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     O.K., les Gars : On Retourne au Boulot
    Par Bob Herbert
Publié le 5 novembre 2004 dans le New York Times

Une règle d'or dans la vie est de prendre soin de ce qui vous plaît.

Le Président Bush peut placer sa victoire à la banque, et son portefeuille politique a été renforcé par des majorités Républicaines accrues dans les deux Chambres du Congrès. Voilà la bonne nouvelle pour le président. Pratiquement toutes les autres nouvelles sont mauvaises.

Un article sous la rubrique business du Times d'hier fait remarquer : "Au moment même où le Président Bush célébrait mercredi sa victoire électorale, son ministère des finances émettait un rappel inquiétant des défis économiques à venir."

Avec l'explosion du déficit budgétaire, le gouvernement va devoir emprunter 147 milliards de dollars dans les trois premiers mois de 2005, un record trimestriel. Mais ce record sera vite dépassé. Le gouvernement dépense des sommes abyssales, et la nation a une guerre à financer. Un nouveau record est quasiment sûr d'être établi avant la fin de l'année.

La gestion des finances n'est pas un des points forts du président. Les signes plus et les signes moins ne veulent rien dire pour lui. S'il signait de vrais chèques, ils seraient en bois d'une essence plus dure que le béton. Les recettes du gouvernement fédéral ont été cette année inférieures de 100 milliards de dollars à ce qu'elles étaient lorsqu'il est arrivé au pouvoir, et les dépenses sont supérieures de 400 milliards.

Hier, à sa conférence de presse, le président a bien précisé que sa promesse électorale de plus — et non pas moins — de réductions d'impôts pour les très riches est en tête du programme de son second mandat.

M. Bush a fait beaucoup pour obtenir le soutien des groupes religieux. Il va avoir besoin de toutes leurs prières pour qu'un miracle surgisse afin d'exclure temporairement toutes les règles de l'arithmétique et pour empêcher son château de cartes fiscal de s'effondrer.

Pendant ce temps, la situation en Irak, éclipsée par les élections, est toujours aussi épouvantable. Les insurgés ont fait sauter un pipeline de première importance mardi, le dernier coup dur porté aux efforts pour remettre l'économie iraquienne dans les rails. Trois soldats britanniques ont été tués hier lors d'une attaque. Les assassinats, les kidnappings et les explosions de véhicules se poursuivent. L'association humanitaire "Médecins Sans Frontières" a annoncé qu'il allait cesser ses opérations en Irak à cause des risques implacables. Et la Hongrie est devenue le dernier partenaire en date de la coalition américaine à annoncer qu'elle retirerait ses troupes d'Irak.

En d'autres termes, rien n'a changé. La victoire de M. Bush ce mardi ne prend pas appui sur la compétence qu'il a démontrée à exercer ce poste ou sur une série de succès ressentis. De tout ce que nous avons entendu sur les valeurs, le président a fait une campagne adressée avant tout aux peurs et aux préjugés des électeurs. Il n'a pas dit qu'il avait amélioré la vie des Américains moyens pendant les quatre ans passés. Il n'a pas dit qu'il avait transformé les écoles ou rendu les facultés plus abordables ou procuré des emplois aux chômeurs ou l'aide médicale aux malades et aux vulnérables.

Il a dit, essentiellement, ayez très peur ! Soyez effrayés par le terrorisme, de ces dangereux mariages homosexuels et de ceux dans sa société pluraliste qui pourraient avoir des pensées et des croyances différentes des votre !

Comme d'habitude, il a retourné la réalité à l'envers. Une valeur fondamentale américaine est la tolérance pour les idées différente de la votre. L'élection de ce mardi a été une course de vitesse consternante vers l'intolérance, allumée par un président souriant qui passé maître pour séduire les plus bas aspects de notre nature.

Ce m'amène aux Démocrates - les électeurs, pas les politiciens - et ils vont à partir de maintenant. J'ai été frappé par la démoralisation extraordinaire, voire même la sombre désespoir, parmi un grand nombre d'électeurs qui voulaient désespérément que John Kerry inflige une défaite à M. Bush. "Nous avons fait tout ce que nous pouvions," m'a dit une dame, "et nous avons quand même perdu."

Voici mon conseil : Vous avez eu deux jours pour céder à la déprime - maintenant, surmontez-la ! L'élection a été perdue mais il reste toujours un pays à sauver, et avec les dirigeants actuels ce ne sera pas du gâteau ! Les questions cruciales, telles que la Cour Suprême et l'Aide Sociale, ont été considérées, depuis bien trop longtemps, comme immuables et sont à présent en danger. Se laisser aller à la dépression ou se sentir impuissant ne devraient pas être des options alors que le pays se précipite dans le vide à la vitesse grand V.

Retroussez vos manches et faites ce que vous pouvez. Parlez à vos voisins. Appelez ou écrivez à vos élus. Soyez volontaires pour aider dans les campagnes politiques. Faites circuler des pétitions. Assistez aux meetings. Protestez. Présentez-vous aux élections. Soutenez de bons candidats qui se présentent aux élections. Faites inscrire les gens sur les listes électorales. Tendez les bras aux jeunes et aux indifférents. Levez des fonds. Restez informés. Et votez, votez, votez - à chaque fois que vous le pouvez.

La démocratie est une brise pendant les périodes fastes. Mais c'est lorsque les tempêtes font rage que la citoyenneté est testée. Et il y a un vent à décorner les bœufs qui souffle actuellement.

E-mail: bobherb@nytimes.com

Traduit de l'anglais (américain) par Jean-François Goulon