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     L'Ère de l'Exploitation
    Par Bob Herbert
Publié le 15 mars 2005 dans The New York Times

Le Congrès est en vacances parlementaires et la presse s'est emballé avec l'affaire Terri Schiavo. Alors, très peu d'attention a été consacrée aux propositions scandaleusement injustes et imminentes du budget, mais qui sont le reflet plutôt exact de la sorte de pays que les États-Unis sont devenus.

Le Président Bush croit en une société basée sur la propriété, ce qui signifie qu'à l'exception des riches, vous ne pouvez compter que sur vous-mêmes. Le budget du président réduirait le financement de l'aide médicale, des bons d'alimentation, de l'éducation, des transports, de la couverture médicale pour les anciens combattants, du maintien de l'ordre, de la recherche médicale et des inspections de sécurité en matière d'alimentation et de médicaments. Et, Bien sûr, ce budget comporte une grosse réduction d'impôts pour les riches.

Voici les nouvelles priorités américaines. Les Républicains vous diront qu'elles ont été ratifiées par la dernière élection présidentielle. Nous pouvons bien être enfermés dans une guerre longue et coûteuse, et les déficits fédéraux peuvent bien monter en flèche jusqu'à la lune, l'époque du partage des sacrifices est révolue. Nous sommes entrés dans l'ère de l'exploitation tous azimuts. Tous les sacrifices seront supportés par les classes travailleuses et les pauvres, et la grande masse des bénéfices s'accumulera vers les riches.

Franklin D. Roosevelt aurait observé toute cette folie sans desserrer les mâchoires. Même son grand édifice que représente la Sécurité Sociale reçoit les assauts des vandales du Parti Républicain.

Tandis que l'attention de la presse et du public est détournée par des nouvelles sensationnelles qui tombent les unes après les autres — Terri Schiavo, Michael Jackson, l'usage des stéroïdes dans le base-ball, etc. — le président et son Parti poursuivent leur campagne incroyable pour miner ces programmes qui étaient destinés à écarter l'indigence et à fournir une base raisonnable de sécurité économique pour ceux qui ne jouissent d'une grande fortune.

Pour les cinq prochaines années, le Président Bush propose des coupes de plus de $ 200 Mds pour les programmes discrétionnaires, et $ 26 Mds pour les programmes de droits sociaux. Le Center on Budget and Policy Priorities, qui analyse les propositions du président, a déclaré :

"Les chiffres présentés dans le budget montrent que l'assistance à l'enfance prendrait fin pour 300.000 enfants dans la précarité d'ici à 2009. La réduction des bons d'alimentation toucherait environ 300.000 personnes en difficulté, dont la plupart sont des familles de travailleurs à bas revenus avec enfants. La réduction du financement de l'aide médicale obligerait à coup sûr de nombreux Etats à réduire aussi leurs programmes d'aide médicale, accroissant les rangs des personnes sans couverture médicale."

Le financement de l'éducation serait réduit au début de l'année prochaine, et les réductions seraient plus importantes les années suivantes. L'aide alimentaire pour les femmes enceintes, les nourrissons et les enfants, serait réduite. Le financement des traitements contre le VIH et le SIDA serait réduit de plus d'un demi milliard de dollars sur les cinq ans à venir. Le soutien aux programmes de protection de l'environnement serait dramatiquement réduit. Etc.

Les conservateurs insistent pour dire que les réductions sont nécessaires afin de retrouver le contrôle du déficit d'un budget fédéral devenu complètement fou. Mais ils ont du mal à garder un visage sincère lorsqu'ils racontent cette histoire. Plombée par les réductions d'impôt, la proposition du président conduirait à une augmentation — et non une diminution — du déficit. Partager les sacrifices est un anathème pour la foule de ceux qui gagnent gros.

La Chambre des Représentants a voté un budget similaire à celui du président, sauf qu'il contient des réductions encore plus importantes des programmes en faveur des pauvres. Au Sénat, une poignée de Républicains à rechigné devant la réduction proposée relative à l'aide médicale. En votant avec les Démocrates, il ont pu écarter ces réductions qui faisaient partie de la proposition du Sénat. Le Sénat a aussi ajouté $ 5,4 Mds au financement de l'éducation pour 2006.

Toutes ces propositions budgétaires comportent plus de $ 100 Mds de réductions d'impôts sur les cinq ans à venir, ce qui tourne en dérision la rhétorique d'équilibre du budget du Parti Républicain. Lorsque le Congrès rentrera de ses vacances pascales, les dirigeants républicains tenteront de concilier les divergences de ces différentes propositions. Quelle que soit l'issue, ce sera de mauvaises nouvelles pour les Américains ordinaires. Grosses réductions en perspective !

Les avancées dans des secteurs comme l'éducation, les programmes de lutte contre la pauvreté, les services de santé, la protection de l'environnement et la sécurité alimentaire ont été obtenues après des luttes qui, dans certains cas, ont duré plusieurs décennies. Retourner en arrière maintenant (nuisant dans le processus à des millions de gens) à cause de ce désir de siphonner des fonds de ces programmes et de les donner, par les réductions d'impôt, aux membres les plus riches de notre société, est obscène.

Non, ce n'est pas une info nationale extraordinaire. Juste la manière dont sont les choses. Herbert Hoover disait : "Vous savez, le seul problème avec le capitalisme ce sont les capitalistes. Il sont foutrement trop gourmands."

E-mail: bobherb@nytimes.com

Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Jean-François Goulon