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Les Etats-Unis de plus en plus hostiles vis-à-vis du Venezuela

Rumsfeld et Negroponte multiplient les attaques contre Chavez

Par Eva Golinger

CounterPunch, 3 février 2006


Lors d'une apparition au National Press Club, [le 3 février] à Washington, le Secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld a comparé le président vénézuélien Hugo Chavez à Hitler. Il a déclaré : "Nous avons Chavez au Venezuela avec plein d'argent provenant du pétrole. Il est une personne qui a été élue légalement, tout comme Adolf Hitler fut légalement élu, ensuite il a consolidé son pouvoir et aujourd'hui, bien sûr, il travaille étroitement avec Fidel Castro, Evo Morales et d'autres. Cela m'inquiète".

Au même moment, alors qu'il déposait devant la Commission d'Enquête Sénatoriale sur les Renseignements du Congrès américain, John Negroponte, le Directeur National des Renseignements, qui supervise les 15 corps du renseignement des Etats-Unis, a déclaré : "Au Venezuela, le Président Chavez, s'il est réélu plus tard dans l'année, semble prêt à user de son contrôle du législatif et des autres institutions pour continuer d'étouffer son opposition, réduire la liberté de la presse et s'enraciner au moyen de mesures, certes techniquement légales, mais qui restreignent cependant la démocratie. Nous nous attendons à ce que Chavez resserre encore ses relations avec Castro (le Venezuela fournit environ les deux tiers des besoins de l'île en pétrole à des conditions de crédit préférentielles). Il cherche à renforcer ses liens économiques, militaires et diplomatiques avec l'Iran et la Corée du Nord pour les rendre plus étroits. Chavez a réduit la coopération antidrogue avec les Etats-Unis. L'augmentation des revenus du pétrole a permis à Chavez de s'embarquer dans une politique étrangère militante en Amérique Latine. Il fournit du pétrole à des conditions de paiements favorables pour gagner des alliés, il utilise des réseaux médiatiques nouvellement créés pour générer des soutiens dans ses objectifs bolivariens et il s'immisce dans les affaires internationales de ses voisins en soutenant tel ou tel candidat lors des élections présidentielles".

En plus de déformer dangereusement la réalité sociale et politique vénézuélienne et de comparer de façon absurde Chavez à Hitler - contre lequel les Etats-Unis sont entrés en guerre mondiale - ces déclarations mettent en évidence l'escalade effrayante des agressions contre le gouvernement et le peuple vénézuéliens par l'Administration Bush. Rumsfeld et Negroponte représentent les deux entités des Etats-Unis qui font la guerre : la Défense et les Renseignements. Les positions qu'ils prennent vont au-delà de la rhétorique diplomatique du Département d'Etat qui a été vigueur ces dernières années et jusqu'à aujourd'hui et sont annonciatrices du risque grandissant d'une guerre entre les deux nations. Tandis qu'ils se préparent à agir contre l'Iran dans un avenir très proche, en dénonçant publiquement les liens qu'entretient le Venezuela avec l'Iran - ainsi qu'avec la Corée du Nord -, les Etats-Unis préparent le terrain pour justifier l'inclusion du Venezuela sur la liste des nations ciblées par l'administration Bush pour une intervention militaire. Les preuves concrètes que le gouvernement vénézuélien a collectées ces dernières années sur une affaire d'espionnage impliquant les Etats-Unis, et qu'il a rendues publiques vient de résulter dans l'expulsion d'un attaché militaire américain, le capitaine de vaisseau John Correa. Ce dernier a recruté des officiers de la navale vénézuélienne pendant plus d'un an, afin d'obtenir des informations de l'intérieur sur les stratégies politiques et militaires du gouvernement vénézuélien et pour pousser des hauts-fonctionnaires vénézuéliens à se retourner contre le Président Hugo Chavez. L'Ambassade des Etats-Unis à Caracas et son ambassadeur, William Brownfield, ont eu beau nier avoir eu connaissance d'agissements répréhensibles de la part de fonctionnaires diplomatiques américains, la preuve d'une pénétration illégale des forces armées vénézuéliennes par des attachés militaires américains a été apportée contre son auteur.

