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Les banquiers mondiaux se mettent d’accord

La récession est finie… Peut-être !

Par Shamus Cook
CounterPunch, le 29 août 2009

article original : "The Recession is Over .... Maybe!"


Peu de personnes considèrent que les opinions des banquiers centraux du monde sont impartiales ou même justes. Ces hommes de la finance internationale qui se sont autoproclamés « sages » n’ont pas vu venir la récession avant qu’elle ne leur pète à la figure – une explosion qui a détruit leur crédibilité.

Néanmoins, il est intéressant d’écouter leur discours. Pas parce qu’ils sont comiques, mais à cause de « la messagerie électronique » que les riches investisseurs utilisent religieusement pour placer leurs paris sur les actions, tandis que le reste d’entre nous doit se contenter de bonnes paroles apaisantes, afin que les laquais des banquiers – les politiciens – puissent continuer de ruiner le pays sans risque de perdre leur job.

Récemment, ces sages banquiers ont annoncé de concert que l’économie mondiale était “sur le point” de se rétablir. Ce langage était intentionnellement vague : ils ne peuvent se permettre d’avoir à nouveau complètement tort et détruire le peu d’autorité qu’il leur reste. Donc, ils se couvrent. Le Président de la Banque Centrale Européenne a été particulièrement prudent, en disant que l’économie entrait sur un « chemin » qui pourrait être très « cahoteux ».

En vérité, ils n’ont absolument aucune idée de ce qu’il va se passer, ni quand cela aura lieu. D’autres économistes présentent un tableau plus sombre de la situation. Par exemple, la publication vedette des entreprises américaines, le Wall Street Journal, a annoncé dernièrement que l’accélération du nombre de faillites bancaires aux Etats-Unis équivalait à une « nouvelle phase » de la crise, où l’accumulation de dette pourrie commençait à démolir les banques à un rythme plus élevé.

De son côté, le magazine « Economist » vient de conclure qu’à la place d’un « rétablissement économique en ‘V’ » - signifiant un rebond rapide – nous devrions nous préparer à « un rétablissement morose en ‘U’, avec une longue période de croissance molle… [pour] les prochaines années. »

Ce type d’analyse est ce qui passe désormais pour de l’optimisme en économie classique. Un « U morose » est bien meilleur qu’un « W terrifiant » - signifiant un nouveau krach potentiel. C’est pourquoi on nous dit que le plan de sauvetage bancaire a évité un « total désastre» et que nous devrions être contents si l’économie produit un lent « rétablissement sans amélioration de l’emploi ». Il est évident que l’économie ne se rétablira pas si des millions de personnes restent sans emploi. Des termes comme « redressement sans amélioration de l’emploi » ont été inventé pour accoutumer les gens à la souffrance, tandis que les méga profits de Goldman Sachs sont présentés comme des « signes prometteurs ». En effet, la souffrance de millions de personnes et les profits des entreprises ont une relation directe, ce dont les médias ne parlent pas.

Les grandes récessions détruisent les salaires et les avantages sociaux. L’immense réserve de main d’œuvre au chômage permet aux employeurs de menacer leurs employés de les licencier s’ils n’acceptent pas de baisser leurs salaires, tandis que d’autres entreprises sont obligées de baisser les salaires pour « leur survie ». Les économistes de marché rationalisent ceci en disant que c’est un « ajustement du marché » : le marché de l’emploi serait censé produire des salaires trop élevés pour pouvoir maintenir les profits.

Cette période continuera probablement pendant encore quelques temps. Une des raisons est que la retraite ne sera pas une réalité pour les millions de personnes incapables d’épargner suffisamment ou qui ont vu leurs comptes d’épargne retraite détruits par la récession.

Un sondage de Career Builders [agence privée américaine de recherche d’emploi] a rapporté que 73% de ceux qui prévoient de prendre leur retraite, la retarderont d’au moins six ans. Beaucoup de travailleurs parmi les plus âgés, à cause de la chute-libre de leur épargne retraite, ont été obligés de renoncer à leur retraite et doivent accepter des emplois mal rémunérés, accroissant ainsi la concurrence pour les jeunes travailleurs.

