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Journal d'un Séisme Mexicain

Pinche Indios!"[Enfoirés d'Indiens!]

Par John Ross

CounterPunch, jeudi 31 août 2006

Mexico, La fraude criminelle [1] perpétrée contre le candidat de gauche Andres Manuel Lopez Obrador (AMLO), lors de l'élection présidentielle du 2 juillet 2006, par le parti de droite, le PAN, l'Institut Electoral Fédéral et le Tribunal Suprême Electoral, a une fois de plus démasqué le racisme qui sévit au Mexique.

Depuis le début des campagnes [électorales], en janvier dernier, il est devenu évident que Lopez Obrador représente les aspirations de la sous-classe mexicaine basanée. Son rival de droite, Felipe Calderon, lui, est entouré d'un personnel bien blanc. Bien que les médias et la classe politique refusent de reconnaître cette réalité, deux mois après la course présidentielle la plus chaudement disputée de l'histoire de la nation, le racisme conduit le Mexique comme un véhicule dans un précipice.

Lundi dernier (29 août), le Tribunal (intégralement blanc) a accéléré cette course-suicide, en ignorant amplement les preuves de bourrage des urnes et de fraude informatique, présentées par les représentants électoraux de Lopez Obrador, et en confirmant la "victoire" sérieusement douteuse de Calderon — et de l'élite blanche dirigeante.

Bien que la couleur ait été au centre de la tempête post-électorale, ici, pendant deux mois, parmi les quelques-uns à jouer à voix haute la carte de la race, on retrouvait la sénatrice nouvellement élue Maria Irma Ortega. Elle est tout ce qu'il y a de plus vert avec le Parti Vert Ecologiste Mexicain (PVEM), qui est parfois un allié de Fox et qui est toujours disponible pour le plus offrant. Obligée d'entrer dans le bâtiment du Sénat, situé au centre de Mexico, en passant par la porte de derrière (la manifestation des enseignants d'Oaxaca bloquait la porte d'entrée et les gens de Lopez Obrador bouchaient les rues transversales), Ortega a crié haut et fort à la presse ce que de nombreux mexicains blancs murmuraient depuis des jours : "Comment est-ce possible que ces pinche Indios (enfoirés d'Indiens) ne me laissent pas passer ?"

Le conflit incendiaire qui s'est déclenché dans l'Etat d'Oaxaca (au sud du Mexique), où les escadrons de la mort de la police parcourent les rues en voiture, avant l'aube, abattant, sur l'ordre du Gouverneur Ulisis Ruiz — un homme blanc —, des professeurs et des supporters regroupés à l'Assemblée Populaire du Peuple d'Oaxaca (APPO), a des relents de racisme. Oaxaca est l'Etat mexicain où il y a le plus d'indigènes. Il est le foyer de 17 cultures indiennes distinctes et plus de 1,5 millions de citoyens d'origine indigène forment la majorité dans 412 des 572 cantons de cet Etat. L'APPO comprend les représentants d'un grand nombre de ces cantons à majorité indigène et de beaucoup de leurs camarades sur les barricades, les membres en grève de la Section 22 du Syndicat National des Travailleurs Educatifs qui enseignent dans la brousse indienne. Ces "maestros" bilingues sont en général la branche la plus radicale de la Section 22.

Ce ne peut difficilement être une coïncidence que Lopez Obrador, un blanc qui a grandi dans la région indienne chontale de son Etat natal de Tabasco et qui a le soutien écrasant des "gens de la couleur de cette terre", ainsi que le porte-parole absent du Sous-commandant Marcos a une fois appelé la sous-classe basanée, ait gagné Oaxaca haut la main, le 2 juillet. En fait, AMLO a remporté 16 Etats sudistes "bruns", pauvres et à forte densité indigène, tandis que Calderon a mis la main sur 16 Etats nordistes bien plus pâles, lors du scrutin de juillet gâché par la fraude.

Dans le Chiapas, où l'Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN) a démasqué, pour la première fois en 1994, le racisme mexicain en se soulevant contre le "mal gobierno" [la mauvais gouvernance], le PRD (le parti d'AMLO) et le PRI, depuis longtemps au pouvoir dans une alliance avec le PAN de Calderon, n'ont présenté que des blancs dans les élections des gouvernorats dans un Etat où au moins la moitié de la population est constituée d'Indiens Maya. L'homme blanc de Lopez Obrador semble avoir remporté de justesse une élection où l'abstention a été de 55%.