Voici un extrait du témoignage d'un soldat vénézuélien, recruté par l'Ambassade des Etats-Unis, et qui travaillait comme "agent-double" pour le gouvernement vénézuélien, et qui sera publié intégralement dans mon prochain livre, la suite de Chavèz Code : Cracking U.S. Intervention in Venezuela :

"Je suis un soldat professionnel et je dépends du groupe de commandement des opérations. Je témoigne sous serment des activités de fonctionnaires de l'Ambassade des Etats-Unis [à Caracas]. Ils cherchent à obtenir des informations et des analyses sur certaines activités de membres de nos Forces Armées et ils sont en contact avec des fonctionnaires qui travaillent sur les activités de nos Forces Armées pour le ministre de la défense et les renseignements [américains]. Mon travail est d'essayer de découvrir certaines informations et de coordonner différentes organisations politiques [vénézuéliennes], telles que les Tupamaros, les Cercles Bolivariens et les gens qui travaillent avec Lina Ron. On me demande aussi des informations sur l'acquisition en armement des Forces Armées. Je déclare ci-après que je travaille comme infiltré (agent-secret) dans ces groupes, que je ne partage pas leurs vues anti-américaines, j'essaye juste d'obtenir la meilleure information possible pour mes supérieurs, pour la défense de notre nation". "Que vous donnent-ils en échange ?"

"De l'argent, des contacts politiques et la possibilité de travailler."

"Que vous ont-ils donné de mieux jusqu'à présent ?"

"Un visa de dix ans pour entrer aux Etats-Unis quand je le désire et ils m'ont promis que dans le futur je pourrai suivre un cours dans leur agence de renseignements aux Etats-Unis et qu'une fois que je leur aurai prouvé ma loyauté et qu'ils pourront voir que j'ai vraiment des tripes, je pourrais peut-être suivre un cours à la CIA, c'est ce que l'attaché militaire de l'ambassade, [le nom a été supprimé], m'a dit directement".

Les déclarations que Rumsfeld et Negroponte ont faites aujourd'hui confirment tout bonnement l'entêtement du gouvernement américain à poursuivre ses efforts pour renverser du pouvoir le Président Chavez et pour entraver le développement de la révolution bolivarienne. Ces dernières années, l'Administration Bush a débloqué des millions de dollars dans la construction au Venezuela d'un mouvement d'opposition au gouvernement Chavez. L'argent des contribuables [américains], filtré par le National Endowment for Democracy et l'Agence US pour le Développement International, a servi à financer le coup d'état avorté contre le Président Chavez et le sabotage de l'industrie pétrolière, qui a coûté des milliards de dollars à la nation vénézuélienne, sans pour autant réussir à chasser du pouvoir l'administration Chavez. Pour l'année 2006, le Congrès américain a alloué plus de 9m$ aux groupes d'opposition vénézuéliens (toujours l'argent du contribuable américain) et a lancé des opérations psychologiques coordonnées à partir du Commandement des Opérations Spéciales du Pentagone à Tampa, en Floride. Dans un document publié par l'US Army en octobre 2005, intitulé "Doctrine pour une Guerre Asymétrique Contre le Venezuela", le Président Chavez et la Révolution Bolivarienne ont été étiquetés "menaces les plus importantes depuis l'Union Soviétique et le communisme".

Il est clair que l'Administration Bush a décidé que le Venezuela et le Président Chavez représentent une "menace sévère" à la domination des Etats-Unis dans la région et au contrôle américain sur les ressources énergétiques dans cet hémisphère. Le Venezuela pourrait très bien être le prochain sur la liste des "guerres préventives" à l'Irakienne. Les citoyens américains doivent prendre conscience des mesures dangereuses que leur gouvernement est en train de prendre contre une nation qui ne fait qu'exercer démocratiquement son droit souverain de décider elle-même du type de système social et politique qu'elle désire. La démocratie au Venezuela, participative par nature, est soutenue par plus de 70% de sa population. Des sondages récents situent la popularité du Président Chavez à 77%.

Les citoyens du monde entier ont pu être les témoins privilégiés, lors du 6ème Forum Social Mondial qui vient de se terminer à Caracas, que la révolution démocratique vénézuélienne est en pleine santé. Des dizaines de milliers de voix venant du monde entier peuvent attester, aux côtés de millions de Vénézuéliens, qu'il n'existe au Venezuela, ni dictature, ni menace, à la démocratie. La seule menace que le Venezuela présente pour les Etats-Unis est d'être un bon exemple.


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Eva Golinger est une avocate vénézuélo-américaine et l'auteur de "The Chavez Code : Cracking U.S. Intervention in Venezuela" [Le code Chavez: déchiffrer l'intervention US au Venezuela].


Traduit de l'anglais (États-Unis) par Jean-François Goulon