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Atrocités en Terre Promise

"La brutalité insensée de l'Etat d'Israël"

Par Kathleen Christison,
ancienne analyste de la CIA

CounterPunch, 17 juillet 2006

Il n'y a pas de mots assez durs : les termes ordinaires ne sont pas appropriés pour décrire les horreurs qu'Israël perpétue chaque jour - et depuis des années - contre les Palestiniens. On a décrit plus d'une centaine de fois la tragédie de Gaza, tout comme celles de 1948, de Qibya[1], de Sabra et Chatila, de Jénine - 60 années d'atrocités perpétrées au nom du judaïsme. Mais dans la plus grande partie d'Israël, dans l'arène politique américaine, dans les médias américains dominants, ce sont des oreilles sourdes qui reçoivent le message de ces atrocités. Ceux qui sont horrifiés - et ils sont nombreux - ne peuvent franchir le bouclier de l'impassibilité qui empêche l'élite politique et médiatique en Israël - et encore plus aux Etats-Unis, de plus en plus au Canada et en Europe - de voir et de se préoccuper.

Mais il est nécessaire de le dire maintenant, avec force : ceux qui conçoivent et qui appliquent les politiques israéliennes ont fait d'Israël un monstre et le temps est venu pour nous tous - tous les Israéliens, tous les Juifs qui permettent à Israël de parler en leur nom, tous les Américains qui ne font rien pour arrêter le soutien étasunien à Israël et à ses politiques meurtrières - de reconnaître que nous nous salissons moralement en continuant de ne rien faire alors qu'Israël poursuit ses atrocités contre les Palestiniens.

Une nation qui autorise la primauté d'une ethnie ou d'une religion sur toutes les autres finira par devenir psychologiquement dysfonctionnelle. Obsédée avec narcissisme par sa propre image, elle doit lutter pour maintenir sa supériorité raciale à tout prix et finira inévitablement par considérer toute résistance à sa supériorité imaginaire comme une menace existentielle. Vraiment, tout autre peuple devient automatiquement une menace existentielle simplement en vertu de sa propre existence. Alors qu'il cherche à se protéger contre les menaces fantômes, cet Etat raciste devient de plus en plus paranoïaque, sa société se ferme et devient insulaire, intellectuellement limitée. Les reculs l'enragent ; les humiliations l'exaspèrent. L'Etat se lâche dans un effort ivre, manquant de tout sens de la proportion, pour se rassurer de sa force.

C'était le modèle de l'Allemagne nazie, alors qu'elle cherchait à maintenir une supériorité Aryenne mythique. C'est à présent le modèle adopté par Israël. "Cette société ne reconnaît plus de frontières, géographiques ou morales", écrivait en 2004 le militant intellectuel et antisioniste Michel Warschawski dans son livre Towards an Open Tomb: The Crisis of Israeli Society [Vers une tombe ouverte : La crise de la société israélienne]. Israël ne connaît aucune limite et se lâche au fur et à mesure qu'il s'aperçoit que sa tentative de vaincre les Palestiniens dans la soumission et d'avaler la Palestine en entier est contrecarrée par un peuple palestinien résistant et digne qui refuse de se soumettre en silence et d'abandonner sa résistance à l'arrogance d'Israël.

Nous autres Américains sommes devenus endurcis à la tragédie infligée par Israël et nous tombons facilement dans le panneau qui consiste, par quelques tours d'imagination, à convertir automatiquement les atrocités commises par Israël en exemples de sa victimisation. Mais une institution militaire qui largue une bombe de 250 kilos sur un immeuble d'appartements au milieu de la nuit et tue 14 civils dans leur sommeil, comme c'est arrivé à Gaza il y a quatre ans, n'est pas une armée qui opère selon des règles civilisées. Une institution militaire qui largue une bombe de 250 kilos sur une maison au milieu de la nuit et tue un homme, sa femme et sept de leurs enfants, comme c'est arrivé à Gaza il y a quatre jours, n'est pas l'armée d'un pays doté d'une moralité.

Une société qui peut balayer d'un revers de main comme étant sans importance le meurtre brutal d'une jeune-fille de 13 ans par un officier de son armée au prétexte qu'elle menaçait des soldats à un poste militaire - près de 700 enfants palestiniens ont été assassinés par les Israéliens depuis que l'Intifada a commencé - n'est pas une société dotée d'une conscience.

Un gouvernement qui emprisonne une jeune-fille de 15 ans - parmi plusieurs centaines d'enfants détenus en Israël - pour le crime d'avoir poussé un soldat et s'être enfuie alors qu'il essayait de pratiquer sur elle une fouille au corps, alors qu'elle pénétrait dans une mosquée, n'est pas un gouvernement moral. (Cette histoire, pas de celles que l'on peut lire dans les médias américains, a été rapportée par le London Sunday Times. Cette fille a reçu trois balles alors qu'elle s'enfuyait et fut condamnée à 18 mois d'emprisonnement après sa sortie du coma).

Ceux qui critiquent Israël remarquent de plus en plus qu'Israël s'autodétruit, se rapprochant d'une catastrophe que cet Etat a causée lui-même. Le journaliste israélien Gideon Levy parle d'une société dans un "effondrement moral".

Michel Warschawski parle d'une "folie israélienne" et de "brutalité insensée", la "putréfaction" d'une société civilisée, qui a placé Israël sur une voie suicidaire. Il prévoit la fin de l'entreprise sioniste ; Israël est un "gang de loubards", dit-il, un Etat "qui se moque de la légalité et de la moralité civile. Un Etat dirigé dans le mépris de la justice perd sa force pour survivre".

Ainsi que Warschawski le fait remarquer avec amertume, Israël ne connaît plus de limites morales - s'il n'en a jamais eu. Ceux qui continuent de soutenir Israël, qui lui trouvent des excuses, tandis que cet Etat sombre dans la corruption, ont perdu leur boussole morale.

Traduit de l'anglais (États-Unis) par [JFG-QuestionsCritiques]

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note:

[1] Pour venger une femme de Yehoud et de deux de ses enfants, Sharon et ses " frères d'armes " passent la frontière, dans la nuit du 14 au 15 octobre 1953, pour dynamiter une à une toutes les maisons du village jordanien de Qibya, dont les meurtriers seraient originaires. Mais une soixantaine de civils s'y trouvent, dont de nombreuses femmes et enfants, qu'on retrouvera morts sous les décombres. (source : Le Monde Diplomatique).