En vendant leurs candidats aux communautés indigènes, les partis ont opposé les Indiens aux Indiens et la tuerie a commencé avant que les bulletins ne commencent à être comptés, lorsque des supporters du PRI et du PRD ont ouvert le feu les uns sur les autres dans la ville haute de Tzotil dans le Zinacantan. Les corps sont restés pendant des heures, gisant sur le terrain de basket de la ville, les villageois trop effrayés d'approcher leurs morts. Les Zapatistes rejètent les élections et les partis politiques, précisément parce qu'ils divisent et font du tort aux communautés indiennes.

La nature pro-indienne de la croisade de Lopez Obrador, pour empêcher une petite élite blanche, personnifiée par Felipe Calderon, d'assumer la présidence, est attestée chaque soir à 7 heures, lorsque les spectateurs se rassemblent par milliers sur la Plaza Zocalo de Mexico, qu'ils ont investie depuis un mois. La couleur de ceux qui sont rassemblés est presque uniformément celle de la terre. Dans la foule, il y a quelques blancs et même des visages métis "guero" [légèrement coloré], mais encore moins de costumes. Ce journaliste se sent souvent comme un martien dans ce mélange, mais mon âge me sauve. Un si grand nombre de ceux qui viennent à ces rassemblements nocturnes marchent avec des canes, claudiquant par l'âge, fatigués d'avoir été piétinés, pendant toute leur vie difficile, par les blancs qui dirigent cette terre polarisée sur la race.

Vous le voyez sur leurs visages bruns et ridés : des concierges de 70 ans et des bonnes éreintées qui sortent juste de leur travail dans les hôtels pour touristes environnants, des "abaniles" [journaliers], des petits vendeurs de rue basanés, aux visages tendus par cette colère, refoulée pendant 500 ans et enfouie sous les fouets des contremaîtres, les miettes que le mal gobierno saupoudre sur les pauvres, les fausses déclarations hypocrites le jour des fêtes nationales et la dictature de la télécratie.

Vous l'entendez dans l'intensité des chants qu'ils scandent, à la façon dont ils sortent de chaque gorge brune de courts cris de colère : "Duro !"[dur], "Fraude !", "No Pasaran !" [ils ne passeront pas !]. Le slogan "Voto Por Voto, Casilla Por Casilla" [Bulletin par bulletin, bureau par bureau] est presque trop long, désormais, pour exprimer leurs frustrations.

Les statistiques officielles sont toujours sous-estimées, mais près de 15 millions de Mexicains s'identifient eux-mêmes comme indigènes — soit environ 14% du peuple mexicain.

Une grande partie de la population — environ 80 millions d'âmes [sur plus de 100 millions] — est classée dans la catégorie des "Metizos", les métis, qui inclut les Indiens subissant l'intégration culturelle, ainsi qu'un éventail de couleurs de peau, allant des très foncés ("negros") aux couleur de paille ("triguenos", basanés) et aux "claras", les clairs, avec une profonde prédominance brune.

Sous la colonie, le Mexique était un Etat d'esclaves et les lignées africaines déteignaient tellement que les Espagnols mirent en place un système de 16 castes de races (les progénitures noir-noir, noir-indien, etc.). C'était le système d'Apartheid le plus rigoureux du monde. Mais les Afro-Mexicains, un tiers de la population au moment de la libération de 1821, se sont largement mélangés au milieu racial ambiant, colorant, dans ce processus, les visages des gens — à l'exception de poches sur la côte d'Oaxaca et à Veracruz.

Enfin, les 8 millions qui restent sont constitués de la classe-moyenne supérieure et de l'élite dirigeante. Ils sont aussi bien-blancs que Felipe Calderon et la hiérarchie du PAN [Parti d'Action Nationale]. Le Pan, en fait, est un parti qui a été créé pour protéger les privilèges de ses électeurs à la peau blanche.

