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Les Bombes de Mars

Compte à Rebours pour la Guerre contre l'Iran?

Par Mike Whitney

CounterPunch — 13 janvier 2006


L'Iran se défendra s'il est attaqué par les Etats-Unis ou Israël.

Défendre son pays contre une agression non provoquée est autorisé par la loi internationale et constitue une obligation pour un véritable leadership. Nous ne nous attendrions pas à moins si les Etats-Unis ou Israël étaient attaqués.

En interprétant les commentaires du Président Ahmadinejad comme constituant un danger potentiel contre le bien-être d'Israël, les gouvernements de Sharon et de Bush ont fait un travail remarquable pour corrompre l'opinion publique contre l'Iran. Mais de telles déclarations, aussi agressives soient-elles, sont un lot commun au Moyen-Orient et ne peuvent pas être interprétées comme une menace crédible.

En fait, l'Iran n'a démontré aucune ambition territoriale et n'est pas impliqué non plus dans l'occupation d'un pays étranger comme c'est le cas à la fois des Etats-Unis et d'Israël.

Le Battage Médiatique ; l'appel à la guerre, une nouvelle fois

Les médias ont rempli leur rôle traditionnel d'attiser les flammes de la guerre en fournissant un espace généreux aux accusations fallacieuses des fonctionnaires gouvernementaux, des experts de droite et des exilés iraniens, tout en omettant les faits pertinents pour la défense de l'Iran.

Comme toujours, le New York Times a mené la propagande guerrière avec un article de Richard Bernstein et de Steven Weisman qui a exposé l'accusation vague contre l'Iran. Dans son premier paragraphe, le menu de Bernstein-Weisman suggère que l'Iran ait repris "une recherche qui pourrait lui apporter la technologie pour créer des armes nucléaires".

Des armes nucléaires ?

Peut-être que le New York Times sait quelque chose que les inspecteurs de l'AIEA ignorent ? Si c'est le cas, il devrait s'avancer et révéler les faits. Toutefois, il est plus probable qu'ils suivent simplement la tradition de leur mentor Judith Miller dont les articles calomnieux publiés en une ont trompé la nation pour faire la guerre à l'Irak.

Il n'y a aucune preuve que l'Iran dispose d'un programme d'armes nucléaires.

Aucune.

Même George Bush ne ferait pas cette déclaration.

Il n'y a aussi aucune preuve que l'Iran possède les centrifugeuses nécessaires à l'enrichissement de l'uranium pour fabriquer de la matière de qualité militaire. Voici les deux questions auxquelles on devrait porter la plus grande considération pour déterminer si l'Iran pose ou non un réel danger à ses voisins. Et pourtant, ce sont précisément les faits qui sont absents des quelques 2.500 articles écrits sur le sujet ces derniers jours.

Le chef de l'AIEA, Mohammed El-Baradei, a fait remarquer à plusieurs reprises que son équipe d'inspecteurs, qui a eu l'occasion "d'aller partout et de tout voir", n'a rien trouvé pour corroborer les affirmations des Etats-Unis ou d'Israël.

D'un autre côté, nous savons que les Etats-Unis ont développé un nouveau système d'armes nucléaires à faible rendement "utilisables" pour détruire les bunkers souterrains. Nous savons aussi que les militaristes du Pentagone ont menacé d'utiliser des armes nucléaires en "premier ressort" dans une attaque préventive et que les principaux acteurs du Département de la Défense pensent unanimement que les armes nucléaires devraient être utilisées comme composantes de la stratégie américaine pour la sécurité mondiale.

L'Iran déclare que le développement d'armes nucléaires va à l'encontre de leurs croyances religieuses, alors que l'administration Bush (conformément à la Nuclear Posture Review) pense que les armes nucléaires constituent une part intégrante de la guerre contre le terrorisme. Rumsfeld a même secoué le Pentagone pour qu'il s'entoure lui-même de personnes ayant cet état d'esprit et qui soutiennent cette thèse de base. Peut-être que notre crainte de l'Iran est déplacée ?

À l'heure actuelle, le gouvernement [américain] essaye de traduire l'Iran devant le Conseil de Sécurité des Nations-Unies pour des violations qui remontent à plus de deux ans. Depuis lors, il n'y a eu aucune violation et l'Iran s'est volontairement plié à la stricte application de ses obligations nées du TNP (Traité de Non-Prolifération nucléaire) ainsi qu'à d'autres mesures "génératrices de confiance" qu'il a librement acceptées comme signe de bonne volonté.

En vérité, selon les termes du TNP, l'Iran a parfaitement le droit d'enrichir l'uranium et il a accepté de le faire d'une façon qui respecte les règles strictes de l'AIEA. Cependant, l'Iran ne renoncera pas à son "droit inaliénable" de convertir l'uranium pour des raisons pacifiques, telles que fabriquer le carburant utilisé dans les centrales nucléaires.

Il n'a été demandé à aucune autre nation que l'Iran de renoncer à ses droits inscrits dans le TNP. L'administration Bush s'attend à ce que l'ONU annule des parties du traité, simplement pour satisfaire ses suspicions non fondées. Mais pourquoi l'Iran devrait-il accepter d'être traité comme un subordonné juste pour satisfaire Bush ? Après tout, l'Iran a signé initialement le TNP comme moyen de réduire les armes nucléaires, tandis que les Etats-Unis, Israël et d'autres nations étaient très occupées à construire de nouvelles générations de bombes nucléaires.

