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Gaz à effet de serre

Le Linceul Chinois

Par Michael McCarthy et Clifford Coonan

The Independent le 25 avril 2007
article original : "The Great Pall of China"

Dans un changement sismique du monde, la Chine, cette année, dépassera les Etats-Unis en tant que plus gros émetteur de gaz à effet de serre. Bien plus tôt que prévu. Et cela présente un problème : s'attaquer au changement climatique se fera dans des termes encore plus complexes.

L'Agence Internationale à l'Energie (AIE) a déclaré hier que l'économie chinoise, qui croît à un taux record de 11% par an, émet, à partir de ses centrales thermiques à charbon qui se multiplient, une quantité de CO2 qui va dépasser les émissions totales des Etats-Unis.

Il y a moins de trois ans, l'AIE, dont le siège est à Paris, prévoyait que la Chine dépasserait les Etats-Unis en tant que plus grand pollueur du monde — mais pas avant 2025. Plus récemment, l'Agence a déclaré que la Chine le deviendrait d'ici 2010.

Mais aujourd'hui, sa croissance économique (10% par an ces trois dernières années, et à présent plus) et son secteur énergétique sous-jacent sont tels, a déclaré Fatih Birol, l'économiste en chef de l'AIE, que l'on s'attend à ce que les Chinois dépassent les Américains cette année.

L'AIE estime que les Chinois, que l'on pense avoir émis environ 5,6 milliards de tonnes de CO2, comparées aux 5,9 milliards de tonnes des Américains, émettront cette année environ 6,02 milliards de tonnes, contre 5,9 milliards de tonnes pour les Etats-Unis. (En comparaison, la Grande-Bretagne en émet 550 millions de tonnes.) Ce sont ces émissions, dans le monde entier, qui entraînent le réchauffement de l'atmosphère, avec des conséquences potentiellement désastreuses.

Ce développement souligne l'importance cruciale du sommet du G8 qui aura lieu en juin prochain, à Heiligendamm en Allemagne, où les nations les plus riches du monde se rencontreront avec les cinq premiers pays en développement, conduits par la Chine et l'Inde — une tentative de construire le cadre d'un nouvel accord international sur le changement climatique. Il est reconnu de plus en plus que les émissions futures de la Chine, de l'Inde et des autres grands pays en développement sont la clé de l'avenir pour prévenir le réchauffement planétaire. Ainsi que M. Birol l'a déclaré hier, leurs croissances additionnées déborderont toutes les réductions que les pays industrialisés peuvent faire sur leurs propres émissions ; comparées à la croissance chinoise, les réductions opérées par les pays développés auraient un effet "minime" sur la situation globale du CO2. "Il y a une logique à l'ampleur de cette différence," a-t-il déclaré.

Les Chinois et autres pays concernés résistent avec acharnement à l'idée que des réductions d 'émission de CO2 pourraient leur être imposées et ils ressentent qu'ils devraient être entièrement libres de poursuivre leur croissance économique, exactement comme les pays occidentaux l'ont fait pendant 200 ans. Leurs émissions de CO2 par tête d'habitants sont aussi plus faibles que celles des pays occidentaux.

En vertu du Protocole de Kyoto, le traité international sur le changement climatique qui prend fin en 2012, seules les nations développées doivent entreprendre des réductions d'émissions. En matière de programmes d'efficacité énergétique et d'énergie renouvelable, la Chine a ses propres objectifs, mais, bien qu'elle eût dû dévoiler cette semaine son premier plan relatif au changement climatique, elle ne s'est pas fixé d'objectifs en matière d'émissions. Il semble qu'un délai lui ait été accordé.

Hier, M. Birol a insisté sur l'étendue du problème en indiquant qu'au cours des seules huit prochaines années, les Chinois installeraient autant de centrales électriques qu'il en existe en tout actuellement dans les 25 pays de l'Union Européenne — soit une production totale de 800 giga watts.

90% de cette énergie serait d'origine thermique (charbon), c'est à dire produisant le plus de CO2, et la plupart de ces centrales auraient une durée de vie de 50 à 60 ans — "On ne peut tout simplement pas fermer une centrale électrique après 5 ou 10 années d'exploitation. Ce serait un suicide économique." Il a déclaré : "Si nous ne pouvons pas influencer la Chine et l'Inde dans leurs prises de décisions à venir en matière d'énergie, nous serons enfermés et nous devrons vivre avec les conséquences pendant un demi-siècle ou plus."