Dans la tradition gringo grandiose du Grand Paternalisme Blanc, Felipe Calderon s'est aventuré à rencontrer les Indiens le 22 août, en se faisant déposer par hélicoptère dans une communauté Mazahua, juste à l'ouest de Mexico. Quelques milliers d'indigènes — les Mazahuas sont divisés (quelques-uns d'entre eux se sont alignés sur l'Autre Campagne des Zapatistes) — furent amenés par camions des villages isolés et alignés pour être fouillés et passés au détecteur de métaux pour s'assurer qu'ils ne transportaient ni bombes, ni matériel pro-AMLO. Calderon et sa femme Margarita, vêtue d'une combinaison indienne coûteuse, escortés par la garde présidentielle ou Estado Mayor [chef d'Etat] (bien qu'il ne fût pas encore président) ont descendu la rue principale en passant derrière les mêmes barrières métalliques de deux mètres de haut qui entourent désormais le Congrès Mexicain, pour maintenir les supporters d'AMLO à distance.

Il y a eu les discours habituels sur "nos frères indiens" et comment Calderon serait "le président des pauvres", complétés par des danses folkloriques indiennes. Mais lorsque les Mazahuas affamés finirent par s'asseoir à table pour dévorer le "barbacoa" (barbecue de mouton), une averse torrentielle s'abattit du ciel et mit instantanément fin à la fiesta. Les Dieux ne sont pas fous.

Les Informations Blanches

C'est peut-être sur les écrans de télévision que la guerre raciale indescriptible du Mexique est la mieux rendue. 100 pour-cent de ce(lles)ux qui lisent les mensonges qui servent d'informations sur Televisa et TV Azteca sont des Mexicain(e)s blanc(he)s, dont certain(e)s sont blond(e)s. Ils délivrent les nouvelles blanches : les informations de Calderon et sa "victoire" douteuse ; et, à quel point les basanés d'AMLO, qui souillent les rues de Mexico avec leurs campements dégoûtants, sont épouvantables. Bien qu'il soit blanc comme eux, AMLO lui-même ne mérite que rarement que l'on parle de lui, sauf si Le Monde ou le New York Times ont mené une interview de lui ce jour-là. Enfin, toute remarque sur la grande fraude perpétrée contre le peuple mexicain y est traitée avec dédain.

À Oaxaca, les personnes de couleur sont tellement en rogne contre les nouvelles des hommes blancs qu'ils ont occupé la télévision nationale et 11 stations de radio. Ils ont commencé à diffuser leurs propres informations sur les ondes. La plupart des propriétaires de ces radios se sont contentés de couper les transmetteurs mais certains étaient prêts à détruire leur propre équipement pour empêcher que les informations des basanés passent sur les ondes — à Channel 8, des cinglés ont versé de l'acide dans les consoles.

Mais les basanés sont déterminées et leurs bulletins d'information se faufilent vraiment dans tout l'Etat, sur les douzaines d'équipements radio des communautés indigènes, certains légaux, d'autres pas vraiment, comme Radio Planton (Radio Sit-In) qui vous délivre l'information basanée directement de la place occupée de la ville d'Oaxaca.

En haut, dans la capitale, même si Lopez Obrador est furieux d'être exorcisé des écrans blancs, il préconise la sérénité. La foule basanée répond souvent en hurlant "Que Muere Televisa !" (que la télévision doit mourir) et lacère verbalement toute personne qui a une caméra, prise en train de filmer au milieu d'eux. "Nous devons prendre le contrôle de Televisa comme nos frères à Oaxaca !" crie un très jeune homme à l'allure indienne, secouant le poing en l'air à quelques centimètres de mon scalp. "Non, vous avez tort !" admoneste en direction du "joven" [jeune] une femme courbée à l'allure très indienne et qui se tient à ma droite, "Nous avons promis à AMLO que nous ne serons pas violents".

Bien que le présentateur numéro un de Televisa, Joaquin Lopez Dorriga, soit le roi des informations blanches, la semaine dernière, il a montré pour une fois quelques gueules brunes : trois pêcheurs mexicains au requin qui auraient prétendument dérivé pendant 9 mois sur toute la distance qui les séparait des Îles Marshall, après que le moteur de leur bateau ouvert de neuf mètres tomba en panne au large des côtes pacifiques de l'Etat de Nayarit. Ces jeunes hommes affables et intrépides avaient survécu en mangeant du poisson cru et, une semaine, un canard mort. Et, pendant leur odyssée, ils ont bu de l'eau de pluie, s'émerveillait Dorriga — à ce stade il a consacré à ce sujet la majeure partie de son émission d'une heure.