Selon un édito de Bob Herbert, publié dans le New York Times :

« …seulement 28% des hommes âgés de 16 à 19 ans avaient un emploi. Pour les adolescents des minorités [noires et hispaniques], oubliez ! Les chiffres sont plus qu’effrayants : ils sont catastrophiques. »

Beaucoup d’autres travailleurs ont choisi d’échapper à cette récession en retournant à l’école. Pendant leur scolarité – ou après avoir passé leur diplôme – ces étudiants deviennent des « stagiaires », une façon pour beaucoup d’employeurs de remplacer les salariés.

Un article de Gerry Shih, dans le New York Times, rapportait ceci :

« Avec des emplois salariés si difficiles à obtenir dans un marché de l’emploi aussi faible, un grand nombre de jeunes qui sortent du collège accepteraient volontiers un stage non rémunéré. Mais même dans ce cas-là, ils se retrouvent en concurrence avec des employés licenciés qui ont beaucoup plus d’expérience. »

En plus des stages, de nombreux autres chômeurs prennent des emplois bénévoles pour construire leur CV. Toutes ces bonnes intentions sont utilisées par les employeurs pour tirer les salaires vers le bas ou pour éliminer complètement les emplois salariés.

Le chômage de masse crée une situation tendue pour des millions de personnes, prêtes à se battre les unes contre les autres comme des chiens. Plutôt que d’attribuer cette crise aux banquiers et aux autres profiteurs de la récession, les plus vulnérables de la société – les immigrés – seront sans nul doute les boucs émissaires.

Mais ce n’est pas en s’en prenant aux immigrés que la vie des travailleurs s’améliorera. Ils ne pourront y parvenir qu’en affrontant collectivement leurs employeurs et en exigeant des salaires et des avantages sociaux plus élevés. Si nécessaire, les travailleurs devront s’organiser et exiger que leurs emplois ne soient pas délocalisés, afin d’empêcher les entreprises de rechercher littéralement des salaires d’esclaves.

Pour les travailleurs sans emploi, s’organiser afin d’exiger du gouvernement fédéral et des gouvernements des Etats un véritable programme de stimulation pour créer des emplois est une nécessité absolue. Le premier plan de stimulation d’Obama a été un échec évident : non seulement a-t-il été trop petit, mais il a été essentiellement dédié aux réductions d’impôt et non pas à la création d’emplois.

L’économie ne va pas se corriger toute seule. Des intérêts puissants subventionnent les banques tout en faisant baisser les salaires, et ils continueront de le faire jusqu’à ce qu’ils soient repoussés.

Un plan de stimulation créateur d’emplois qui verse des salaires décents aidera à atténuer l’énorme souffrance. Mais un tel programme ne nous sera probablement pas donné par les Démocrates, qui sont à la solde des entreprises. Il faut le prendre de force.

Tout au long de cette crise économique, le Parti Démocrate a servi avec ardeur les intérêts des riches : Il a refusé de voter des lois sérieuses qui auraient considérablement aidé les travailleurs à éviter la saisie de leurs maisons ; il est en train d’abandonner l’option d’un programme de services médicaux géré par le gouvernement ; il a refusé de voter la loi EFCA [Employee Free Choice Act le libre choix des employés], qui aurait ôté les barrières à la formation de syndicats ; il a donné des milliards de dollars de subventions aux banquiers imprudents ; il a refusé de nationaliser les banques, afin qu’elles puissent commencer à travailler dans l’intérêt de tous, et pas seulement pour les riches ; il a poursuivi les guerres à l’étranger qui ne bénéficient qu’aux entreprises géantes, tout en ne rétablissant pas les libertés civiles aux Etats-Unis ; et, il n’a pas encouragé un programme massif de création d’emplois qui aurait eu le potentiel de soulager la souffrance de millions de travailleurs américains.

La leçon de cette crise économique devient franchement claire ; les travailleurs devront créer leur propre parti politique, dédié à la lutte pour leurs propres intérêts. Un tel parti ne se fera pas tout seul. Les syndicalistes de la base, les associations de quartier et les chômeurs doivent commencer à s’organiser maintenant pour mettre en avant une politique que les Démocrates ont refusé d’appliquer. Une coalition géante de forces progressistes, travaillant en direction de ces objectifs, peut se transformer aisément en un parti politique capable de balayer les deux partis à la solde des grosses entreprises.

Shamus Cooke travaille dans les services sociaux, il est syndicaliste et il écrit pour Workers Action


Traduit de l'anglais par [JFG-QuestionsCritiques]