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USA 2008 - Sondages

Aux Etats-Unis, les malheurs économiques
deviennent le point de mire de l'électorat

par Jim Lobe
Asia Times Online, le 2 mai 2008

article original : "Economic woes take US center stage"

WASHINGTON - Le prix du pétrole et les autres questions économiques internationales sont rapidement devenus le point de mire des préoccupations dominantes du public américain en matière de politique étrangère. Selon une nouvelle étude d'opinion majeure, sortie mercredi dernier dans le très influent Foreign Affairs journal, les Américains sont désormais aussi de plus en plus sceptiques sur l'efficacité de l'action militaire pour faire avancer les intérêts américains à l'étranger.

Tandis qu'une majorité relative de 29% des personnes interrogées identifiaient, en octobre dernier, la guerre d'Irak qui-dure-depuis-cinq-ans comme problème numéro un de politique étrangère, le mois dernier, lorsque la dernière édition de "L'Indice de Confiance sur la Politique Etrangère des Etats-Unis", semestriel, a été rendue publique, il n'y en avait plus que 19% à le penser.

Au cours de cette même période de six mois, le nombre des personnes interrogées qui ont placé l'économie en tête des défis de politique étrangère est passé de 3 minuscules pour-cent à 11%, repoussant le "terrorisme" à la seconde place. Cette enquête d'opinion est un programme supervisé par le "Public Agenda", organisme non-partisan. L'Indice a été créé en 2005.

Qui plus est, 70% des personnes interrogées ont déclaré s'inquiéter "beaucoup" de l'augmentation des prix de l'énergie, un bond de 16 points depuis octobre dernier, qui a éclipsé les 56% qui disaient se préoccuper "beaucoup" de l'impact de la guerre d'Irak.

Le nombre de ceux qui s'inquiètent "beaucoup" de ce que les Etats-Unis pourraient devoir trop d'argent aux pays étrangers a lui aussi fortement bondit au cours des six derniers mois, passant de 31% à 40%, mettant ainsi en lumière l'importance des préoccupations économiques, qui sont passées en tête aux yeux du public, dans la course pour les élections nationales de novembre prochain.

En même temps, cette dernière enquête a montré une augmentation marquée de la différence de pourcentage entre ceux qui pensent que le gouvernement américain devrait mettre plus l'accent sur les outils diplomatiques et économiques de la politique étrangère pour combattre le terrorisme et ceux qui pensent qu'il devrait mettre plus l'accent sur les "efforts militaires".

Dans la dernière enquête, 69% des personnes interrogées ont choisi la première option et 23% seulement, la seconde. Il y a juste six mois, la différence était de 65%-28%.

"Si vous parcourez rapidement cet Indice, vous vous apercevez que le public soutient peu l'usage de la force militaire, sur quelque sujet que ce soit", a fait remarquer l'Amiral Bob Inman, ancien directeur-adjoint de la CIA et qui siège au conseil de direction du Public Agenda.

A cet égard, le candidat républicain présumé à la présidence, le Sénateur John McCain, qui a pris de façon marquée des positions plus belliqueuses sur le Proche-Orient, l'Asie du Sud-Ouest, la Russie et la Chine, que l'un ou l'autre des deux candidats démocrates restants, le Sénateur Barack Obama et la Sénatrice Hillary Clinton, pourrait être particulièrement vulnérable dans les élections à venir. C'est ce que dit Daniel Yankelovich, un vieux routier des sondages qui siège aussi à Public Agenda

"Je pense que les positions des candidats en matière de politique étrangère n'ont pas encore été intégrées par l'électorat", a dit Yankelovich. "Lorsque cela sera le cas ... le bellicisme de McCain travaillera contre lui [pour peu que] les Démocrates trouvent un moyen de contrer sa position."

En effet, une grande majorité des personnes interrogées (47%) a dit que Washington devrait se servir de la diplomatie pour essayer d'établir de meilleures relations avec l'Iran - en hausse de 12 points par rapport à la précédente enquête, tandis que 28% ont dit que Washington devrait rechercher l'imposition de sanctions économiques internationales pour faire pression contre l'Iran afin qu'il gèle son programme nucléaire. 11% ont dit que les Etats-Unis n'ont rien besoin de faire.