Mais il y avait quelque chose qui clochait dans ce tableau — les "pêcheurs" semblaient plutôt bien nourris et bien peu carbonisés par le soleil brutal, comme c'est généralement le cas avec les naufragés qui ont dérivé pendant longtemps. "Des Survivants Submergés Par une Mer de Doutes", a titré El Universal. Certains ont suggéré que ces hommes étaient en fait sortis en mer pour pêcher le "requin blanc", c'est à dire des paquets de cocaïne largués dans la mer par des avions-narco volant à basse altitude. Deux autres pêcheurs étaient à bord pendant leur navigation de Nayarit, en novembre dernier, et leur disparition à fait courir une rumeur de cannibalisme.

Les gens de Lopez Obrador avaient une autre explication plausible : Televisa avait inventé toute cette histoire pour la télé, afin de détourner l'attention de la crise post-électorale.

Dans cette guerre contemporaine des castes, manquent les voix de ceux qui ont si vaillamment arraché pour la première fois le masque du racisme mexicain — les Zapatistes portent des masques de ski car, avant la rébellion, pour les blancs du Chiapas, ils étaient des gens "sans visages".

Depuis mai, les "caracoles" Zapatistes, ou centres publics, du Chiapas, ont été abandonnés sur l'ordre du Sous-commandant [Marcos]. À la veille de l'assaut atroce de la police contre les paysans de San Salvador Atenco, qui faisaient de la provocation, il déclara l'EZLN en "Alerte Rouge". Tandis que le Mexique se désintègre dans le chaos, le commandement général des rebelles, [le CRIC,] le Comité Révolutionnaire Indigène Clandestin, est resté muet ; et Marcos, habituellement plus loquace — l'Autre Campagne a fait naufrage à cause de la fraude électorale étourdissante — se déplace en silence dans tout le pays en se pressant autour de quelques poignées de supporters. De telles scènes ont été rapportées à Puebla, Morelos et Quetero, et un informateur des hautes terres jure que le Sup s'est récemment rendu dans le Chiapas. L'arrivée anticipée du commandant zapatiste à Mexico ne s'est jamais matérialisée.

Bien que les troubles à Oaxaca semblent être un véhicule adéquat pour raviver l'Autre Campagne, Marcos s'est querellé, l'hiver dernier, avec la Section 22 et les maestros deviennent maussades lorsqu'on les interroge sur le porte-parole zapatiste fantomatique. Lorsque son nom — et celui de La Otra — furent prononcés sur scène la semaine dernière, lors d'un rassemblement à Zocalo (que Lopez Obrador n'a pas organisé), une "rechifla" (sifflets de dérision) retentissante est montée de la foule. Et lors de la dernière assemblée d'information de dimanche [27 août 2006], les anciens avec lesquels je me tiens toujours font la grimace comme si cela sentait mauvais lorsque j'essaye de défendre l'EZLN. De nombreux supporters d'AMLO qui dissertent désormais sur les rebelles étaient venus en 2001 en nombre et avec enthousiasme pour les accueillir. Les Zapatistes avaient alors rempli cette même place avec 250.000 personnes.

La Convention National Démocratique (CND) des Zapatistes, dans une clairière de la jungle de Lacandon, a rapproché un grand nombre de points de vue mexicains lors d'une "coyuntura" (conjoncture) historique et inoubliable. Mais la présence de Marcos au conclave des mammouths du même nom, programmé pour le 16 septembre (plus d'un million de délégués sont attendus), est tout sauf confirmé. Mais, vraiment, si le sous-commandant devait y apparaître, étant données ses attaques à grande-échelle contre Lopez Obrador pendant l'Autre Campagne, il pourrait se retrouver en train de se balancer au réverbère le plus proche.

