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guerre civile syrienne

Syrie : Assad face à un choix de vie ou de mort

Par Victor Kotsev
Asia Times Online, 7 décembre 2012

article original : "Assad faces life or death choice"
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Alors que les rebelles avancent de façon significative et qu'une partition de la Syrie pourrait se produire dans les prochains mois, l'armée gouvernementale [syrienne] aurait préparé la semaine dernières des armes chimiques prêtes à être utilisées. Les Etats-Unis et l'OTAN ont répondu par des mises en gardes sévères et en approuvant le déploiement de multiples batteries de missiles Patriot au Sud de la Turquie, une mesure qui pourrait faire pencher un peu plus la balance dans ce pays. La guerre civile syrienne semble être entrée dans une phase critique, avec le Président Bachar el-Assad confronté à choisir entre se retirer ou combattre jusqu'au bout, par tous les moyens disponibles.

Pour être honnête, il n'y a aucune indication spécifique que le gouvernement syrien ait l'intention d'utiliser des armes de destruction massive contre ses propres citoyens, et ses porte-parole ont nié fermement, lundi, un telle possibilité. Ces armes pourraient jouer différents rôle selon les scénarii, notamment celui de monnaie d'échange pour Assad qui quitterait le pays, ou de dissuasion contre une intervention étrangère, ou encore une manière de couvrir son retrait potentiel sur un Etat croupion centré autour des territoires habités par sa secte alaouite.

Certains prétendent qu'Assad explorerait la possibilité de chercher l'asile politique dans des pays d'Amérique Latine, comme Cuba, le Venezuela ou l'Equateur. Bien que le président syrien ait nié avoir cette intention et ait fait le serment de « vivre et mourir en Syrie », ses dernier déboires militaires et diplomatiques vont plutôt vers la mort, et on pourrait s'attendre à ce qu'il reconsidère sa position.

Par ailleurs, la menace d'armes chimiques pourrait lui faire gagner l'immunité et une proposition de sortie dans des conditions plus favorables (bien sûr, seulement s'il ne les utilise pas).

Dans la même idée, l'influente firme d'analyse des renseignements Stratfor a spéculé que la récente défection du porte-parole du ministère syrien des Affaires étrangères, Jihad Maqdisi, avait pour signification de faciliter « les efforts diplomatiques pour négocier une sortie sûre pour la famille [d'Assad] et garantir la sécurité de la minorité alaouite de Syrie ».

Pourtant, il y a des raisons de s'inquiéter, comme l'indiquent les récentes déclarations du Président Barack Obama et d'autres dirigeants occidentaux.

« L'utilisation d'armes chimiques est et serait totalement inacceptable », a déclaré lundi Obama, s'adressant à Assad d'un point de vue théorique dans une interview avec le New York Times. « Si vous commettez l'erreur tragique d'utiliser ces armes, il y aura des conséquences et vous devrez rendre des comptes ». La Secrétaire d'Etat Hillary Clinton, a dit qu'Assad était « désespéré » et que cela pouvait l'amener à utiliser des armes de destruction massive.

Pendant ce temps, le magazine a rapporté que l'armée syrienne a commencé à militariser le gaz sarin, un agent neurologique mortel. « Physiquement, ils en sont arrivés au point où ils peuvent le charger dans un avion et le larguer », a dit au magazine un responsable américain qui n'a pas été nommé.[1]

Des compte-rendus, qui n'ont pas été confirmés, vont jusqu'à affirmer que des ogives assemblées ont été déplacées vers le Nord du pays, peut-être vers la ville d'Alep. Là-bas, la situation est particulièrement mauvaise pour Assad : une autre firme mondiale d'analyse, Oxford Analytica, prévoit que « les troupes loyalistes perdront probablement la plupart de leurs fiefs stratégiques du Nord dans les mois à venir, pavant la voie à l'établissement d'une large zone rebelle contiguë d'ici à la mi-2013 ».

