L'Amazonie brûle et l'Amérique du Sud étouffe
Par Daniel Howden et Jules Steven à La Paz
article original : "South America chokes as Amazon burns"
The Independent, le 5 octobre 2007
De vastes étendues du Brésil et du Paraguay, ainsi qu'une grande partie de la Bolivie, étouffent sous des couches épaisses de fumée tandis qu'un feu échappant à tout contrôle fait rage dans la forêt tropicale d'Amazonie, obligeant à l'annulation de vols.
Les images des satellites ont montré, hier, d'énormes nuages de fumée et une grande partie du bassin de l'Amazonie qui brûle, alors que des feux, allumés à l'origine par les éleveurs pour dégager des terrains, faisaient rage à l'intérieur même de la forêt.
De Santa Cruz, dans l'Est de la Bolivie, où des vols sont restés cloués au sol, à la ville frontalière brésilienne de Porto Velho, où le fleuve Madeira a été rendu innavigable, une fumée brûlante cache le soleil et les communautés locales ont commencé à se plaindre de troubles respiratoires.
Roberto Smeraldi, à la tête des Amis de la Terre au Brésil, a déclaré que la situation échappait à tout contrôle : "Nous avons une forte concentration de feux, correspondant à 10.000 départs de feu sur une vaste étendue d'environ deux millions de km², dans le sud de l'Amazonie brésilienne et en Bolivie".
Chaque année, à la fin de la saison sèche, en anticipation des premières pluies d'hiver, les fermiers et les éleveurs de toute l'Amérique du Sud allument des feux pour "renouveler" les terres à pâturage. Mais ce cycle ancestral a échappé à tout contrôle alors que la déforestation et le changement climatique ont créé une situation explosive. Il y a eu aussi une expansion massive des élevages de bovins dans les zones forestières, où des feux sont allumés pour dégager le terrain après que les tronçonneuses ont abattu les arbres.
M. Smeraldi a été très clair sur la responsabilité des incendies de cette année : "C'est essentiellement, je dirais à plus de 90%, le résultat de l'expansion de l'élevage de bovins". Les premières pluies sont arrivées mais elles sont plus faibles que d'habitude dans la plupart des endroits et n'ont servi à rien contre les incendies.
Ces trois dernières années, la Banque Nationale de Développement du Brésil et la Banque Mondiale ont déversé des fonds en Amazonie méridionale, alimentant l'expansion de l'industrie bovine, avec de nouveaux abattoirs et quatre millions de têtes supplémentaires de bétail arrivant exactement dans les zones qui sont aujourd'hui en feu. Les défenseurs des ressources naturelles ont déclaré que les gouvernements, tandis qu'ils insistent sur le fait qu'ils font tout leur possible pour stopper la déforestation, ont mis en place des incitations à détruire la forêt. "C'est l'argent des contribuables qui alimente ces feux", a déclaré M. Smeraldi.
Les forêts permanentes, dont la plus grande du monde se trouve en Amazonie, jouent un rôle vital dans la régulation du climat mondial, absorbant à la fois les émissions nocives et agissant comme de vastes réceptacles de CO2. Pour l'instant, ces forêts ne sont pas inclues dans les programmes internationaux d'échange de CO2, établis en vertu de l'accord de Kyoto - le seul effort mondial sérieux qui a été fait pour soulever la question de la déforestation et de l'éviter, comme moyen de limiter l'impact catastrophique du changement climatique.
"Ces feux reflètent le côté suicidaire de l'homme", a déclaré Hylton Murray Philipson, de l'œuvre caritative basée à Londres, Rainforest Concern. "Tandis que les politiciens parlent de déterminer le bon moment, la destruction se poursuivra jusqu'à ce que nous commencions à attribuer une vraie valeur à la forêt permanente.
"Les forces de la mondialisation s'intensifieront avec la construction de deux routes goudronnées reliant l'Amazonie brésilienne occidentale à la côte péruvienne sur le Pacifique, raccourcissant radicalement la route d'exportation vers la Chine", a déclaré M. Murray-Philipson. "Si nous ne permettons pas aux populations locales de gagner leur vie avec la forêt permanente, celle-ci continuera d'être transformée en prairie pour le bétail et en cultures de soja - et nous ne pourrons nous en prendre qu'à nous-mêmes".
Le Brésil et l'Indonésie n'apparaissent pas sur les indices industriels conventionnels des principaux pollueurs mondiaux, mais ces deux pays font partie des quatre plus gros émetteurs de CO2 lorsque l'on prend en compte la déforestation.
Traduction [JFG-QuestionsCritiques]