D'ailleurs, le processus de conversion se déroule en face des inspecteurs de l'AIEA et de caméras qui sont placées pour filmer l'ensemble de la procédure. C'est à l'AIEA qu'il revient de rapporter toute violation au Conseil de Sécurité des Nations-Unies en vue d'une action punitive. Cette agence de surveillance a parfaitement réussi à analyser le véritable état du "prétendu" programme nucléaire irakien. Il n'y a aucune raison de suspecter qu'ils ne réussiront pas ici de la même manière. (Israël, le Pakistan et l'Inde ont tous évité ce régime et ont développé des armes nucléaires en secret).

La goutte d'eau qui fait déborder le vase

Le ministre des Affaires Etrangères britannique, Jack Straw, qui a joué un rôle si radical pour propager les mensonges qui ont précédé la guerre d'Irak, a été aussi peu sincère en ce qui concerne l'Iran.

"Pendant deux ans et demi, nous avons travaillé avec l'Iran et le reste de la communauté internationale pour amener l'Iran à se conformer à ses obligations très claires de ne rien faire qui puisse conduire à des soupçons qu'ils développent une capacité d'armement nucléaire".

Bien sûr, Straw sait que l'Iran n'a pas violé ses obligations du traité pendant plus deux ans et qu'il a été en parfaite conformité depuis. Sa déclaration ne fait que confirmer ce que les gens sensés savent déjà : Washington veut une nouvelle guerre.

L'administration Bush sait qu'il n'y a aucun espoir de faire voter une résolution du Conseil de Sécurité pour des sanctions contre l'Iran. Ni la Russie, ni la Chine, n'accepterons de sanctions, et il n'y a pas non plus de preuve de méfait. Cette affaire sera simplement utilisée pour accroître les soupçons et la peur du public tandis que les Etats-Unis et Israël apportent leur dernière touche à leurs plans de bataille.

Toutefois, cela vaut la peine de noter que l'Iran sera attaqué sans la moindre preuve qu'ils disposent d'armes nucléaires, d'un programme d'armement nucléaire ou même d'un plan à long terme en vue d'ouvrir les hostilités contre les Etats-Unis ou Israël. En d'autres termes, ils sont complètement innocents.

À présent que le gouvernement américain a abandonné le point de référence internationalement reconnu de "menace imminente", il s'est aussi débarrassé de toute autre revendication légitime pour justifier une agression non provoquée. L'Iran sera attaqué sans prétexte et sans autorisation du Congrès ou de l'ONU, invoquant l'autorité exécutive de poursuivre la guerre contre le terrorisme par "tous les moyens nécessaires et appropriés".

La détermination d'attaquer l'Iran remonte à plus d'une décennie. C'est écrit noir sur blanc dans les désormais célèbres documents politiques (PNAC) qui soutiennent l'idée d'intégrer les ressources iraniennes dans le système mondial tout en éliminant les adversaires potentiels d'Israël dans la région. Cette première phase est destinée à faire décrocher ce régime et à le laisser vulnérable à une future invasion ou à un changement de régime.

L'attaque qui se prépare se déroulera probablement par des attaques chirurgicales effectuées par Israël sur peut-être jusqu'à 12 sites d'installations et d'armement. Israël et les Etats-Unis ont tous deux signalé à l'Iran que les représailles se transformeraient rapidement en guerre nucléaire. En fait, les faucons du Pentagone peuvent vouloir un tel conflit pour dissuader de futurs adversaires en Amérique Latine et en Asie.

Si l'Iran répond par la force, il n'y a aucun moyen de savoir comment les choses vont tourner. Les marchés pourraient plonger, le dollar pourrait s'effondrer rapidement, et les livraisons vitales de pétrole pourraient être indéfiniment interrompues. (Lisez les pages boursières et voyez à quel point les analystes sont nerveux). Si la conflagration tourne au nucléaire, alors il faut s'attendre à ce que la Chine, la Russie et le Venezuela prennent des mesures énergiques pour montrer leur désapprobation. Les approvisionnements en pétrole en provenance du Venezuela pourraient être supprimés tandis que la Chine organiserait la liquidation de ses 769 milliards de dollars en devise étrangère.

Ensuite, bien sûr, il y aurait la probabilité que les attaques amèneraient les Chiites irakiens à une alliance avec la résistance soutenue par les Sunnites, rendant l'occupation de l'Irak encore plus précaire. Ou alors, peut-être que les Mollahs déploieraient à travers le monde des Djihadistes financés par les Etats, ciblant les complexes énergétiques et les intérêts commerciaux américains. Dans tous les cas, il pourrait y avoir un lourd tribut à payer pour l'imprudence de Washington.

Quel que soit le coût, l'attaque semble avoir toutes les chances de se produire aux alentours de mars 2006 lorsque l'Iran a l'intention d'ouvrir sa nouvelle bourse aux hydrocarbures. Cette nouvelle bourse qui défiera directement la domination continue du billet vert dans le commerce du pétrole (la denrée la plus négociée dans le monde) pose une "menace existentielle" au bien-être des institutions financières et des élites occidentales.

Au-delà du subterfuge médiatique des "armes nucléaires" et de la "non-conformité", l'empire marche résolument vers la guerre, risquant volontairement un holocauste nucléaire pour préserver le système de richesse privilégiée et concentrée.

Mike Whitney habite dans l'Etat de Washington. Il peut être contacté ICI


Traduit de l'anglais par Jean-François Goulon