L’Édito électoral de ben Laden t r u t h o u t | Perspective
Par William Rivers Pitt
Vendredi 29
Octobre 2004
Image
extraite d’une vidéo diffusée aujourd’hui par Al-Jazeera et qui montre le dirigeant
d’Al-Qaida, Oussama
ben Laden délivrant un message
adressé au peuple américain.
(Photo: Agence France Presse |
Ce salaud est donc toujours en vie ! Non, il n’est pas mort de défaillance rénale, ni en
pourrissant dans une grotte quelque part dans l’Hindou Koush. On ne l’a pas
enfumé pour le faire sortir de son trou,. Et il n’a vraiment pas l’air d’être
en fuite. Les images qui ont été diffusées ces dernières heures sur toutes
les chaînes de télévision américaines ont montré un homme apparemment en
bonne santé, vêtu d’un kamis blanc traditionnel sous une aba dorée. Ses mains
étaient calmes et sa voix claire. Oussama ben Laden est apparu bronzé, reposé
et prêt. Cet homme qui est l’auteur d’un meurtre collectif
s’immisce dans la campagne et tient un discours surréaliste au public
américain. Voici ce que nous avons entendu ce soir. Oussama ben Laden ne
s’adressait pas au monde musulman et il ne s’adressait pas non plus au
gouvernement américain. Son discours était destiné au peuple qui s’apprête à
élire son président mardi prochain. « Vous, le peuple américain, le
discours que je suis en train de vous tenir est le meilleur moyen pour éviter
un nouveau conflit armé, avec ses raisons et ses conséquences," a dit ben
Laden. Beaucoup de gens pensaient que la capture de ben Laden serait la
"surprise d’octobre" qui risquerait d’affecter le vote. Aussi
incroyable que cela puisse paraître, nous avons eu droit à la place à
l’éditorial de ben Laden, qui est bien vivant et toujours libre. Pour une
surprise d’octobre, c’est une surprise aussi incroyable que vraie. |
Ben Laden a endossé pour la première
fois, ouvertement, la responsabilité des attaques du 11 septembre. Il a
ajouté : « Nous vous avons combattus parce que nous sommes libres… et
nous voulons reconquérir la liberté de notre nation. Puisque vous vous en
prenez à notre sécurité, nous nous en prenons à la votre. Mon discours sur le
meilleur moyen d’éviter un nouveau désastre vous est destiné. Je vous le
dis : la sécurité est un élément important de la vie humaine et un peuple
libre ne renonce pas à sa sécurité. »
Ben Laden a essayé d’expliquer les raisons de l’attaque du 11
septembre, faisant remarquer que c’est l’invasion du Liban par Israël qui a
déclenché "le fusible de l’homicide". « Je vais vous
expliquer les raisons de ces agressions. Je vais vous dire franchement quand
cette décision a été prise. Nous n’avions jamais pensé toucher les tours. Mais
après avoir vu l’oppression que la coalition américano-israélienne a exercée
sur notre peuple en Palestine et au Liban, nous en avons vraiment eu marre, et
cette idée est venue à mon esprit. Les agressions qui m’ont vraiment touchées
remontent directement à 1982 : lorsque les Etats-Unis ont permis aux
Israéliens d’envahir le Liban, avec l’aide de la 6ème flotte. Dans
ces moments difficiles, tant de significations sont venues à mon esprit que je
ne peux expliquer. Mais cela m’a conduit à éprouver un sentiment général de
rejet de l’oppression, et m’a donné une grande détermination pour punir les
oppresseurs. Alors que j’observais les tours détruites au Liban, il est venu à
mon esprit de punir l’oppresseur de la même manière et de détruire les tours
aux Etats-Unis pour leur rendre la monnaie de leur pièce, et qu’ils cessent de
tuer nos enfants et nos femmes. »
Bush et Kerry ne voulaient surtout pas
utiliser cette vidéo comme d’un club de golfe pour se frapper l’un l’autre,
mais leurs conseillers de campagne l’avaient déjà portée sur les ondes pour
dénaturer cet événement au profit de l’un ou de l’autre. En premier lieu ;
on se demande si l’entrée de ben Laden dans la campagne peut aider les
perspectives de réélection de M. Bush. Cet enregistrement vidéo a d’abord été
diffusé sur le réseau Al-Jazeera, qui est basé au Qatar. CNN rapporte que
l’ambassadeur américain au Qatar a tenté d’empêcher Al-Jazeera de diffuser
l’enregistrement. Cette tentative d’intervention additionnée au contenu réel de
cet enregistrement, montre combien la réapparition de ben Laden rend
l’administration Bush nerveuse.
