L'ancien chef du bureau du New York Times au Moyen-Orient et auteur du best-seller "War Is a Force That Gives Us Meaning" [La Guerre est une Force qui nous donne un but] soutient que le bain de sang qui s'empare à présent du Liban et d'Israël ne fera qu'empirer tant que les extrémistes des deux bords continueront de céder à la "nécrophilie collective".
Les blocus aérien, maritime et terrestre du Liban par Israël, qui inclut des frappes aériennes contre l'aéroport de Beyrouth, présage d'une nouvelle ère au Moyen-Orient. Les Centristes s'y sont effondrés et ce sont les extrémistes musulmans et juifs, qui ne connaissent que le langage de la violence, qui déterminent les paramètres de l'existence. Ces frappes, tout comme les attentats-suicides perpétrés par les militants islamistes en Irak et en Israël, révèle l'auto immolation qui infléchit toute la région. Et à moins que cela ne cesse rapidement, à moins que ceux qui alimentent ces conflits n'apprennent à parler un autre langage, à moins qu'ils ne se libèrent de leur penchant à la nécrophilie collective, le Moyen-Orient se déchirera dans une spirale mortelle.
On sentait cela venir depuis longtemps. L'administration Bush n'a jamais eu aucun intérêt à agir en médiateur des accords de paix au Moyen-Orient. Cette négligence volontaire, en même temps que l'exigence bizarre de droits pour les Chrétiens, a été considérée comme un acte amical par Israël. En fait, l'administration Bush n'a été amicale qu'avec une aile très politisée qui, depuis la mort d'Yitzhak Rabin, a oeuvré assez efficacement pour mettre en danger l'Etat hébreu, en démantelant tous les mécanismes qui tendent vers la paix et en faisant d'Israël un paria international. Tandis que le mécanisme de la diplomatie au Moyen-Orient s'est rouillé et s'est bloqué pour cause d'abandon, il a été remplacé avec jubilation par des clôtures, des couvre-feux, des pilonnages et des frappes aériennes plus sévères de la part des Israéliens. Depuis que Bush est arrivé au pouvoir, les Palestiniens ont été réduits par Israël à une existence de subsistance égalée seulement par celle des Africains. Et les outils de répression contre les Palestiniens n'ont d'équivalent que ceux qui furent imposés aux Noirs en Afrique du Sud par le régime de l'apartheid (sauf que les Sud-Africains n'ont jamais envoyé d'avions de chasse bombarder les ghettos noirs).
Il est difficile d'argumenter contre ceux qui mettent en avant les cadavres ensanglantés. Chaque bord trouve utile d'en assurer l'approvisionnement.
Et pourquoi cela ne devrait-il pas être ainsi ? Cette manière binaire de voir prétend que la force est la seule chose que les Arabes comprennent. Cette logique ne fait qu'attiser ceux, dans le monde arabe, qui ne parlent aussi que le langage de la violence. La répression israélienne qui s'intensifie, tout comme la répression des Américains qui s'intensifie en Irak, est devenue l'outil de recrutement le plus puissant pour les extrémistes islamiques. Cela a rendu chaque bord sourd et muet. Alors que ceux qui se trouvent sous la botte d'Israël ou des Etats-Unis perdent tout espoir dans la justice, alors qu'ils renoncent aux recours pacifiques pour alléger leur fardeau, alors qu'ils sombrent dans le désespoir, ils se jettent, par défaut, entre les mains des extrémistes. Et, de la même manière, tandis que les extrémistes sont de plus en plus nombreux et que leurs attaques deviennent plus dévastatrices, cela réduit au silence ceux qui, en Israël et aux Etats-Unis, appellent à la compassion, à la retenue et à la compréhension. Il est difficile d'argumenter contre ceux qui mettent en avant les cadavres ensanglantés. Chaque bord trouve qu'il est utile d'en assurer l'approvisionnement.
Dans ce monde démentiel, les amis et les ennemis ont besoin les uns des autres. Le Hamas et le Hezbollah aspirent, jusqu'à un certain point, aux frappes israéliennes contre la population civile, tout comme l'extrême droite israélienne aspire dans une certaine mesure sinistre aux poseurs de bombes kamikazes. La violence sans distinction de l'un justifie la violence de l'autre. La violence entretient la peur, qui est la force motrice de tous les mouvements messianiques violents américains, juifs et musulmans. Et puisque ces groupes n'ont rien d'autre à offrir que la violence, ils ont besoin de la peur pour maintenir conciliants ceux qui les entourent. Les atrocités commises par l'un - qu'elles soient réelles ou imaginaires - rendent possible les atrocités commises par l'autre.
La responsabilité morale n'est pas la même pour tous. Israël est l'oppresseur à Gaza, en Cisjordanie et, à présent, au Liban. Les Etats-Unis sont l'oppresseur en Irak.
Y a-t-il quelqu'un dans le gouvernement israélien pour croire vraiment qu'attaquer le Liban et tuer plus de 60 civils libanais assurera la libération des deux soldats israéliens capturés ? Il y a eu auparavant des otages, y compris des otages israéliens, qui ont été retenus en captivité au Liban. Et la plupart furent libérés au moyen de négociations longues et douloureuses. Si les Israéliens croient vraiment en cette violence, alors cela nous révèle tristement à quel point ils sont déconnectés du monde qui s'oppose à eux.
La responsabilité morale n'est pas la même pour tous. Israël est l'oppresseur à Gaza, en Cisjordanie et, à présent, au Liban. Les Etats-Unis sont l'oppresseur en Irak. Et il ne peut y avoir aucun espoir pour une résolution pacifique de ces conflits tant que les Irakiens n'auront pas été libérés de l'occupation américaine et les Palestiniens autorisés à construire un Etat viable. Ce sont les effets dénaturants et déshumanisants de l'occupation qui ont rendu possible la prolifération des groupes extrémistes qui, bien qu'à une plus petite échelle, ne font qu'appliquer à l'occupant une partie de son propre remède. Les chiffres, après tout, montrent bien que la plupart des victimes sont palestiniennes, irakiennes et, à présent, libanaises, même si le jeu des chiffres peut aussi obscurcir le fait que le meurtre de tout innocent par quelque groupe que ce soit est indéfendable.
Ceci est le monde de l'apocalypse. Un monde où l'on ne distingue plus les extrémistes de chaque bord. Et si nous ne trouvons pas une nouvelle façon de nous exprimer, alors, il y aura bientôt une souffrance phénoménale - non seulement pour beaucoup d'innocents au Moyen-Orient mais, à la fin, pour des innocents chez nous. C'est l'occupation israélienne du Sud-Liban qui a engendré le Hezbollah et lui a donné du pouvoir. C'est l'occupation et l'humiliation des Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie par Israël pendant des décennies qui a engendré le Hamas et lui a donné du pouvoir, et, c'est l'occupation américaine brutale qui a engendré des légions d'extrémistes en Irak. Et lorsque le dirigeant du Hezbollah, Hassan Nasrallah, promet une "guerre ouverte" contre Israël, comme il l'a fait dans un discours peu après le bombardement de ses bureaux à Beyrouth, et que le Premier ministre israélien, Ehoud Olmert, dit qu'il ne cessera pas son attaque tant qu'Israël ne sera pas en sécurité, il est temps de courir aux abris, surtout quand George W. Bush est notre meilleur espoir pour la paix !
Traduit de l'anglais par [JFG-QuestionsCritiques]