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Blair sur l'Irak: "Je referais la même chose"

Par Colin Brown (rédacteur en chef politique), Patrick Cockburn à Arbil et Rupert Cornwell à Washington

The Independent, vendredi 17 mars 2006


Sans aucun repentir, et insensible malgré l'augmentation des pertes humaines, Tony Blair a déclaré que s'il était confronté aux mêmes circonstances, il soutiendrait l'invasion de l'Irak de la même manière.

Alors que le Premier ministre britannique exprimait ses convictions selon lesquelles il "referait la même chose", les avions de guerre américains étaient déjà en vol dans ce que l'administration Bush a décrit comme la plus grosse attaque dont l'Irak a été témoin depuis la guerre.

Plus de 50 avions et 1.500 soldats irakiens et américains ont attaqué les insurgés à Samarra, la ville au nord de Bagdad où le dôme d'or de l'un des lieux saints les plus sacrés de l'Islam Chiite a été détruit le mois dernier par les insurgés.

La Maison-Blanche ne regrette pas plus sa décision d'utiliser la force pour se débarrasser de la menace supposée des ADM de Saddam Hussein qui n'existaient pas, en dépit des signes montrant que l'Irak se dirige désormais vers une guerre civile totale.

Selon les chiffres officiels, 103 soldats britanniques ont été perdus dans ce conflit, tandis que 2.311 soldats américains y ont trouvé la mort. Il n'y a aucun chiffre officiel sur les pertes irakiennes.

Hier, les troupes américaines ont lancé "l'Opération Essaim" du côté de Samarra, qui est depuis longtemps une place forte de l'insurrection. Les habitants ont dit qu'ils ont entendu des explosions bruyantes et vu des mouvements de troupes américaines et irakiennes. L'utilisation accrue de la puissance aérienne indique peut-être un changement de tactique afin de réduire les pertes américaines. Mais cela entraînera très certainement une augmentation des pertes civiles irakiennes.

Les insurgés défendent rarement des positions fixes depuis les lourdes pertes qu'ils ont subies lorsque les Marines ont ravagé Falloujah, en novembre 2004 - la dernière offensive majeure qu'ils ont essuyée.

M. Blair, qui croit qu'il sera jugé par Dieu sur le conflit irakien, s'envolera le mois prochain pour les Etats-Unis afin de discuter avec le Président George Bush. Le troisième anniversaire de leur décision conjointe d'envahir l'Irak tombera lundi prochain.

Quand ils se rencontreront, l'ordre du jour sera chargé. Voici les problèmes dont ils discuteront : la violation continue de la loi internationale par le camp de détention de Guantanamo Bay, dont M. Blair a dit hier qu'il devait être fermé ; les émeutes de cette semaine dans les territoires palestiniens qui ont sapé sa réputation de médiateur sincère ; les tensions renouvelées avec l'Iran ; et la demande du public, tant aux Etats-Unis qu'en Grande-Bretagne, pour que les soldats rentrent d'Irak.

M. Blair s'apprête à prononcer un discours la semaine prochaine pour justifier la guerre et répondre aux sérieux doutes à l'intérieur de son propre parti sur la poursuite de l'occupation de l'Irak. Bien qu'il n'y ait jamais eu aucune preuve lien Saddam aux attaques des Tours Jumelles à New York le 11/9, M. Blair a déclaré hier qu'il relierait la guerre qui a renversé Saddam au combat mondial contre le terrorisme.

Interrogé par des journalistes s'il referait la même chose, M. Blair a répondu sans hésitation : "Je le referais absolument" Les députés travaillistes anti-guerre participeront à une manifestation massive, qui aura lieu samedi à Londres, contre la poursuite de l'occupation de l'Irak. Ils appelleront à faire revenir les soldats, mais M. Blair a exclu de "laisser une petite minorité qui veut la terreur et la violence submerger la majorité qui montre qu'elle est prête pour la démocratie".

Il a continué : "Ce ne serait pas seulement une terrible défaite pour l'ensemble du monde occidental que d'abandonner ces gens en ces temps de détresse, cela montrerait un manque total de confiance en nos valeurs et dans le système de gouvernement auquel nous croyons et cela pour tous et partout lorsqu'ils ont la chance qui leur est offerte de le choisir".

M. Blair a prudemment évité de dire qu'il était confiant sur l'avenir de l'Irak, mais il a semblé déterminé à éviter que l'Irak ne soit son épitaphe politique lorsqu'il quittera le pouvoir. Ses collègues du cabinet pensent qu'il dispose d'un peu plus d'un an pour aboutir à un dernier accord qui puisse éviter la guerre civile.

"Oui, c'est vrai qu'il y a des insurgés qui essaient d'interrompre le processus démocratique", a déclaré M. Blair. "Cela ne relève pas de notre responsabilité. Notre responsabilité est de les vaincre".

L'administration Bush a publié hier la dernière mise à jour de son plan quadriennal sur la Stratégie Nationale de Sécurité, dans laquelle elle concède des erreurs du Renseignement. Mais elle a insisté sur le fait que si les sanctions contre Bagdad qui ont précédé la guerre avaient continué à s'éroder, l'ancien dirigeant irakien aurait reconstitué ses stocks d'ADM.

"Avec l'élimination du régime de Saddam, cette menace a été réglée une fois pour toutes".

Ce document de 49 pages a tiré aussi des leçons positives plus larges de cette guerre, malgré des sondages qui montrent qu'une franche majorité d'Américains pensent à présent que l'invasion n'en valait pas la peine et que les Etats-Unis sont plutôt moins sûrs en contrepartie.

Les insurgés se sont renforcés ces dernières semaines alors que la communauté sunnite forte de 5 millions de personnes est de plus en plus terrifiée par les escadrons de la mort chiites issus du ministère de l'intérieur et de l'armée. Même les Sunnites modérés se tournent à présent vers leurs propres milices plutôt que vers les forces gouvernementales.

L'opération américaine n'est peut-être qu'une démonstration de force de l'armée des Etats-Unis en Irak pour faire passer le message qu'elle doit encore être crainte.

Néanmoins, Washington a décidé à présent qu'il n'avait d'autre choix que de discuter directement avec l'Iran, un pays qui exerce une forte influence sur la majorité des dirigeants chiites irakiens, mais que les Américains accusent de négation et de tromperie dans une surenchère largement suspectée d'obtenir des armes nucléaires.

À Washington, Scott McClellan, le porte-parole de la Maison-Blanche, a déclaré que Zalmay Khalilzad, l'ambassadeur des Etats-Unis à Bagdad, était autorisé à discuter avec Téhéran - mais seulement à propos de l'Irak.

Traduit de l'anglais par [JFG-QuestionsCritiques]