Au-delà de la preuve que M. "Mort ou Vif" se tient toujours bien droit et continue de respirer,
il y a cette moquerie cinglante que ben Laden adresse à Bush, accompagnée d’un
remerciement équivoque pour avoir donné aux terroristes du 11 septembre le
temps dont ils avaient besoin pour conduire cette attaque. « Nous
n’aurions jamais cru que le Commandant en chef des armées américaines aurait
laissé 50.000 de ses citoyens dans les deux tours faire face seuls aux
horreurs, » a dit ben Laden. « Il a pensé que la discussion avec une
petite fille au sujet de sa chèvre et de son coup de corne était plus
importante que les avions et les crashes dans les gratte-ciel. Cela nous a
donné trois fois le temps nécessaire pour mener ces opérations, merci mon
Dieu. »
Ce que Bush avait dit en mars 2002 a
refait encore une fois surface. Pour lui, ce fut un vrai coup à l’estomac.
« Et bien, je ne sais pas où il se trouve, » a dit Bush. « Vous savez,
pour être franc avec vous, je ne passe pas non plus tant de temps que ça à me
préoccuper de lui. […] en vérité, il ne m’inquiète pas beaucoup. » Le type
qui a orchestré le massacre de 3.000 personnes, celui dont Bush dit qu’il ne
l’inquiète pas, ce type a remercié Bush de lui avoir donné le temps nécessaire
pour mener à bien son acte affreux. Dans le langage des jeunes : Bush
s’est fait mettre à la télévision nationale par le terroriste numéro un.
Une question qui a été pressante dans
cette saison électorale résonne maintenant comme une nouvelle urgence. Ces
derniers jours, l’administration Bush a dû se débattre avec l’histoire des 380
tonnes d’explosifs surpuissants – le même type que ceux qui furent utilisés
pour faire sauter le vol 103 de la Pan-Am au-dessus de Lockerbie ou qui furent
utilisé pour éventrer le USS Cole . Ces 380 tonnes d’explosifs se sont
évaporées d’un entrepôt bunkerisé d’Irak.
Une vidéo tournée par des journalistes
d’une chaîne d’information du Minnesota, incorporés dans l’armée pendant
l’invasion de l’Irak, montre des membres de la 101ème Division
Aéroportée couper les scellés apposés à cet endroit. Pourquoi aucun soldat
n’est-il resté pour garder ce bunker que tout le monde connaissait ? Parce
qu’une telle mission ne constituait pas une priorité pour les fonctionnaires de
l’administration Bush qui donnaient les ordres aux troupes. Le propre
inspecteur en armement de Bush, David Kay, a été scandalisé par les images du
reportage de cette chaîne d’information montrant l’ouverture de cet entrepôt.
« Lorsque vous le fracturez, il est à vous, » a dit Kay.
" « C’est votre responsabilité d’en assurer la sécurité. »
Grâce à
cette invasion désastreuse et à la débâcle incessante que constitue son
occupation, l’Irak est devenu un endroit où les terroristes d’Al-Qaida peuvent
opérer en toute liberté. Quelle quantité de ces explosifs est-elle tombée entre
les mains des partisans de ben Laden ? La réapparition d’Oussama ben Laden
rend ces questions particulièrement préoccupantes.
Il reste à voir dans quel sens tout cela va secouer l’électorat américain. Il est possible que les Américains, voyant une nouvelle fois sur leurs télévisions un ben Laden en bonne santé, se rappelleront l’échec de Bush à le capturer ou à le tuer et puniront le président sortant au moment de voter. Peut-être que la colère de voir ben Laden oser balancer son discours sanglant à deux balles dans le débat politique les rallieront à Bush au détriment de Kerry. Toutefois, la seule conclusion définitive que l’on puisse tirer de tout ceci est peut-être celle qui est venue le plus probablement à l’esprit de chaque Américain qui a regardé ce programme :
CE SALAUD EST TOUJOURS EN VIE !
William
Rivers Pitt est journaliste au New York Times et l’auteur de deux best-sellers – “Guerre à
l'Irak : Ce que l'équipe Bush ne dit pas" et " 'The Greatest Sedition is Silence." (ce dernier,
disponible uniquement aux US)