accueil > archives > éditos


terreur liquide

La double victoire du Pakistan sur le terrorisme

par Syed Saleem Shahzad

15 août 2006, Asia Times Online "Pakistan's double win over terror"

KARACHI — les services secrets et les cercles djihadistes pakistanais sont unanimes sur un fait : les Pakistanais qui ont été arrêtés la semaine dernière, en liaison avec le complot terroriste visant au moins 10 avions de ligne au départ de Londres et qui a été déjoué, avaient été infiltrés par les services secrets pakistanais depuis la fin de l'année dernière.

Toutefois, les avis divergent quant à l'objectif ultime des services secrets pakistanais.

La semaine dernière, sept personnes — minimum — en liaison avec ce complot ont été arrêtées dans les villes de Lahore et de Karachi. Selon les officiels, les personnes arrêtées auraient fourni des informations importantes au sujet de ce complot. Les fonctionnaires britanniques de la sécurité ont placé 24 personnes en grade à vue — la plupart d'origine pakistanaise — [soupçonnées d'être] en relation avec le plan évident d'attaquer des vols commerciaux au départ du Royaume-Uni vers les Etats-Unis.

Un haut-fonctionnaire pakistanais de la sécurité a déclaré à Asia Times Online, "Le véritable épisode a commencé après le tremblement de terre au Cachemire [administré par le Pakistan] en octobre 2005. Les divers organismes humanitaires islamiques s'activaient pour apporter l'aide aux Cachemiris déplacés. La CIA et le MI6 sont entrés en contact avec le Pakistan et l'ont averti que, sous couvert de fonds humanitaire, il était possible que cet argent soit transmis à des cercles terroristes au Pakistan.

"Le MI6, la CIA et une cellule spéciale des services secrets pakistanais ont coordonné des investigations sur ces transferts de fonds. Durant le temps de ces investigations, beaucoup de personnes, au Pakistan, furent prises dans des rafles."

Mais c'est à partir de là que les avis divergent. Les fonctionnaires pakistanais ont arrêté Rachid Raouf (un ressortissant britannique), en tant que suspect-clef dans le complot déjoué, et l'ont accusé d'être lié à al-Qaïda.

Des contacts, connaissant étroitement les hommes arrêtés — dans les premières rafles, ainsi qu'après le complot déjoué —, soutiennent qu'aucun d'eux n'avait de lien avec al-Qaïda. Au contraire, ils soutiennent qu'ils étaient liés avec al-Mouhadjiroun et Hizbout Tehrir.

Hizbut Tehrir (le Parti de la Libération) est une organisation non-violente fondée au début des années 50 en Jordanie pour la libération de la Palestine. Leur objectif ultime est la renaissance du califat, qu'ils essayent de provoquer en renversant ce qu'ils considèrent être des gouvernements islamiques corrompus.

Le Pakistan a été particulièrement dur avec ce groupe, dont la plupart des membres sont des Pakistanais de naissance britannique, envoyés au Pakistan pour y travailler. La raison la plus évidente est que ces jeunes veulent fomenter un coup d'Etat contre le gouvernement du Général-Président Pervez Musharraf et infiltrer des institutions telles que l'armée.

Al-Mouhadjiroun est une faction séparatiste de Hizbout Tehrir. La plupart de ses membres sont au Royaume-Uni. Le célèbre érudit égyptien, Omar al-Bakri, en était le chef. Al-Mouhadjiroun fut interdit en Grande-Bretagne, l'année dernière, après l'éloge qu'il a fait des attaques du métro de Londres.

Un contact au sein des plus hauts niveaux de ce noyau djihadiste a déclaré à l'Asia Times Online "Les gars des organisations comme al-Mouhadjiroun et Hizbout Tehrir viennent au Pakistan du Royaume-Uni et n'ont rien à voir avec al-Qaïda. Ce sont des Pakistanais, de naissance britannique, et tout ce qui les intéresse est de [fomenter] un coup d'Etat au Pakistan. Quelques-uns d'entre eux ont été arrêtés à Islamabad, dans le passé, alors qu'ils distribuaient des brochures. Puis, il furent libérés. Je peux vous assurer que les gars qui [viennent] d'être arrêté au Pakistan avaient été identifiés depuis longtemps par l'establishment pakistanais.

"Leur destinée a commencé lorsqu'ils ont été en contact avec des fonctionnaires de l'armée pakistanaise. C'est elle qu'ils voulaient vraiment infiltrer pour fomenter leur coup d'Etat. Ils étaient donc proches de plusieurs officiers de l'armée. Ils étaient enchantés d'avoir infiltré l'armée. Mais, en fait, ce sont les services secrets pakistanais — au passé militaire solide — qui les ont pénétrés en profondeur", a indiqué le Djihadiste.

"Ces jeunes, qui ont dans la vingtaine et qui sont complètement ignorant de la société pakistanaise, étaient très excités par leur succès et partageaient même leurs opinions avec d'autres personnes à Islamabad, disant qu'un grand nombre d'officiers étaient d'accord pour faire un coup d'Etat. En fait, nous les avions prévenus que les cadres militaires faisaient leur travail avec loyauté et qu'ils ne s'engageraient jamais dans cause révolutionnaire.

"Les jeunes d'al-Mouhadjiroun pensaient le contraire et ils continuèrent de rencontrer des agents secrets, en pensant qu'ils étaient des cadres de l'armée pakistanaise," a poursuivi le Djihadiste.

"La proximité des services secrets pakistanais avec certains des garçons, ayant un passé avec al-Mouhadjiroun, était un fait connu. Mais, quant à savoir à quel stade c'est devenu leur 'complot terroriste londonien ', nous sommes dans le brouillard.

"Cependant, j'émets sans risque une hypothèse selon laquelle ces garçons hautement motivés ont été exploités par des agents provocateurs. Un jeune Musulman religieux, à 20 ans, est assurément plein de haine contre les USA et si quelqu'un voulait bien le guider pour effectuer n'importe quelle attaque sur des intérêts étasuniens, il y aurait de fortes chances pour qu'il le fasse.

"Et je pense que c'est exactement ce qu'il s'est produit. Le gouvernement a essayé sérieusement de nettoyer le Pakistan — c'est vrai aussi bien pour le Royaume-Uni — des groupes comme al-Mouhadjiroun et Hizbout Tehrir. Ces deux groupes sont violemment contre l'establishment et sont très sérieux sur l'idée de fomenter un coup d'Etat au Pakistan. Alors, leur influence grandissait parmi les jeunes, dans des villes comme Lahore et Islamabad. Et c'est ainsi qu'ils ont été complètement piégés", a conclu le Djihadiste.

Il devrait être rappelé que le Hizbout Tehrir et al-Mouhadjiroun ont été interdits au Pakistan après les attaques du 11 septembre 2001 contre les Etats-Unis et tous les commissariats de police ont reçu des instructions strictes d'arrêter toute personne prétendant être membre de ces groupes.

Il y a quelques temps, les autorités pakistanaises, conformément aux lois antiterroristes, ont arrêté des membres de ces deux organisations. Cependant, les tribunaux les ont libérés pour manque de preuve.

Syed Saleem Shahzad est le chef du bureau au Pakistan de l'Asia Times Online.
(Copyright 2006 Asia Times Online / traduction: JFG-Questionscritiques)