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Le mot en "N"

Reprenez les compagnies pétrolières !

Par Mike Whitney

CounterPunch — 1er mai 2006


Nationaliser l'industrie pétrolière [américaine] devrait être le principe central de tout mouvement politique progressiste. La preuve de l'implication de cette industrie dans l'invasion de l'Irak, de même que sa complicité évidente dans la corruption du système politique, devraient fournir d'amples preuves que les géants pétroliers constituent un danger réel et présent contre la démocratie et qu'ils devraient être placés sous le contrôle de l'Etat.

À une époque où le pétrole entre en pénurie, nous ne pouvons plus nous offrir le luxe de permettre à une poignée de ploutocrates des grandes entreprises de décider du sort de l'économie mondiale. Ces capitaines d'industrie ont délibérément fermé des raffineries pour réduire la production et augmenter leurs profits. Ils ont déversé des quantités énormes de cash dans le système politique pour s'assurer que le Congrès et l'exécutif mettent en application leurs directives. À présent, il n'y a pas l'épaisseur d'une feuille de papier à cigarette de différence entre la salle du conseil d'administration d'Exxon et le 1600, Pennsylvania Avenue (la Maison-Blanche), les deux opérant à partir du même script.

L'industrie pétrolière est la première bénéficiaire de la guerre de Bush en Irak. Les patrons de cette industrie étaient assis autour de la table lorsque Dick Cheney découpa les champs pétroliers irakiens pour répartir la distribution future entre les plus grandes entreprises américaines. Les requêtes faites en vertu de la loi sur la liberté d'information [Freedom of Information Act][1] ont permis d'obtenir des "documents édités par le groupe Energy Policy de Dick Cheney. L'un d'eux était une carte de l'Irak montrant des zones concédées où le forage de pétrole y était planifié. Un autre était la liste des 40 compagnies pétrolières de 30 nations qui étaient qualifiées pour obtenir la permission de forer le pétrole dans l'Irak de Saddam Hussein. Le problème pour les Etats-Unis et la Grande-Bretagne était que leurs compagnies pétrolières étaient absentes de cette liste des compagnies qui allaient obtenir des concessions. Les Etats-Unis et le Royaume-Uni auraient ainsi été éliminés du marché de ce qui est clairement l'un des gros lots de la plus importante matière première dans l'histoire du monde". (source : "Les débats du CFR" Laurence Shoup ; Z Magazine, mars 2006)

Ceci explique pourquoi cette industrie a soutenu un pétrolier du Texas incompétent qui n'a montré ni d'intérêt pour la politique, ni d'aptitude au leadership. Bush est devenu le cheval de trait pour exécuter le programme destiné à remplacer les réserves saoudiennes en diminution par les deuxièmes plus grandes réserves du monde, et, ensuite, comme par hasard retirer de la liste des compétiteurs la France et la Russie.

2.400 conscrits américains et 100.000 Irakiens ont désormais sacrifié leurs vies sur l'autel des profits de cette grosse industrie. Bush a répandu sa guerre pour l'énergie de l'Asie Centrale au Moyen-Orient ; multipliant par 4 l'incidence du terrorisme. La classe-moyenne américaine est écrasée par les prix des carburants qui s'envolent et la malfaisance du gouvernement, tandis que les magnats du pétrole engrangent les plus gros profits de tous les temps.

Ne serait-il pas temps de repenser le système économique ?

Tous ceux qui ont observé le marché des contrats à terme savent que le système actuel est condamné. De nos jours, tout partisan mécontent muni d'une Kalachnikov peut prendre un pipeline et envoyer les prix du pétrole vers les sommets. Bush n'a fait qu'aggraver le problème en affûtant les armes contre l'Iran. Sa rhétorique, qui a causé l'érosion de la confiance dans le marché, a propulsé les prix à la pompe vers le haut. Et ce n'est que le début !

L'administration [Bush] est déterminée à mener sa guerre partout où il y a du pétrole ; provoquant une résistance mondiale qui pourrait persister pendant tout le 21ème siècle. Il semble bien que ce soit la guerre que Bush et Cheney veulent mener, bien qu'ils cachent clairement leurs véritables objectifs derrière le mur de la terreur.

Comment le marché peut-il survivre à ce type de volatilité ? Surtout lorsque l'Oncle Sam crée des milliers de nouveaux terroristes à chaque invasion malavisée...

Le dernier rapport du département d'Etat confirme que la résistance contre la politique étrangère de l'Amérique accroît exponentiellement la violence. Le néolibéralisme de Bush qui consiste à "bousiller et prendre" transforme le monde en un endroit où l'on tire à vue mettant les vies et les ressources vitales en danger.

Ce système est complètement détraqué et a besoin d'être "démocratisé" pour que l'énergie puisse être distribuée de façon impartiale selon les besoins fondamentaux de tous.

Si chacun a besoin d'accéder à l'énergie pour maintenir un niveau de vie minimal, alors nous devrions reconnaître que le pétrole est un droit de l'homme fondamental au même titre que l'eau ou la nourriture. Il devrait y avoir des instances de régulation pour garantir une distribution équitable et qui ne soit pas attribuée arbitrairement au meilleur acheteur. Il est absolument impossible que le système actuel puisse effectuer cet ajustement, alors que la disponibilité d'énergie bon marché disparaît rapidement.

Nous nous retrouvons face à un futur où l'offre est en diminution et la demande en augmentation. Nous avons le choix entre coopérer au niveau national et international, en créant les institutions appropriées pour que la distribution soit équitable, ou suivre le "modèle de Bush" de l'intervention militaire et du désarroi perpétuel.

La croyance selon laquelle la "main invisible" du marché nous guidera en toute sécurité vers l'autre rive est un non-sens. Il n'y a pas de "marché libre" dans les affaires pétrolières : c'est un mythe complet. Le pétrole irakien est extrait sous la menace des armes - forme ultime de coercition. Chaque baril qui quitte le pays a été volé par la force militaire.

Sommes-nous condamnés à cet avenir ou la coopération est-elle possible ?

La principale source d'énergie dans le monde ne devait pas être confiée aux oligarques de la grosse industrie dont le seul intérêt est de gonfler la dernière ligne du bilan. Les ressources mondiales ne sont pas le domaine réservé au "meilleur acheteur".

Nous avons besoin d'une approche entièrement nouvelle de la politique énergétique : une vision qui anticipe à la fois une offre déclinante, la maîtrise de l'énergie et la menace du changement climatique. Le chemin qui s'ouvre devant nous n'a pas besoin d'être jonché des cadavres de ceux qui se sont battus pour défendre leurs pays de l'exploitation. Il existe une autre voie.

Il est possible que les peuples et les nations travaillent ensemble pour le bien commun. Il suffit de regarder vers l'Irak, l'Afghanistan et le Nigeria pour s'en convaincre.

Traduction [JFG-QuestionsCritiques]

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note:

[1] Freedom of Information Act (FOIA) Cette loi permet à toute personne de demander (par écrit) à prendre connaissance de certaines archives des agences fédérales.