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Bush Vise Chavez et Morales

Le Défenseur Impérial des Droits de Propriété

Par Roger Burbach

CounterPunch - 26 mai 2006

George W. Bush s'est manifesté avec des mots très durs contre les gouvernements bolivien et vénézuélien. "Permettez-moi de le dire crûment - je m'inquiète de l'érosion de la démocratie dans les pays que vous avez mentionnés", a déclaré Bush en réponse à une question qui lui a été posée sur le Venezuela et la Bolivie. "Je vais continuer à rappeler à notre continent que le respect des droits de propriété et des droits de l'homme est essentiel pour tous les pays", a-t-il ajouté.

Tandis que l'animosité que Bush éprouve pour le Vénézuélien Hugo Chavez est bien connue, ses commentaires critiques sur la Bolivie ont plutôt créé la surprise, étant donné que Evo Morales n'est que depuis quelques mois le premier président indien de ce pays et n'a rien fait pour contrecarrer le processus démocratique. Le ministre bolivien des affaires étrangères, David Choquehuanca, a fait remarquer : "Nous sommes en train de créer une démocratie participative et le monde entier le sait. Je ne comprends pas comment les Etats-Unis peuvent affirmer que la démocratie se réduit..."

Le véritable agenda de Bush se reflète dans son appel au "respect des droits de propriété". Un changement est en cours en Amérique du Sud alors que Morales et Chavez manœuvrent pour exercer un plus grand contrôle de leurs ressources énergétiques et qu'ils défient les plans étasuniens d'une zone de libre échange sur ce continent. Ainsi que le président du sénat bolivien, Santos Ramirez, l'a fait remarquer : "La Bolivie et l'Amérique Latine ne sont plus ces démocraties serviles qui tolèrent … la pauvreté et renoncent à leur souveraineté".

Début mai, Morales a annoncé que la Bolivie nationaliserait ses ressources énergétiques, en particulier ses exportations de gaz naturel. Tandis qu'aucune grande entreprise n'a été expropriée sur-le-champ, Morales a bien fait comprendre que "le pillage de nos ressources naturelles par les entreprises étrangères est terminé".

En même temps, Morales manœuvre pour refaçonner les relations commerciales du pays, en particulier avec le Venezuela. Cette semaine, Hugo Chavez s'est envolé pour la Bolivie en déclarant "nous allons concrétiser le Traité Commercial des Peuples", un accord qui a été récemment signé entre le Venezuela, la Bolivie et Cuba. Il a été ouvertement lancé comme alternative à la Zone de Libre Echange des Amériques soutenue par les Etats-Unis et basée sur les principes néolibéraux qui facilitent l'expansion des grosses multinationales.

La Bolivie et le Venezuela ont signé huit accords différents traitant de 200 projets différents, concernant l'énergie, les mines, l'éducation, les sports et les échanges culturels. Le plus important est que le Venezuela a accepté d'investir plus d'un milliard de dollars pour aider à industrialiser la production de gaz naturel en Bolivie, y compris la construction d'un complexe pétrochimique. Le Venezuela fournit aussi du fioul, que la Bolivie ne produit pas, en échange de la vente de soja. Cela arrive à un moment opportun pour la Bolivie alors que la majeure partie de ses exportations de soja partaient en Colombie, qui vient juste de signer un accord de libre échange avec les Etats-Unis. L'accord américano-colombien signifie que des grains bon marché et subventionnés par les Etats-Unis vont inonder la Colombie, expulsant ainsi le soja bolivien.

En Bolivie, Morales a emmené Chavez visiter le Chipare, cette région semi-tropicale où il s'est fait connaître comme chef de la confédération des planteurs de coca. Là-bas, ils ont annoncé leur intention de construire une usine de transformation des feuilles de coca pour les tisanes, les produits médicaux et les cosmétiques. Ceci va certainement mettre les Etats-Unis en colère qui ont poursuivi, pendant des années, une politique d'éradication forcée du coca au Chipare, conduisant à la militarisation quasi-totale de la région. L'alliance économique bourgeonnante entre le Venezuela et la Bolivie aide aussi à gommer les difficultés qui ont surgi entre le Brésil et l'Argentine contre la détermination de Morales d'exercer un plus grand contrôle de ses exportations de gaz naturel. Ces deux pays voisins ont des investissements significatifs dans les champs gaziers de Bolivie, et tous deux importent du gaz pour l'usage domestique à des prix très en dessous du marché mondial. Lors d'une réunion internationale des dirigeants européens et latino-américains, qui s'est tenue récemment à Vienne, en Autriche, Morales et le Président brésilien Luis Inacio Lula da Silva ont échangé des mots très durs à propos de cette initiative consistant à élaborer un nouvel accord sur le gaz naturel. Tandis que les deux dirigeants se sont réconciliés officiellement avant de quitter l'Autriche, il y a peu de doute que le soutien de Chavez offre à la Bolivie un levier dans ses négociations avec ses deux voisins plus puissants.

Le Venezuela est aussi en train de signer un accord financier destiné à renforcer le système bancaire et monétaire de la Bolivie. Il s'agit de renforcer l'influence de Morales vis-à-vis des Etats-Unis et des institutions financières internationales. Fin mars, le gouvernement bolivien a annoncé qu'il ne solliciterait pas de nouveaux prêts du FMI. Au cours des dernières décennies, le FMI a soulevé pas mal d'antipathie, alors qu'il a restreint les dépenses sociales et obligé la privatisation des entreprises d'Etat, en particulier dans l'industrie minière de l'étain.

La visite de Chavez en Bolivie coïncide avec l'ouverture de la Foire Commerciale, un projet du Traité Commercial des Peuples entre la Bolivie, le Venezuela et Cuba. Des entreprises de ces trois pays y ont participé avec pour objectif d'étendre le commerce et de partager leur expertise technologique. Pendant cette foire, le vice-président bolivien, Alvaro Garcia Linera, a critiqué le régime néolibéral des Etats-Unis, affirmant : "Il n'est pas nécessaire pour les petits producteurs et les petits entrepreneurs de se subordonner au capital financier. Il existe d'autres formes d'interdépendance, d'autres formes de mondialisation, d'autres moyens de générer des échanges régionaux de produits, d'idées et de biens de première nécessité". Garcia Linera a conclu : "La Bolivie a besoin du monde et produira pour le monde entier".

Roger Burbach est le directeur du Centre pour l'Etude des Amériques (CENSA) et un expert invité à l'Institut des Etudes Internationales de l'Université de Californie, Berkeley.


Traduit de l'anglais (États-Unis) par [JFG-QuestionsCritiques]