Néanmoins, la CND d'AMLO, qui est censée être une version beaucoup plus tiède de la Convention Zapatiste, a bien besoin de la sagacité révolutionnaire du Sup. D'ailleurs, elle est en train de prendre la forme d'une bataille pour les cœurs et les esprits des Indiens du Mexique. Lopez Obrador a invité l'ensemble des 57 peuples indigènes de la nation à venir se rassembler devant la Convention. Et il est sûr que les Accords Zapatistes sur les Droits et la Culture des Indiens ("Los Acuerdos de San Andres") [les Accords de Saint-André], signés par le mal gobierno mais jamais honorés (le propre parti d'AMLO l'a descendu au Sénat mexicain), vont devenir la pierre angulaire du nouveau programme de lutte du CND. Ce rassemblement géant, véritable congrès des Los de abajos (ceux d'en bas), ces citoyens très mécontents du processus électoral, pourrait être un terrain fertile de recrutement pour l'Autre Campagne anti-électorale.

Les jours qui viennent sont cruciaux pour le Mexique. Ce lundi, dans une décision prise rapidement, de façon stupéfiante, il n'a fallut que trois aux sept juges du TRIFE — la Cour de dernier recours pour statuer sur la fraude — pour rejeter à l'unanimité les montagnes de preuves des méfaits commis lors du recomptage récent de milliers d'urnes [qui a réduit l'avance de Calderon de près de 500.000 voix à 5.000] et, malgré le coût social qu'implique un verdict manipulé à ce point, ils ont confirmé l'avantage de Calderon. En agissant ainsi, les juges ont non seulement confirmé le vol à Andres Manuel Lopez Obrador de l'élection de 2006, mais aussi la prévalence de 500 ans de racisme institutionnel au Mexique.

Dans cette nation, à la fois voisine et distante [des Etats-Unis], septembre est le mois patriotique. Les 15 et 16 septembre commémorent la révolte du Père Miguel Hidalgo et de sa sous-classe armée, essentiellement noire et basanée, en 1810 contre la Couronne. Au début de ce mois, des gerbes patriotiques seront déposées devant les monuments dressés à la mémoire des "Niños Heroes" [les Enfants Héroïques], ces jeunes élèves officiers qui se sont jetés des balustrades du Château de Chapultepec plutôt que de se rendre aux envahisseurs yankee en 1846, et devant ceux du San Patricios, ce contingent irlandais qui est venu se battre aux côtés des Mexicains contre l'intrus américain et qui furent pendus pour cette expression maximale de la solidarité.

Les façades des monuments qui bordent le Zocalo sont décorées d'échantillons énormes des couleurs mexicaines rouge, blanc et vert, et des représentations géantes électriques des "héros qui nous ont donné une patrie" brilles sur les murs. Dimanche dernier, Lopez Obrador, peut-être animé par tout ce remue-ménage patriotique, a parlé de ces héros et a raconté comment, à leur époque, ils étaient tous calomniés par l'élite blanche, qui continue de garder sous son emprise cette nation de basanés. Le Père Hidalgo fut excommunié ; Benito Juarez, le premier président élu démocratiquement, était un "sale Indien" ; Francisco Madero, qui déclara la révolution mexicaine après que l'élection de 1910 fut volée par le dictateur Porfirio Diaz, était "un malade mental" ; les martyrs révolutionnaires, Francisco Villa et Emiliano Zapata, étaient "des brigands et des bandits". "Désormais, ils nous traitent aussi de fous et ils ont raison — nous sommes fous pour la démocratie. Ensemble, nous faisons l'Histoire et, un jour, nous tous qui sommes ici aujourd'hui seront aussi reconnus comme des héros", a déclaré, dimanche dernier, Lopez Obrador à des milliers de personnes de la couleur de la terre.

Dimanche après-midi, en rentrant chez moi, j'ai croisé Rutilio, l'infirme, un mendiant très basané (et très crasseux) pour lequel je contribue régulièrement à la collecte de vieux journaux. "Hola !" me fait-il signe rapidement, s'accroupissant contre le mur de l'église, "Je suis le Président du Mexique !"

Il s'agit d'une bataille sur beaucoup de choses : à propos des basanés et des blancs, des riches et des pauvres, de la démocratie électorale et d'une société humaine et juste — mais, par-dessus tout, c'est une bataille pour l'âme du Mexique.

Traduit de l'anglais par [JFG-QuestionsCritiques]

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Note :

[1] Lire l'article d'Ignacio Ramonet "Le Mexique fracturé", Monde diplomatique d'août 2006.