L'échec du gouvernement [syrien] à reprendre Alep, la plus grande ville de Syrie et un centre commercial septentrional, en compagnie d'autres indicateurs comme la dépendance toujours plus grande sur la puissance aérienne, souligne cette pénurie d'hommes. Une grande partie de l'armée est constituée de conscrits musulmans sunnites dont la loyauté est incertaine et qui pourraient déserter s'ils étaient envoyés contre des membres de leur secte, la majorité de la population syrienne, et le gouvernement [syrien] ne pourrait réunir qu'une équipe limitée de soldats pour la plupart des opérations.

« Ali, un Alaouite de 28 ans qui vit à Latakieh, la capitale régionale, a dit que les villages alaouites où il s'est rendu récemment ont été pratiquement vidés des hommes après que le régime a incorporé de force tous les membres de la secte alaouite âgés entre 18 et 50 ans », a rapporté le Global Post.[2]

Bien qu'Assad puisse combattre pendant encore quelques temps, il apparaît manifestement qu'il est en train de perdre la guerre. Cela est vrai même dans la capitale, à Damas, où les rebelles ont aussi avancé ces derniers jours. Ils livrent des batailles rangées contre les forces gouvernementales dans les faubourg extérieurs de la ville et ont provoqué la fermeture du trafic aérien et autres interruptions.

Le fait que le dirigeant druze libanais, Walid Jumblatt, ait exhorté les Druzes syriens à rejoindre la rébellion porte une signification symbolique considérable. Jumblatt, que Foreign Policy Magazine a appelé récemment « la girouette », est connu pour s'aligner sur le puissant du jour et affirme qu'il prend toujours soin de sa secte.[3]

Sur le plan international, l'isolement d'Assad s'accroît également. « Un haut-fonctionnaire turc a déclaré que la Russie s'était mise d'accord, lundi, sur une nouvelle approche diplomatique qui chercherait à persuader le Président Bachar el-Assad à renoncer au pouvoir », a rapporté le New York Times.

Selon , Israël a cherché à deux reprises dernièrement la « permission » de la Jordanie pour bombarder les armes chimiques syriennes, mais a essuyé un refus.[4] En attendant, à la frontière nord de la Syrie, une nouvelle idée de zone d'exclusion aérienne « légère » pourrait se développer. Tandis que les interprétations traditionnelles d'une zone d'exclusion aérienne incluent d'établir une supériorité aérienne complète et de détruire les défenses anti-aériennes, les missiles Patriot qui doivent arriver dans le Sud de la Turquie pourraient efficacement éloigner les avions militaires syriens à environ 100 kilomètres de la frontière. En ôtant au régime syrien l'avantage aérien crucial dans ces régions, cette mesure pourrait contribuer à établir un régime rebelle rival et, au bout du compte, la défaite d'Assad.

Le dirigeant syrien semble avoir le dos au mur. Qu'il choisisse de se retirer ou de continuer à se battre pourrait être littéralement une question de vie ou de mort pour lui - et pour les milliers de Syriens de toutes sectes et de tous grades. Tandis que le nombre de victimes dans ce soulèvement qui dure depuis près de deux ans atteint le chiffre de 40.000, et que les Nations Unies réduisent les opérations d'assistance par peur pour leur personnel, un sentiment d'urgence désespérée plane au-dessus de ce pays.

Victor Kotsev est journaliste et analyste politique. Il est basé à Tel Aviv.

Copyright 2012 Asia Times Online (Holdings) Ltd - traduction [JFG-QuestionsCritiques]. All rights reserved

Notes :
___________________

[1] « Exclusive: US Sees Syria Prepping Chemical Weapons for Possible Attack », Wired, 3 décembre 2012.
[2] « Are Syria's rebels about to win? », Global Post, 30 novembre 2012.
[3] « The Weathervane », Foreign Policy, 5 octobre 2012.
[4] « Israel Asked Jordan for Approval to Bomb Syrian WMD Sites », The Atlantic, 3 décembre 2012.


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