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     La Chambre d'Écho de Bush
    Par Bob Herbert
Publié le 19 novembre 2004 dans The New York Times

Colin Powell, qui a pressé le président à réfléchir plus en profondeur sur les conséquences de l'invasion de l'Irak, est poussé vers la sortie. Et Condoleeza Rice, qui a allègrement dit à l'Amérique : "Nous ne voulons pas que le pistolet encore fumant se transforme en champignon atomique," a pris sa place.

La compétence n'a jamais été beaucoup prise en compte par les fantaisistes du gouvernement de George W. Bush. Dans les cercles de ce dernier, la loyauté représente tout, au même degré que dans les gangs d'adolescents. La grande différence, bien sûr, c'est que le gouvernement est bien plus dangereux que n'importe quel gang. L'histoire montrera que la foule des incompétents de Bush a apporté une quantité incroyable de souffrance à un nombre énorme de personnes. La quantité de sang qui a été versé est insupportable, et on ne voit pas la fin de toute cette misère.

Ironiquement, Melle Rice était censée représenter la compétence incarnée. Elle était l'ancienne et charmante doyenne de l'Université de Stanford. Experte en affaires relatives à l'Union Soviétique et aux pays de l'Est, elle était aussi une pianiste accomplie, une patineuse sur glace, une joueuse de tennis et la tutrice du candidat présidentiel George W. Bush en matière de politique étrangère.

Elle était une superwoman et eux ne sont pas devenus plus compétents.

Elle a développé des liens remarquables avec M. Bush, qui en a fait sa conseillère à la sécurité nationale. Cela a posé problème, car toutes les preuves montrent qu'elle n'a pas été très bonne dans ce travail.

La fonction de Melle Rice était de servir de filtre à travers lequel une quantité incroyable de renseignements triturés et mal foutus sont arrivés jusqu'au président et au peuple américain. Soit elle croyait dans le non-sens qu'elle débitait à propos des champignons atomiques, soit elle a délibérément induit en erreur le président et la nation sur des problèmes qui ont fini par causer la mort de milliers de personnes.

L'ami intime du Ministre Powell, et aussi ministre-adjoint des Affaires Etrangères, Richard Armitage, a considéré avec mépris l'opération de Melle Rice. Dans son livre, "Plan d'Attaque" [chez Denoël], Bob Woodward rapporte que M. Armitage "pensait que le système de politique étrangère supposé être coordonné par Rice était essentiellement dysfonctionnel."

En octobre 2003, le président, frustré par les revers en Irak, a placé Melle Rice en charge du Groupe de Stabilisation en Irak (Iraq Stabilization Group), ce qui lui a attribué la responsabilité de superviser l'initiative destinée à enrayer la violence et à commencer la reconstruction de l'Irak.

On voit dans les gros titres comme cela a bien marché !

Brent Scowcroft, conseiller à la sécurité nationale du premier Président Bush, fut un mentor crucial pour
Melle Rice. C'est lui qui l'a nommée en 1989 au Conseil National à la Sécurité (NSC). Il eût été meilleur pour Melle Rice et pour la nation qu'elle suivît les conseils de M. Scowcroft à propos de l'Irak.

Le point de vue que M. Scowcroft avait largement exprimé avant la guerre, était que les Etats-Unis prennent les plus grandes précautions. Il ne pensait pas que l'invasion programmée fut sage ou nécessaire. Dans un article paru dans le Wall Street Journal en août 2002, il écrivait :

"Il n'y a guère de preuves liant Saddam aux organisations terroristes, et encore moins aux attaques du 11 septembre. De toute évidence, les objectifs de Saddam n'avaient pas grand chose en commun avec ceux des terroristes qui nous menacent, et il a peu d'intérêt à faire cause commune avec eux."

Melle Rice a montré peu d'intérêt vis à vis de l'opinion de M. Scowcroft, tout comme George W. Bush vis à vis de celle de son père. (Lorsque Bob Woodward a demandé à M. Bush s'il avait consulté l'ancien président sur la décision d'envahir l'Irak, celui-ci a répondu : "Il y a un père plus élevé auquel je fais appel.")

Quand je vois les conséquences désastreuses des politiques que Bush à déployées — pas seulement en Irak, mais aussi ici, en Amérique — je suis frappé par l'immaturité de cette administration, quelque soit l'âge des fonctionnaires en question. C'est un peu comme si les enfants avaient pris le pouvoir et dit aux adultes de faire leurs valises. Le conseil des plus sages, comme George H. W. Bush, Brent Scowcroft ou Colin Powell, n'est ni nécessaire, ni sollicité.

Quelques unes des décisions le plus importantes pour le monde — souvent des décisions de vie ou de mort — ont été laissées aux moins compétents et aux moins expérimentés, à des hommes et à des femmes dont les qualités nécessaires à la prise de risque et à la perception et à la compréhension des conséquences de leurs actes sont totalement déficientes. Des hommes et des femmes inconscients et dangereusement influençables à la pensée magique et à la pression idéologique exercée par leurs pairs.

J'observe la catastrophe en Irak, la débâcle fiscale à la maison, à quel point la loyauté surpasse la compétence aux plus hauts niveaux de l'administration, l'absence de vision cohérente sur l'avenir des États-Unis et du monde, et je me demande, en éprouvant une tristesse profonde, où sont passés les adultes.

E-mail: bobherb@nytimes.com

Traduit de l'anglais (américain) par Jean-François Goulon