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Netanyahou et Ahmadinejad

L'Axe des Fanatiques

Par Norman Solomon

CounterPunch, 6 janvier 2006


Avec Ariel Sharon désormais hors-jeu, Benjamin Netanyahou dispose d'une meilleure chance de devenir le prochain Premier ministre d'Israël.

Il sait s'y prendre avec les médias et il sait comment raconter des salades à la télévision américaine. Cet homme est très dangereux. Netanyahou a passé un grand nombre de ses années de jeunesse aux Etats-Unis. Plus tard, pendant les années 80, il a travaillé à l'ambassade d'Israël à Washington, puis il est devenu l'ambassadeur d'Israël auprès des Nations-Unies. Le temps de devenir ministre des affaires étrangères adjoint, il était devenu une star sur les médias américains.

Ce type est enjôleur — connaissant parfaitement les expressions américaines, télégénique aux yeux de nombreux téléspectateurs — et bon menteur devant les caméras. Ainsi, lorsque la police israélienne tua 17 Palestiniens à la mosquée d'Al-Aqsa en octobre 1990 à Jérusalem, Netanyahou mena une vaste campagne de désinformation affirmant que les Palestiniens avaient été tués après s'être soulevés et avoir lancé d'énormes pierres sur des fidèles juifs par-dessus le Mur des Lamentations. À cette époque, sa fable a dominé dans de nombreux médias américains — même après que l'enquête officielle israélienne eut démystifié le compte-rendu de Netanyahou et accusé la police d'être à l'origine de l'affrontement.

Aujourd'hui, en campagne pour remporter les élections israéliennes de la fin mars, Netanyahou met en route une argumentation contre l'Iran. Ses idées semblent aux antipodes de celles que le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, a sur le monde. Pourtant, si l'on regarde de plus près leurs méthodes politiques manifestes, leurs positions consistent à alimenter leurs fanatismes réciproques. L'élection qui a permis à Ahmadinejad de prendre la présidence de l'Iran fut une victoire du fondamentalisme répressif. Le résultat est notamment une tendance négative en matière de droits de l'homme et une politique étrangère plus belliqueuse.

Lorsque Ahmadinejad a déclaré fin octobre qu' "Israël doit être rayé de la carte", il a rendu un grand service au plus militariste des principaux politiciens israéliens — Benjamin Netanyahou — qui a exigé que le Premier ministre Sharon prenne des mesures vigoureuses à l'encontre de l'Iran. Autrement, a déclaré Netanyahou en décembre, "lorsque je formerai le nouveau gouvernement d'Israël, nous ferons ce que nous avons fait dans le passé contre le réacteur de Saddam et qui nous a apportés 20 ans de tranquillité".

Netanyahou faisait référence à l'attaque aérienne par Israël contre le réacteur Osirak en juin 1981 pour empêcher l'Irak de développer des armes nucléaires. Mais à présent, même pour de nombreux analystes fervents défenseurs du vaste arsenal nucléaire israélien estimé à 200 ogives, l'idée de bombarder l'Iran est absurde.

"Une attaque militaire préventive n'est plus la bonne stratégie pour stopper la prolifération des armes nucléaires ; les changements technologiques rendent une telle attaque obsolète". C'est l'affirmation actuelle de Larry Derfner, qui commente régulièrement la politique israélienne dans le Jerusalem Post. "Dissimuler le démarrage d'un programme nucléaire est bien plus facile aujourd'hui qu'en 1981 et cela va devenir de plus en plus facile. Lancer des avions de combat, des commandos, etc. sur l'Iran est une entreprise plus que risquée ; c'est quasi certainement futile sinon complètement impossible. Il vaut mieux pour Israël et les Israéliens d'oublier cela et à la place répondre à la menace iranienne en faisant en sorte que la puissance dissuasive de ce pays soit encore plus impressionnante qu'elle ne l'est déjà".

Derfner a ajouté : "Un Iran nucléaire n'est pas un motif d'indifférence mais ce n'est pas non plus un motif pour être terrorisé et certainement pas pour commettre une imprudence. Un Iran nucléaire est tout à fait acceptable. Nous pouvons vivre avec. La vérité est que nous avons vécu pendant tout ce temps ici avec des menaces très similaires."

Mais Netanyahou a régulièrement insisté sur le fait qu'il veut lancer une attaque militaire sur l'Iran. "C'est la première obligation du gouvernement israélien", a-t-il dit. "Si l'actuel gouvernement ne le fait pas, alors j'ai l'intention de diriger le prochain gouvernement pour stopper les Iraniens".

Le spectre de Netanyahou et Ahmadinejad alimentant leurs folies réciproques en tant que chefs d'Etats est effrayant. Dans une telle circonstance, le premier danger de conflagration viendrait d'un Israël doté d'armes nucléaires, pas d'un Iran dépourvu d'armes nucléaires.

Le candidat Netanyahou est un partisan basique de la folie nucléaire. Il est aussi un ennemi implacable des droits humains de base des Palestiniens. De nombreux Israéliens comprennent que Netanyahou est un extrémiste, et les sondages publiés le 6 janvier indiquent que la période post-Sharon pourrait ne pas être aussi favorable pour Netanyahou que ce qui était initialement supposé.

Pour cette même raison, Mahmoud Ahmadinejad pourrait ne pas terminer son mandat présidentiel de quatre ans. Evidemment, les religieux jusqu'au-boutistes qui dominent le gouvernement iranien ont obtenu plus que ce qu'ils demandaient lorsqu'ils ont jeté tout leur poids en juin dernier dans la campagne d'Ahmadinejad. Ces derniers mois, le dirigeant suprême iranien, Ali Khamenei, a transféré plus de pouvoir au Conseil de Discernement gouvernemental, dirigé par le magnat obscur Hashemi Rafsandjani, le militant politique relativement modéré [et président sortant] qui a perdu la course à la présidentielle l'année dernière.

Ahmadinejad est bon pour faire des déclarations qui engendrent l'indignation internationale, mais il a du mal à exercer une influence présidentielle. Le Los Angeles Times faisait remarquer le 2 janvier que "même au sein du parlement iranien, en majorité conservateur, le président jusqu'au-boutiste s'est retrouvé incapable de fédérer. Dans une première pour une république islamique, les députés ont rejeté quatre ministres qu'Ahmadinejad leur demandait d'approuver. Cela lui a pris trois mois et quatre candidats pour investir un ministre du pétrole. Certains députés réformateurs ont même fait campagne contre le manque de compétence politique du président".

Usant de revendications religieuses pour soutenir leurs quêtes pour le pouvoir, Mahmoud Ahmadinejad et Benjamin Netanyahou se présentent tous deux pour gagner en montrant du doigt le fanatisme menaçant de l'autre. Pourtant, de nombreux Iraniens et Israéliens reconnaissent le grave danger de telles postures.

Au fur et à mesure que les tensions montent et que la pression s'intensifie, la Maison Blanche pourrait finir par accepter une attaque aérienne israélienne sur l'Iran. Ou bien, l'administration Bush pourrait préférer lancer sa propre attaque aérienne sur l'Iran.

L'Iran. Israël. Les Etats-Unis. Chacun de ces pays a le véritable potentiel d'aller dans une meilleure direction — loin de la vertu meurtrière. Mais dans chaque société, cela requiert plus d'effort de terrain et d'efficacité pour la paix et la justice.


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Norman Solomon est l'auteur de War Made Easy: How Presidents And Pundits Keep Spinning Us To Death [La Guerre Facile: Comment les Présidents et les Huiles nous Embobinent jusqu'à la mort]


Traduit de l'anglais (États-Unis) par Jean-François Goulon