec des habitants de Kaboul pro-Taliban, qui sont très bien introduits dans l’administration locale et qui suivent les mouvements des convois de l’Otan. Un poste d’observation a été installé dans l’administration avec l’aide de sympathisants locaux. C’est de ce poste que les attaquants des trois véhicules, qui approchaient par une artère principale, ont été alertés. La voiture du kamikaze a ensuite percuté l’un des véhicules.

Abou Abdullah a affirmé que les trois véhicules ont été détruits et que 25 soldats de l’Otan y ont trouvé la mort.

« C’est l’une des diverses attaques couronnées de succès contre les troupes de l’OTAN qui a été activement soutenue par les masses, tout comme elles soutenaient la résistance contre les Soviétiques [dans les années 80]. Si Dieu le veut, nous entreprendrons des opérations similaires dans le futur », a dit Abuu Abdullah.

En plus de telles attaques, on s’attend à ce que les Taliban se concentrent sur les lignes d’approvisionnement perturbées de l’Otan qui traversent le Pakistan, ainsi que sur celles des pays d’Asie Centrale qui entrent dans le Nord de l’Afghanistan. D’autres affrontements avec les forces de sécurité pakistanaises sont également inévitables.

Syed Saleem Shahzad est le chef du bureau au Pakistan de l'Asia Times Online.

Copyright 2009 Asia Times Online Ltd/Traduction : Questionscritiques