La Chasse aux Sorcières de Bush Contre Ceux qui Disent la Vérité
Une Administration Gestapiste
Par Paul Craig Roberts
CounterPunch,2 janvier 2006
Après s'être fait prendre à espionner gratuitement et illégalement les citoyens américains, l'administration Bush s'est défendue de ses agissements illégaux en mettant le ministère de la justice sur la piste de la personne ou des personnes qui ont informé le New York Times que Bush avait violé la loi. Veuillez noter ce paradoxe étonnant : l'administration Bush est prise en flagrant délit d'illégalité éhontée et répond en essayant d'arrêter les patriotes qui ont fait connaître la conduite illégale du gouvernement.
Bush a réellement déclaré que c'était une trahison de révéler sa conduite illégale ! Ses propagandistes, déguisés en organismes de presse, ont adopté la ligne suivante : Révéler les mauvais agissements de l'administration Bush équivaut à aider et à soutenir l'ennemi. Comparé au "Spygate", le Watergate était jeu de jardin d'enfants. Les mensonges, les crimes et les illégalités de l'administration Bush ont révélé qu'elle était une administration criminelle avec la mentalité et les méthodes d'un état policier. À présent, Bush et son ministre de la justice ont poussé le bouchon plus loin et déclaré que Bush était au-dessus de la loi. Bush singe de manière agressive la revendication d'Hitler selon laquelle la défense du royaume l'autorise à ignorer la loi.
L'espionnage illégal des citoyens est gratuit parce qu'il n'y a aucune raison valable pour que Bush espionne illégalement. Le Foreign Intelligence Services Act (FISA) [La loi de contre-espionnage] donne à Bush tous les pouvoirs dont il a besoin pour espionner ceux qui sont suspectés de terrorisme. Tout ce que l'administration a besoin de faire est de demander des mandats auprès d'une cour secrète de la FISA. Cette loi permet à l'administration de commencer par espionner puis de demander un mandat, au cas où la vitesse s'imposerait. Le problème est que Bush a complètement ignoré la loi et la cour.
Pourquoi le Président Bush ignore-t-il la loi et la cour de la FISA ? Ce n'est certainement pas parce que la cour, durant ses trente années d'existence, n'a pas coopéré. Selon le procureur Martin Garbus (New York Observer, 28/12/05), la cour secrète a délivré plus de mandats que tous les juges fédéraux réunis. Et elle n'a refusé qu'une seule fois de délivrer un mandat !
Alors, pourquoi, l'administration est-elle coupable d'un nouveau scandale en plus des ADM, de la torture, de l'ouragan et des détentions illégales ?
Voici deux raisons possibles :
L'une est que l'administration Bush est utilisée pour concentrer le pouvoir au niveau de l'exécutif. Le vieux mouvement conservateur, qui montre du respect pour la séparation des pouvoirs, a été balayé. Sa place a été prise par le mouvement néoconservateur qui a le culte du pouvoir exécutif.
La deuxième, c'est que l'administration Bush ne pouvait pas se rendre à la cour secrète de la FISA pour demander des mandats parce qu'elle n'espionnait pas pour des raisons légitimes et elle devait donc laisser la cour ignorante de ses activités.
Quelles pouvaient donc bien être ces raisons illégitimes ? Se pourrait-il que l'administration Bush ait utilisé l'appareil d'espionnage du gouvernement des Etats-Unis afin d'influencer le résultat de l'élection présidentielle ?
Pourrait-on attribuer la faiblesse des Démocrates en tant que parti d'opposition à l'information obtenue au moyen de l'espionnage illégal qui les aurait assujettis au chantage ?
Il est nécessaire d'ouvrir une enquête approfondie sur les raisons qui ont conduit l 'administration Bush d'outrepasser la loi et la cour. Depuis que je suis né, aucune autre administration que l'administration Bush n'a fourni autant de raisons solides de s'y opposer et de la condamner. Nixon a été chassé du pouvoir à cause d'un cambriolage mineur sans véritable conséquence. Clinton a subi une procédure d'impeachment parce qu'il ne voulait pas être embarrassé en public en reconnaissant qu'il avait des relations sexuelles adultérines dans le Bureau Ovale. Par contre, Bush a menti au public et au Congrès pour pouvoir envahir l'Irak ; il a détenu illégalement des Américains ; il a torturé illégalement des détenus ; et il a espionné les Américains illégalement. Bush n'a respecté ni la Constitution ni les lois de la nation. Une majorité d'Américains désapprouvent ce que Bush a fait ; pourtant, le Parti Démocrate reste un spectateur muet.
Pourquoi le Ministère de la Justice enquête-t-il sur la fuite qui a révélé l'activité illégale de Bush au lieu d'enquêter sur l'activité illégale commise par Bush ? L'objectif est-il de bloquer l'enquête du Congrès sur l'espionnage illégal de Bush ? En annonçant l'enquête du Ministère de la Justice, l'administration Bush se prépare à refuser de répondre au Congrès en prétextant que cela pourrait compromettre sa propre enquête sur les sujets de sécurité nationale.
Que vont faire les tribunaux fédéraux ? Lorsque Hitler a défié le système judiciaire allemand, ce dernier s'est effondré et a accepté qu'Hitler devienne la loi. Les revendications d'Hitler ne se basaient sur rien d'autre que sure ses propres revendications, tout comme la revendication de Bush d'un pouvoir situé au-dessus des lois ne se base sur rien d'autre que les mémos écrits par les politiques qui en bénéficieraient.
L'administration Bush, soutenue par la Federalist Society néoconservatrice, a introduit une crise dans la séparation des pouvoirs - le fondement de notre système politique. La Federalist Society, une organisation d'avocats républicains, est favorable à plus "d'énergie au sein de l'exécutif". Méfiante à l'égard du Congrès et du peuple américain, la Federalist Society ne manque jamais de soutenir les règlements qui concentrent le pouvoir dans la branche exécutive du gouvernement. Il est paradoxal que les fondations conservatrices et les citoyens conservateurs aient versé de l'argent pendant 23 ans dans une organisation hostile à la séparation des pouvoirs, qui représente le fondement de notre système constitutionnel.
Le 11 septembre 2001 a joué pour les néoconservateurs exactement ce que l'incendie du Reichstag avait joué pour Hitler. La peur, l'hystérie et l'urgence nationale ont prouvé qu'elles étaient des outils permettant d'accaparer le pouvoir politique. À présent que les tribunaux fédéraux commencent à montrer quelque résistance aux revendications de Bush pour un pouvoir exorbitant, une nouvelle attaque terroriste permettra-t-elle à l'administration Bush de terminer son coup d'état ?
Paul Craig Roberts a tenu de nombreuses chaires académiques et a contribué à de nombreuses publications scolaires. Il a été Secrétaire-adjoint au Trésor dans l'administration Reagan.
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Jean-François Goulon