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RD Congo

La Banque Mondiale mise en doute
sur son rôle dans les contrats miniers

par Dino Mahtani à Kinshasa
Financial Times, le 17 novembre 2006

article original : "World Bank faces tough questions over role in Congo mining contracts"

La Banque Mondiale est confrontée à des questions embarrassantes sur son rôle dans la supervision de contrats miniers opaques et sur sa mauvaise gestion de millions de dollars destinés au financement de la reconstruction à un moment crucial dans la transition du Congo vers la démocratie.

Dans un mémorandum confidentiel divulgué au Financial Times, la banque [mondiale] disait qu'elle courait le risque d'une "complicité perçue comme telle et/ou d'une approbation tacite" des contrats miniers signés dans une "absence totale de transparence", l'année dernière par le gouvernement congolais.

Au début de cette année, le département de l'intégrité de la banque a lancé une enquête sur les accusations de mauvaise gestion par les agences gouvernementales congolaises, gérant des centaines de millions de dollars des fonds de la Banque Mondiale destinés à accélérer le désarmement des milices et à financer des programmes de reconstruction. Les audits n'ont pas encore été rendus publics.

Ces accords miniers ont été signés à un moment où la Banque Mondiale étaient impliquée dans les réformes du secteur minier, la source principale de revenus d'Etat pour le Congo. La controverse qui court sur ces accords, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la banque [mondiale], arrive au moment où le Congo se prépare à inaugurer son premier gouvernement entièrement élu. Le Président Joseph Kabila a été déclaré vainqueur de cette élection le 15 novembre.

Les inquiétudes se focalisent pour savoir si la banque a exercé une supervision suffisante durant les trois années depuis qu'elle a recommencer à prêter de l'argent au Congo.

Cette semaine, Paul Wolfowitz, le président de la banque [mondiale], a eu des réunions à haut niveau sur le Congo, en Belgique, avec des personnalités onusiennes et des diplomates de premier plan.

Le mémorandum de la banque [mondiale] sur les mines se rapporte à trois contrats de joint-ventures portant sur des milliards de dollars, signés l'année dernière entre l'entreprise minière nationale de cuivre, la Gécamines, et trois groupes miniers internationaux.

Les analystes disent que ces contrats s'élèveraient à au moins 75% des réserves minérales de la Gécamines et ont soulevé des questions pour savoir si le Congo avait maximisé les revenus de l'Etat y afférents.

Ce mémo disait que ces contrats n'avaient pas fait l'objet d'une "analyse et d'une évaluation approfondies" avant d'être signés. Il disait aussi que les actifs transférés à ces compagnies excédaient les "normes de l'utilisation la plus raisonnable des actifs minéraux".

Ces accords ont tous été signés avant que la Banque Mondiale ne puisse faire venir une équipe d'experts à la Gécamines pour exécuter la restructuration de l'entreprise.

Ce mémo disait que la banque devait envisager avec précaution d'encourager la renégociation "unilatérale" de ces contrats. Les détracteurs disent que cette approche est contraire avec la nouvelle direction de M. Wolfowitz, consistant à encourager les pays en développement à accroître leur transparence, comme pré-condition pour recevoir des prêts.

Le Congo a un passé délétère avec ses partenaires internationaux. Durant les années où ce pays, appelé à l'époque Zaïre, était dirigé par Mobutu Sese Seko, la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International ont continuellement craché des prêts, tandis que le dictateur asséchait les sociétés minières d'Etat et conduisait le pays à la ruine hyper-inflationniste.

Allié régional des Etats-Unis pendant la Guerre Froide, ce pays a été laissé avec pas grand chose pour honorer une dette extérieure d'environ 14 milliards de dollars.

Il y a toujours peu de signes que la gouvernance se soit améliorée. Les ONG et les diplomates occidentaux à Kinshasa critiquent la Banque Mondiale d'avoir fermé les yeux sur la corruption du gouvernement et disent qu'elle est tombée dans de vieux travers pour de nouvelles raisons.

Lorsque la Banque Mondiale a recommencé à prêter au Congo en 2003, des millions de personnes, mourrant de faim et en mauvaise santé, furent déplacées. Il n'y avait pas grand chose en matière d'infrastructures ou d'institutions pour aider le pays à se redresser. Les concessions minières lucratives ont été hypothéquées, tant par les rebelles que par le gouvernement, pour payer les armes et le soutien aux armées étrangères.

Les officiels de la banque défendent leur action en disant qu'ils étaient confrontés avec le choix, soit de partir, soit de se salir les mains, et qu'elle a choisi de traiter avec le gouvernement de transition composé des factions belligérantes, qui se partageaient le pouvoir et qui avaient promis de travailler à la reconstruction du pays.

Ils disent qu'ils ne sont pas responsables d'avoir autorisé les accords miniers signés entre le gouvernement et les sociétés privées. Ils disent aussi que les agences gouvernementales gérant les fonds de reconstruction ont été spécifiquement créées pour éviter les institutions faibles du Congo. Mais la banque [mondiale] a financé le travail préparatoire entrepris par International Mining Consultants (IMC) dès 2002 pour faire des recommandations pour la réforme de la Gécamines.

La banque [mondiale] a aussi contribué à formuler le code minier du Congo de 2002. IMC a recommandé que le conseil d'administration de la Gécamines, dont un grand nombre des membres étaient des candidats politiques, soit remplacé et que tous les accords de joint-ventures soient évalués en profondeur avant la négociation.

Jean-Michel Happi, le directeur de la banque mondiale au Congo, a déclaré que des audits juridiques et financiers avaient été commandés par la Gécamines, qui auraient aidé le gouvernement à prendre une décision sur les possibles révisions de contrats. Les officiels de la banque ont dit qu'ils ont fait tout ce qui était possible pour s'assurer que les fonds de la banque avaient été correctement gérés.

Les analystes disent qu'il est peu probable que les contrats miniers qui avaient été signés avec l'immunité présidentielle seraient renégociés par ceux qui y sont impliqués. Un mémo du Fonds Monétaire Internationale du mois dernier, vu par le Financial Times disait que la mauvaise gestion grossière de ces derniers mois par le gouvernement pouvait "mettre en péril durablement" la position macroéconomique du Congo.

Au début de l'année, le FMI a suspendu le Congo d'un programme de réduction de la pauvreté qui aurait conduit à l'effacement de milliards de dollars de dettes extérieures.

Traduit de l'anglais par [JFG-QuestionsCritiques]<