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La présidente du Chili a bravé les pressions US contre
la candidature du Venezuela au Conseil de Sécurité

Bachelet Refuse de Céder à Bush

Par Roger Burbach

CounterPunch, 10-11 juin 2006

La Présidente Michelle Bachelet est arrivée jeudi à Washington pour un voyage éclair d'une journée qui incluait un entretien avec George Bush. Après leur rencontre, tous deux ont échangé quelques plaisanteries, mais, ni l'un, ni l'autre n'a fait mention des efforts maladroits de l'administration Bush pour faire pression sur le Chili afin qu'il s'oppose à la candidature du Venezuela à un siège au Conseil de Sécurité des Nations-Unies.

Seulement 11 jours avant cette visite à la Maison Blanche, le quotidien La Tercera a publié un reportage sur une rencontre entre Condoleeza Rice et le ministre chilien des Affaires Etrangères, Alejandro Foxley, dans laquelle la secrétaire d'Etat étasunienne insistait contre la candidature du Venezuela au siège onusien qui "vise le cœur des intérêts des Etats-Unis ..." et dit que les Etats-Unis "ne comprendraient pas" que le Chili vote en faveur du Venezuela.

Dans sa campagne visant à empêcher Hugo Chavez de remporter un siège pour le Venezuela, l'administration Bush soutient la candidature du Guatemala. Sur les dix sièges en alternance du Conseil de Sécurité cinq seront renouvelés en octobre et l'un d'entre eux revient traditionnellement à un pays d'Amérique Latine. Bien que ce soit l'assemblée générale des Nations-Unies qui choisisse officiellement, lors d'un vote, les membres du Conseil, le candidat est généralement sélectionné à l'avance par consensus entre les pays de la région.

Il n'est pas surprenant que les Etats-Unis, en s'immisçant dans les affaires latino-américaines, soutiennent le Guatemala, un pays au passé épouvantable en matière des droits de l'homme. Sous le gouvernement actuel d'Oscar Berger, qui a pris ses fonctions en 2004, il y a eu des accusations de violation des droits de l'homme et ce dernier n'a visiblement rien fait pour traduire devant la justice les auteurs de la guerre génocide contre la population indienne du pays qui s'est déroulée ces dernières décennies.

À l'occasion d'une réunion entre les pays européens et latino-américains, qui s'est déroulée en mai en Autriche, la Présidente Bachelet, faisant allusion à l'hostilité croissante des Etats-Unis à l'encontre du soi-disant "axe de pouvoir" entre le Venezuela et la Bolivie, a déclaré : "Je ne souhaiterais pas que nous revenions à cette époque de guerre froide, où nous diabolisions un pays ou un autre. Ce dont nous avons été témoin dans ces pays [la Bolivie et le Venezuela] est qu'ils recherchent des gouvernements et des dirigeants qui veulent s'atteler à l'éradication de la pauvreté et éliminer les inégalités".

En ce qui concerne le siège aux Nations-Unies, Alejandro Foxley, le ministre des affaires étrangères, a déclaré : "Le Chili n'a pas pris de décision, nous n'en prendrons une que lorsque nous nous rapprocherons du mois d'octobre". Il a ajouté : "nous sommes intéressés dans une région qui a un sens fort de l'unité ..."

À la Maison Blanche, Bachelet a salué "les relations politiques et commerciales" avec les Etats-Unis. Néanmoins, le Chili a montré son caractère d'indépendance dans ses accords avec l'administration Bush. Le Chili occupait un siège au conseil de sécurité en 2003, dans la période qui a conduit à l'invasion de l'Irak, et le gouvernement de Carlos Lagos, dans lequel Bachelet a participé en tant que ministre de la défense, a refusé de céder aux pressions étasuniennes et de soutenir l'invasion.

À Washington, Bachelet s'est arrêtée pour rendre visite à un autre collègue de l'époque du cabinet de Lagos, Jose Miguel Insulza, qui est à présent secrétaire général de l'Organisation des Etats Américains (OEA). Insulza a été élu à ce poste en mai 2005 malgré la forte opposition de l'administration Bush, qui soutenait un candidat salvadorien, autre pays au triste passé en matière de droits de l'homme.

Etant donné que les Etats-Unis payent l'essentiel de la facture, le Secrétaire Général de l'OEA joue généralement un rôle largement subordonné. Ces derniers mois, Insulza a adopté une attitude indépendante. Le mois dernier il a critiqué les Etats-Unis d'avoir rompu les pourparlers commerciaux avec l'Equateur, après la nationalisation des avoirs d'Occidental Petroleum. Lorsque l'administration Bush a mis en place un bureau de transition pour l'après-Castro au Département d'Etat, Insulza a déclaré : "Il n'y a pas de transition et ce n'est pas notre pays". Concernant le Venezuela, Insulza - qui n'est pas un fan de Chavez - a malgré tout dit clairement que l'administration Bush surestime les dangers que le Venezuela pose au Continent.

Lors de son à voyage à Washington, Bachelet a refusé de faire des commentaires sur la controverse au sujet du Venezuela, tandis que le ministre des affaires étrangères à Santiago reste bouche-cousue sur ses préférences pour le siège onusien. Ce qui est sûr, c'est que Chavez s'est fait son lot d'ennemis en Amérique Latine, dont le Président du Pérou nouvellement élu, Alan Garcia, que Chavez a traité de "tricheur et de bandit". Et la position des pays d'Amérique centrale, ainsi que celle du Mexique, qui soutiennent la candidature du Guatemala, est déjà connue.

Nonobstant la façon dont le Chili entrera dans le débat continental, il est clair que Bachelet ne se laissera pas bousculer par les Etats-Unis et qu'elle fera ce qui est le mieux pour le Chili et pour l'Amérique Latine.


Traduit de l'anglais (États-Unis) par [JFG-QuestionsCritiques]