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Les emplois de Bush sont des escroqueries

Les Etats-Unis auront-ils besoin d'une subvention du FMI ?

Par Paul Craig Roberts

CounterPunch,10 janvier 2006


Le Président George W. Bush a détruit l'économie américaine en même temps que la réputation des Etats-Unis en tant que nation honnête, compatissante et amoureuse de la paix qui valorise les libertés civiles et les droits de l'homme.

L'économiste et prix Nobel Joseph Stiglitz et la spécialiste en affaires budgétaires de l'Université d'Harvard, Linda Bilmes, ont calculé que la guerre de Bush en Irak fera supporter aux Américains un coût qui se situera entre mille et deux mille milliards de dollars. Ce chiffre est de 5 à 10 fois plus élevé que les 200 milliards de dollars que Larry Lindsey, le conseiller économique de Bush, avait estimés. Bush a viré Lindsey parce que son estimation était trois fois plus élevée que le chiffre de 70 milliards de dollars que l'administration Bush a utilisé pour tromper le Congrès et les électeurs américains à propos du poids de la guerre. On ne peut pas travailler dans l'administration de Bush si l'on n'est pas prêt à mentir pour dubya.

Lorsqu'une guerre à 70 milliards de dollars devient une guerre à 2.000 milliards de dollars, les Américains doivent se poser la question de savoir si la Maison Blanche se trouve entre des mains incompétentes. Bush a vendu sa guerre en sous-évaluant son coût d'un facteur 28,57. Tout directeur financier, n'importe où dans le monde, dont le projet aurait dépassé son budget de 2.857 % serait immédiatement viré pour incompétence absolue.

La guerre de Bush a coûté presque 30 fois le budget initial parce que les crétins de néoconservateurs qu'il a bêtement nommés aux fonctions politiques lui ont dit que l'invasion serait du gâteau. Les néocons avaient promis que les pertes seraient minimales. L'Irak a déjà coûté la vie à plus de 2.200 Américains, plus 16.000 blessés graves — et la guerre de Bush n'est pas encore terminée. Le coût des soins à vie et des pensions d'invalidité pour les milliers de soldats qui ont souffert de dégâts au cerveau et à la moelle épinière ne faisait pas partie de l'image rose irréaliste que Bush avait brossée.

L'estimation du Dr Stiglitz de 2.000 milliards de dollars est juste pour l'instant. Mais elle ne va pas assez loin. Ma propre estimation est un multiple de celle de Stiglitz.

Stiglitz inclut correctement le coût des soins à vie pour les blessés, la valeur économique des vies détruites et perdues, ainsi que le coût d'opportunité des ressources détournées vers la destruction de guerre. Ce qu'il ne prend pas en compte est le détournement par la guerre de l'attention de la nation sur l'érosion continue de l'économie des Etats-Unis. La guerre et l'état policier intérieur qui l'accompagne ont capté toute l'attention des Américains et de leur gouvernement. Pendant ce temps, l'économie des Etats-Unis s'est rapidement détériorée pour atteindre le statut d'un pays du tiers-monde.

En 2005, on a enregistré pour la première fois que les dépenses des consommateurs, des entreprises et du gouvernement ont dépassé le revenu total du pays. L'épargne nationale nette a véritablement plongé.

L'Amérique peut consommer plus qu'elle ne produit à la condition que les étrangers comblent la différence. La Chine a annoncé récemment qu'elle a l'intention de diversifier ses détentions de devises étrangères et de s'éloigner du dollar américain. Si cela ne constitue pas seulement une menace afin d'extorquer encore plus de concessions à Bush, la capacité de consommation des se réduira par la chute du dollar au fur et à mesure que la Chine cessera d'être l'éponge qui absorbe le débordement excessif de dollars. Les pays producteurs de pétrole pourraient bien suivre la voie de la Chine.

Maintenant que les Américains dépendent des importations pour leurs vêtements, pour les biens manufacturés, et même pour les produits de haute technologie, un déclin de la valeur du dollar rendra tous ces produits bien plus chers. Le niveau de vie des Américains, qui fait du surplace, plongera.

Le déclin du niveau de vie représente un coût énorme et fera de la dette actuelle un fardeau insoutenable. Stiglitz n'a pas inclus ce coût dans son estimation.

Encore plus grave est la diversion causée par la guerre de l'attention sur la disparition des emplois de classe moyenne pour les diplômés universitaires. L'ascenseur social est rapidement démantelé par la délocalisation de la production destinée au marché américain, par la délocalisation des emplois et l'importation de professionnels étrangers munis de visas de travail. Dans presque toutes les grandes entreprises américaines, les employés américains sont licenciés et remplacés par des étrangers qui travaillent pour un salaire moindre. Même les professeurs de l'école publique américaine et les infirmières hospitalières sont remplacés par des étrangers que l'on fait venir avec des visas de travail.

Le rêve américain est devenu un cauchemar pour les jeunes diplômés qui ne trouvent pas de travail en rapport avec leurs compétences. Les données de l'emploi salarié de ces cinq dernières années rendent ce fait tout à fait clair. Les chiffres de décembre, publiés le 6 janvier, confirment le modèle que j'avais rapporté chaque mois depuis des années. Sous la pression des délocalisations, l'économie des Etats-Unis ne crée que des emplois faiblement productifs dans les services intérieurs mal rémunérés.

Seul, un nombre dérisoire d'emplois (94.000) a été créé dans le secteur privé. Sur ces 94.000 emplois, 35.800 (soit 38%) sont des emplois de serveuses et de barmen. Les soins et l'assistance sociale comptent pour 28% des nouveaux emplois et les travailleurs temporaires pour 10%. Ces trois catégories de services intérieurs non négociables et de faible technicité comptent pour 76% des nouveaux emplois. Cela représente le modèle salarié d'une économie du tiers monde qui consomme plus qu'elle ne produit.

La soi-disant économie industrielle de la superpuissance américaine n'a été capable de créer en décembre que 12.000 emplois minables dans les industries de production de biens, dont 77% sont comptabilisés dans la production de bois et des produits métalliques — pour l'ameublement et le métal des toitures de la bulle immobilière qui arrive désormais à son terme. L'emploi aux Etats-Unis a décliné dans les machines-outils, dans les instruments électroniques, ainsi que dans l'automobile et les pièces détachées.

2.600 emplois ont été créés dans la conception de systèmes informatiques et services liés. C'est une nouvelle déprimante pour les quelques centaines de milliers d'ingénieurs américains en informatique au chômage.

Lorsque le secteur manufacturier quitte un pays, l'ingénierie, la recherche et l'innovation suivent rapidement. À présent que les délocalisations ont tué les possibilités de carrière pour les citoyens américains et que même General Motors et Ford sont en faillite, la croissance de l'économie américaine dépend de la durée où le reste du monde continuera d'absorber notre dette et de financer notre consommation.

Combien de temps reste-t-il avant que "la seule superpuissance du monde" soit universellement reconnue comme étant criblée de dettes, une économie déprimée ayant désespérément besoin d'une subvention du FMI ?

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Paul Craig Roberts a tenu de nombreuses chaires académiques et a contribué à de nombreuses publications scolaires. Il a été Secrétaire-adjoint au Trésor dans l'administration Reagan.


Traduit de l'anglais (États-Unis) par Jean-François Goulon