Par contraste, seules 12% des personnes interrogées ont dit que les Etats-Unis devraient, soit menacer, soit vraiment entreprendre une action militaire contre Téhéran, une chute de 5 points depuis les 19% qui avaient pris cette position il n'y a que six mois.

De plus, 70% des personnes interrogées sont d'accord avec l'affirmation suivante : "Pour résoudre le conflit israélo-palestinien, les Etats-Unis et Israël devront travailler avec des pays inamicaux, comme la Syrie, au Proche-Orient."

Cet Indice, dont la dernière édition a posé quelques 110 questions liées à la politique étrangère à plus de 1.000 adultes, a cherché, entre autres choses, à identifier quelles questions de politique étrangère provoquent le plus de préoccupation auprès du grand public, et quelle(s) préoccupation(s) avai(en)t atteint un "point de bascule", pouvant avoir des conséquences politiques majeures.

Dans l'enquête d'octobre 2006, Yankelovich a trouvé que le mécontentement du public concernant la performance du Président George W. Bush en Irak avait atteint un tel "point de bascule". Les élections de mi-mandat, le mois suivant, dans lesquelles les Démocrates ont remporté le contrôle des deux chambres du Congrès, a semblé confirmé cette thèse.

Lors de la dernière enquête, Yankelovich a dit que la question du prix du pétrole et l'incertitude liée aux futures sources d'énergie paraissent avoir atteint un tel point, surpassant toute autre préoccupation avec un écart important.

Non seulement 70% des personnes interrogées ont-elles dit qu'elles s'inquiétaient "beaucoup" des coûts de l'énergie, mais 60% ont dit que réduire la dépendance énergétique sur le pétrole étranger renforcerait "beaucoup" la sécurité nationale des Etats-Unis, le pourcentage le plus élevé depuis que l'Indice a été lancé. Seuls 19% des personnes interrogées ont donné à l'administration Bush la note de A ou B sur la manière de traiter ce problème, tandis que 53% ont noté sa performance D ou pire.

"Les inquiétudes du public concernant la politique énergétique ne sont pas limitées au prix de l'essence", a dit Yankelovich. "Les Américains relient la politique énergétique aux questions de sécurité nationale, d'une façon qu'ils ne faisaient pas il y a deux ans". De plus, a-t-il fait remarquer, 39% des personnes interrogées s'inquiètent "beaucoup" du réchauffement planétaire, en hausse de 7 points, par rapport aux 32% deux ans auparavant.

A la fois Inman et Yankelovich disent que la baisse du pourcentage des personnes interrogées qui s'inquiètent "beaucoup" de la guerre d'Irak pourrait être due plus qu'autre chose au déclin relatif de la couverture médiatique de la guerre au cours des six derniers mois. En particulier alors que les prix plus élevés de l'énergie et autres développements économiques négatifs l'ont déplacé des gros titres. "La presse ne la couvre plus autant qu'auparavant, mais l'attitude de base [vis-à-vis de la guerre d'Irak] est la même", a dit Yankelovich.

En effet, 65% des personnes interrogées disent qu'elles pensent que les Etats-Unis devraient retirer tous leurs soldats d'Irak, soit "immédiatement" (21%) ou au cours des 12 prochains mois (44%), qu'il faut comparer aux 67% (respectivement 19% et 48%) d'il y a six mois.

Dans l'ensemble, le public [américain] est légèrement moins anxieux sur la politique étrangère qu'il ne l'était un an auparavant, lorsque l'Indice de "l'indicateur d'anxiété" a atteint le record de 137 sur un maximum de 200.

Cet indicateur, qui se base sur les réponses à cinq questions-clés, se trouve actuellement à 132 - le score composite des 84% de personnes interrogées qui ont dit s'inquiéter de la manière dont se passent les choses pour les Etats-Unis dans les affaires mondiales ; des 74% qui pensent que le monde "devient de plus en plus dangereux" pour le pays ; des 69% qui pensent que les Etats-Unis ne font pas "du bon boulot en tant que leader pour créer un monde plus pacifique et plus prospère" ; des 64% qui pensent que le reste du monde a une impression négative des Etats-Unis ; et des 65% qui pensent que les relations des Etats-Unis avec le reste du monde sont sur une "mauvaise voie".

(Inter Press Service) / traduction : [JFG-QuestionsCritiques]