Machines à voter Diebold
Hillary a-t-elle vraiment gagné dans le New Hampshire ?
Par Dave Lindorff
article original : "Did Hillary Really Win New Hampshire?"
CounterPunch — 11 janvier 2008
Quelqu'un aurait-t-il pu trafiquer le scrutin dans le New Hampshire ?
C'est la question que se posent certaines personnes, après avoir observé de près les totaux des suffrages, qui ont apporté, contre tous les sondages, une victoire surprise à Hillary Clinton dans la primaire Démocrate et une seconde place à Barak Obama. Mais, grâce au candidat Dennis Kucinich, nous allons probablement le savoir. Aujourd'hui, Kucinich a rempli une requête, et déposé la somme de 2.000 $, pour ordonner un recompte manuel des votes effectués sur des machines à voter, dans l'Etat [du New Hampshire].
Les sondages effectués la veille du scrutin donnaient Obama à 10/15 points devant Clinton, qu'il venait juste de battre la semaine précédente dans l'Iowa. Mais lorsque les suffrages furent comptés, Clinton s'est retrouvée dans le New Hampshire avec 39,4% des voix contre 36,8% pour Obama. Dans un remake de ce qui s'est produit dans l'Ohio en 2004, les sondages de sortie des urnes auraient montré, eux aussi, qu'Obama gagnait la primaire du New Hampshire.
Lorsque cela ne s'est pas produit, les instituts de sondages choqués et les experts surpris, qui s'attendaient tous à ce qu'Obama gagne, sont restés hésitants dans leurs explications sur le retour d'Hillary après une raclée de 8% dans l'Iowa (et même les officiels de la campagne de Clinton, dont les propres sondages internes avaient prédit sa défaite, étaient perplexes). Les explications sont allées de ses yeux embués lors sa dernière apparition publique avant le jour du scrutin et quelques interpellations sexistes qu'elle avait reçues à des propos sombres au sujet d'une vague de racisme caché dans le corps électoral.
Mais il y a eu des anomalies dans les chiffres qui ont fait que certaines personnes ont suggéré quelque chose d'autre : la fraude au scrutin.
Ce qui a fait dresser les sourcils est une divergence importante entre les comptages des voix effectués par les machines à voter et ceux effectués à la main.
Dans le New Hampshire, 81% du vote a été effectué dans des villes qui avaient acheté des scanners optiques de Diebold Election Systems (appelé désormais Premiere Election Solutions), une division de Diebold Corp., société fondée par de riches investisseurs de droite et toujours liée à eux. Dans ces villes, l'ensemble du scrutin s'est déroulé sur ces appareils, appelés machines Accuvote , qui lisent des bulletins remplis par des électeurs qui utilisent des stylos ou des crayons pour remplir de petits ovales à côté du candidat de leur choix. Les bulletins sont ensuite insérés, lus et comptés par les machines. Les 19% restant du scrutin se sont déroulés dans des villes qui avaient opté pour ne pas utiliser cette machine et, à la place, compter les bulletins à la main. Le comptage par les machines a donné à Clinton 39,6 % des voix et à Obama, 36,3% - ce qui est assez proche du résultat final. Mais les votes comptés à la main ont donné une différence significative : Clinton, 34,9% et Obama, 38,6%.
Quelque chose aurait-il pu se produire dans ces machines pour déplacer quelques voix d'Obama ou d'autres candidats en lice au bénéfice du total pour Clinton ?
Si toutes les voix avaient été réparties de la façon dont a été réparti le comptage manuel, Obama aurait gagné le New Hampshire de plus de 10.000 voix, au lieu de perdre de 5.500 voix par rapport à Clinton.
"Là où je me méfie ce n'est pas que quelque chose de fâcheux se soit produit ici", déclare Doug Jones, un professeur de sciences informatiques à l'Université d'Iowa et membre du comité d'examinateurs qui a approuvé l'utilisation des mêmes scanners optiques Diebold dans l'Iowa. "Mais en même temps, ces machines sont vulnérables aux virus qui peuvent y être répandus par l'intermédiaire des cartes mémoires PMCIA, et il y a aussi d'autres choses qui peuvent aller de travers. Je serais beaucoup plus satisfait s'ils avaient une procédure d'audit de routine aléatoire dans le New Hampshire."
Un audit aléatoire, dit-il, impliquerait d'effectuer des comptages manuels des scrutins optiques dans quelques villes et de comparer ces résultats avec les résultats des machines qui ont lu les mêmes scrutins, comme cela a été enregistré le soir de l'élection. Tandis que la Californie conduit systématiquement de tels audits aléatoires, la plupart des Etats, dont le New Hampshire, ne le font pas. Selon le bureau du Secrétaire d'Etat du New Hampshire, tout recomptage du scrutin devrait être requis par un candidat et devrait être payé par le candidat faisant la requête.
Une officielle du bureau de presse de la campagne d'Obama à Chicago, contacté mercredi, a affirmé qu'elle ne savait rien de la divergence entre les scrutins électroniques et ceux comptés à la main. Elle a dit qu'il n'y avait pas de projet d'appeler à un comptage manuel du vote électronique.
