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Préoccupation croissante sur les armes utilisées par Israël à Gaza

Par Donald Macintyre à Atatra, nord de la Bande de Gaza
The Independent, 24 janvier 2009

article original : "Growing concern over Israel's weapons use"


Qu’il fût dans un état de choc à retardement ou non, Mahmoud Abou Halima a indiqué, avec une certaine froideur, le trou fait dans le toit par le pilonnage de l’artillerie, qui a tué son père et brûlé à mort sa petite sœur de 15 mois et trois de ses jeunes frères. Il se trouvait dans la maison d’à côté et s’est précipité en courant lorsqu’il a entendu la première explosion. « J’ai commencé à monter les escaliers en criant ‘maman, maman’ », a-t-il déclaré. « Mais elle était déjà en train de descendre. Elle était en feu. Tous ses vêtements étaient en feu. J’ai mis ma veste sur elle. Elle m’a dit : « Va chercher ton père, il est blessé. »

La scène qui a accueilli Mahmoud, 20 ans, est de la sorte qui le hantera probablement pour le restant de ses jours. Le reste de sa famille déjeunait dans l’une des pièces de la maison, mais lorsqu’ils ont entendu les premiers tirs, ils se sont rendus dans l’entrée – ce qui leur fut fatal –pour se mettre en sécurité. Le cadavre de son père, un fermier de 45 ans, touché directement par un obus – l’un des trois obus que la famille dit être arrivés dans une succession rapide – était, explique Mahmoud, « collé » aux corps de ses trois fils qui se consumaient encore, Abed, 14 ans, Zaïd, 10 ans, et Hamza, 8 ans, comme s’il les avait pris dans ses bras dans les dernières secondes de sa vie. Sa jeune sœur de 15 mois, Shaled, était étendue à côté, après « avoir fondu », selon les mots de sa mère gravement brûlée, Sabah, également âgée de 45 ans, lorsque les missiles ont frappé tandis qu’elle l’allaitait.

Si l’enquête que l’armée israélienne a annoncée cette semaine à propos de l’utilisation de phosphore blanc est sérieuse, elle devra examiner les événements qui se sont déroulés dans la maison d’Abou Halima, ici, dans la banlieue semi-rurale de Beit Lahiya, parmi de nombreux autres sites. Il est peu probable que l’on s’étendra longtemps sur le fait que cette guerre a vu l’utilisation de l’artillerie à Gaza [pour la première fois] depuis la fin de 2006. L’armée [israélienne] avait stoppé son artillerie après que 18 membres d’une famille furent tués par obus tiré contre une maison de civils à Beit Hanoun, en novembre 2006.

Mais elle devra prendre en compte le fait qu’Amnesty International n’a pas le moindre doute que les obus qui ont tué la famille d’Abou Halima contenaient du phosphore. Nafez al Shaban, le chef de l’unité des grands brûlés de l’hôpital Shifa, qui a fait ses études à Glasgow et aux Etats-Unis, est certain que la destruction des tissus jusqu’à l’os subie par Mme Halima, par sa belle-gravement blessée et par sa petite-fille, a été causée par ce phosphore. Enfin, des fragments de cette substance brune spongieuse, avec son odeur âcre repoussante, se trouvent toujours dans les décombres à l’extérieur de la maison d’Abou Halima.

Après une semaine de cessez-le-feu, Israël est confronté à des questions croissantes, non seulement à propos du phosphore, mais sur les autres armes qui ont été utilisées. Pour les milliers de civils gazaouis cherchant à reconstruire leurs vies en ruines, l’espoir que le nouveau président des Etats-Unis sera plus actif que son prédécesseur, dans la région, semble toujours plus ou moins hors de propos. Et ce n’est pas seulement à cause d’un nombre total de blessés s’élevant à 5.300 – chiffre avancé par le ministère de la santé à Gaza – ou les inquiétudes sur les dégâts psychologiques à long-terme causés aux enfants. Ils sont aussi confrontés à un conflit prolongé entre Israël, l’Autorité Palestinienne basée à Ramallah et une grande partie de la communauté internationale, d’un côté, et le Hamas, de l’autre côté, avant que le travail de reconstruction qui coûtera des milliards de dollars ne puisse commencer. Pour la plupart des Gazaouis, la paix est un retour à leur pauvre vie antérieure assiégée – mais en pire.

Dans la ville de Gaza, tandis que les boutiques ouvrent et que les policiers du Hamas retournent faire la circulation aux carrefours, il est possible de voir une sorte de normalité de surface. Mais, se déplacer en véhicule ici, parmi les immeubles bombardés, sur des routes transformées par les chars israéliens en pistes à peine praticables, revient à se retrouver dans paysage, décrit sans exagération par la Croix-Rouge, ressemblant à un tremblement de terre. A environ 1,5 km de la maison d’Abou Halima, deux ânes gisent toujours sans vie sur le bord de la route, exactement comme le corps de Shaled Abou Halima s’est décomposé pendant quatre jours et ceux de son père et de ses trois frères pendant neuf jours, jusqu’à ce que la Croix-Rouge puisse s’y rendre. La famille dit que tandis que des parents ont emmené Sabah Abou Halima à l’hôpital dans le premier véhicule, les deux véhicules suivants ont été frappés par des chars à quelques centaines de mètres plus loin sur la route, tuant deux autres membres de la famille et laissant le reste des passagers s’enfuir en abandonnant les corps.

Atatra est identifiée depuis longtemps par les forces israéliennes comme un endroit d’où sont lancées des Qassam, et peut-être que certains bâtiments en ruines à 1 km ou 2 de la maison d’Abou Halima étaient piégés. Mais cette famille insiste sur le fait qu’aucun homme en armes n’opérait du côté de leur maison lorsqu’elle a été pilonnée, alors que les forces israéliennes occupaient, ici, une position de commandement surplombant Beit Lahiya. A Shifa, Sabah, blessée et endeuillée, qui a voté pour le Hamas en 2006, menace de devenir une « kamikaze » et dit qu’elle veut que Tzipi Livni « brûle, comme mes enfants ont brûlé ». Mais son cousin Ibrahim, 50 ans, ne dit rien de tel. « Nous sommes tous des fermiers », dit-il. « Nous n’avons aucun lien avec les factions. Pourquoi les Israéliens nous font-ils cela ? »

Traduction [JFG-QuestionsCritiques]