Les quelques prochaines années seront cruciales pour essayer de dévier la croissance incontrôlée de la Chine et de l'Inde, qui ne peuvent être stoppée, en leur faisant prendre un chemin faible en émissions de CO2. Ceci impliquera des transferts technologiques, tels que la capture et le stockage du CO2, où le CO2 émis par les centrales électriques est liquéfié et enfoui profondément dans le sol, le développement de nouveaux marchés pour le négoce du CO2 et des biens et des services émettant peu de CO2. "Il va nous falloir arriver à imaginer assez vite comment l'Europe et la Chine peuvent travailler ensemble pour arriver à une option de centrales à charbon neutres en CO2," a déclaré Tom Burke, un écologiste de tout premier plan.

En commençant le "dialogue de Gleneagles" [pour réduire les émissions de CO2] avec les nations en développement, lors du sommet du G8 de 2005 en Ecosse, la Grande-Bretagne a montré la voie en reconnaissant l'urgence de passer un accord à cet effet. Le chapitre consacré au climat, lors de la rencontre de Heiligendamm, le "G8 + 5", tentera d'esquisser un tel accord. La Grande-Bretagne soutient fortement la présidence allemande du G8.

Cinq têtes de chapitre y seront proposées :
— L'objectif de stabilisation à long terme du climat ;
— Le développement d'un marché mondial du CO2 ;
— Le développement des nouvelles technologies et l'augmentation de leurs capacités ;
— La réduction de la déforestation ;
— L'assistance aux pays déjà menacés par le changement climatique, tels que les îles peu élevées confrontées à la montée des océans, pour qu'ils entreprennent une action préventive.

Tony Blair travaillera avec la chancelière allemande, Angela Merkel, afin d'obtenir des huit chefs d'Etat qu'ils acceptent un nouveau pacte climatique, qui serait l'accomplissement qui couronnerait son mandat de Premier ministre à la tête de la Grande-Bretagne.

Mais, compte tenu du fait que les Etats-Unis, qui pourraient être le leader international pour faire basculer l'économie mondiale vers une croissance pauvre en émissions de CO2 et qui n'ont pas pris un tel commandement en se retirant du Protocole de Kyoto, un pacte sera beaucoup plus difficile à passer. Les Chinois et les Indiens ont beaucoup moins de chance de monter à bord si les Etats-Unis restent à l'extérieur.

Le représentant spécial britannique au changement climatique, John Ashton, s'est envolé pour la Chine hier soir avec pour mission d'explorer comment la politique commerciale pourrait influencer le développement de marchés dans les technologies faibles en émissions de CO2. Commentant la nouvelle selon laquelle la Chine dépasserait les Etats-Unis en tant que premier émetteur de gaz à effet de serre, il a déclaré : "Je pense que cela nous nous fait comprendre encore plus l'urgence de ce processus et l'étendue de la réponse qui est nécessaire. Il s'agit de la transformation structurelle de l'économie mondiale, qui doit passer de fortes émissions de CO2 à de faibles émissions de CO2, que nous devons accomplir ensemble. C'est encore plus urgent que ce que nous pensions."

Une nation en plein essor

* SON ECONOMIE

L'économie chinoise continue de croître à une vitesse affolante, rarement descendue en dessous de 10% ces quatre dernières années. La croissance au premier trimestre de cette année à été de 11,1% comparée aux 10,4 du dernier trimestre de 2006. Le gouvernement chinois a déclaré qu'il avait pour objectif une croissance annuelle de 8% pour limiter le développement qui nuit à l'environnement.

* SON ENVIRONNEMENT

La Chine est le premier producteur de charbon et en brûle plus de 2 milliards de tonnes par an. Le dioxyde de soufre et la suie qui sont produits par la combustion du charbon résultent en pluies acides, qui tombent désormais sur environ 30% de la superficie totale de la Chine. La consommation de pétrole en Chine a doublé en l'espace de 20 ans. Seize des villes les plus polluées du monde se trouvent en Chine.

Traduit de l'anglais par [JFG-QuestionsCritiques]