Ainsi que le Professeur Jones le fait remarquer, le fait de requérir qu'un candidat initie tout comptage manuel rend un tel comptage manuel improbable, puisque à moins de prouver que le scrutin a été altéré ou fraudé de façon accablante, une telle demande ouvrirait la voie à accuser ce candidat d'être un "mauvais perdant".
Kucinich, en faisant cette requête de recomptage a résolu le problème.
Il y a de bonnes raisons d'être méfiant sur les résultats. Le comptage des totaux des machines, dans le New Hampshire comme dans tous les Etats utilisant les machines Diebold, est effectué par une société contractante privée, dans ce cas LHS Associates, dont le siège se trouve dans le Massachusetts, qui contrôle et programme les cartes mémoires des machines. Plusieurs études ont démontré la facilité avec laquelle les cartes mémoires dans les machines Accuvote peuvent être piratées, avec quelques testeurs qui ont pu s'introduire dans le système en quelques minutes.
Pour sûr, il y a des explications possibles alternatives assez naïves pour la divergence entre les votes électroniques et les votes manuels. Toutes les plus grandes villes de l'Etat, telles que Nashua, Concord et Plymouth, sont passées aux machines à voter. Tandis qu'il y a beaucoup de petites communautés qui ont aussi opté pour les machines, c'est pratiquement exclusivement les plus petites villes et les villages de l'Etat qui sont restés au comptage manuel - la plupart dans la partie plus rurale du nord de l'Etat. Donc, si Obama a fait mieux que Clinton dans les petites villes et Clinton mieux qu'Obama dans les plus grandes, cela pourrait être la réponse. Mais cette explication vole en éclat face à la logique, aux modèles électoraux historiques et à la plupart des pronostiques post-électoraux.
Il est vrai qu'il y a eu un racisme "en coulisse" impliquant des gens qui disaient aux sondeurs être pour Obama, tout en votant en privé contre lui ; assurément il est plus probable que cela se sera produit dans les villes isolées du nord du New Hampshire où on voit rarement des noirs. Il a été dit de Clinton qu'elle avait aussi mieux réussi parmi les gens à faibles revenus - une fois encore, une donnée démographique qui est plus proéminente dans les parties rurales de l'Etat de Granite [surnom du New Hampshire]. Enfin, Obama, dans le New Hampshire comme dans l'Iowa, a fait mieux auprès des jeunes électeurs et c'est le groupe démographique qui manque typiquement dans les petites villes, où les opportunités d'emploi sont limitées. De plus, dans l'Iowa, ce furent les plus grandes municipalités qui ont le plus voté pour Obama, pas les villes rurales. Alors, comment est-ce possible que cet appel géographique ait été inversé dans le New Hampshire ?
David Scanlan, le secrétaire-adjoint de cet Etat pour les élections, que j'ai contacté jeudi, a dit la chose suivante : tandis qu'il est requis des officiels électoraux qu'ils procèdent à des tests sur les machines Diebold dans les jours qui précèdent une élection, "pour s'assurer qu'elles lisent de façon exacte les marques sur les bulletins", et qu'à ce stade les machines et les cartes mémoire sont scellées jusqu'au jour réel de l'élection, il n'y a aucun moyen pour son bureau de mener indépendamment un test d'après scrutin. Les urnes sont scellées et la seule manière qu'elles puissent être ouvertes est qu'un candidat requiert un comptage manuel (et paye pour cela) ou qu'un tribunal en ordonne un". Scanlan dit que la même chose est vraie pour les machines à voter et les cartes mémoires. Tandis que les urnes scellées sont détenues "pendant des années", les cartes mémoires retourneront cependant entre les mains du contractant, LHS Associates, dans "quelques mois", pour être effacées et préparées pour être utilisées dans l'élection générale de novembre prochain.
Scanlan dit que la législature de l'Etat considère actuellement de voter une loi pour permettre des audits de routine des machines après les élections, mais cela ne sera d'aucun secours dans ce cycle électoral.
Scanlan a dit qu'il n'y a aucune chance qu'elles soient piratées de l'extérieur, parce que les machines sont sur pied, mais les détracteurs font remarquer que le piratage peut être fait en amont avec les cartes mémoires, qui peuvent passer des changements les unes aux autres, comme un virus, alors que chacune est programmée pour une élection particulière.
Jonathan Simon, avocat et cofondateur du groupe Election Defense Alliance, déclare que les divergences des votes entre les machines et les comptages manuels dans la primaire Démocrate du New Hampshire défient toute explication aisée.
"Le problème, c'est qu'à chaque fois que vous avez un résultat-surprise dans une élection et que cela va à l'encontre des sondages, les médias disent toujours que le problème est le sondage, pas le comptage". Mais il ajoute : "Le fait est que ces choses marchent toujours dans une seule direction - en faveur du candidat le plus conservateur - et cela défie les lois de la mécanique quantique".
David Lindorff
Traduit de l'anglais par [JFG-QuestionsCritiques]