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Le futur de l'Irak : Le butin de guerre

Par Danny Fortson, Andrew Murray-Watson et Tim Webb

The Independent le janvier 2007
article original : "Future of Iraq: The spoils of war"

Comment l'Ouest ramassera un joli paquet
avec les richesses pétrolières irakiennes


Les réserves pétrolières massives de l'Irak, les troisièmes du monde, sont sur le point d'être grandes ouvertes à l'exploitation à grande échelle par les compagnies pétrolières occidentales, en vertu d'une loi controversée qui doit passer ces jours-ci devant le parlement irakien.

Le gouvernement étasunien a été impliqué dans l'élaboration de cette loi, dont l'Independent on Sunday a pu voir l'avant-projet. Elle donnerait aux grosses compagnies, telles que BP, Shell et Exxon, des contrats de 30 ans pour extraire le brut irakien et autoriser la première opération à grande échelle dans ce pays, sur les intérêts pétroliers, depuis la nationalisation de l'industrie (pétrolière) en 1972.

Les immenses prises de guerre potentielles pour les firmes occidentales alimenteront en arguments les détracteurs qui disent que la guerre d'Irak a été menée pour le pétrole. Sont dans leur ligne de mire, des déclarations comme celle du vice-Président Dick Cheney, qui a déclaré en 1999, alors qu'il était le PDG d'Halliburton (société de services pour l'industrie pétrolière), que le monde aurait besoin d'un supplément de 50 millions de barils de pétrole par jour d'ici 2010. "Alors, d'où ce pétrole proviendra-t-il ? ... Du Moyen-Orient, qui détient les deux-tiers du pétrole de la planète et dont le coût [d'extraction] est le plus faible, c'est là, en fin de compte, que se trouve le trésor", avait-il dit.

Patrons de l'industrie pétrolière et analystes disent que cette loi, qui permettra aux sociétés occidentales d'empocher les trois-quarts des profits les premières années, est le seul moyen de remettre l'industrie pétrolière irakienne sur ses pieds après des années de sanctions, de guerre et de perte d'expertise. Mais la loi opèrera au moyen "d'accords de partage de la production" [production-sharing agreements ou PSAs], très inhabituels au Moyen-Orient, où l'industrie pétrolière des deux plus grands producteurs du monde, l'Arabie Saoudite et l'Iran, est contrôlée par l'Etat.

Les opposants disent que l'Irak, où le pétrole compte pour 95% de l'économie, a été obligé de renoncer à un degré inacceptable de souveraineté.

Lorsqu'il a proposé la motion parlementaire pour la guerre en 2003, Tony Blair a réfuté la "fausse accusation" selon laquelle "nous voulons mettre la main" sur les revenus pétroliers de l'Irak. Il a dit que cet argent devrait être placé dans un fonds d'investissement, géré par l'ONU, pour les Irakiens, mais cette idée n'est allée nulle part. La même année, Colin Powell, alors Secrétaire d'Etat, avait déclaré : "Cela coûte un gros paquet d'argent pour livrer cette guerre. Mais le pétrole du peuple irakien appartient au peuple irakien ; c'est leur richesse et elle sera utilisée à leur profit. Donc, nous ne l'avons pas faite pour le pétrole".

Ceux qui soutiennent cette idée disent que la provision qui accorde aux compagnies pétrolières de prendre jusqu'à 75% des profits durera jusqu'à ce qu'elles aient recoupé les coûts initiaux de forage. Après cela, elles collecteront environ 20% des profits, selon des sources de l'industrie en Irak. Mais, dans cette industrie, c'est le double de la moyenne pour de tels accords.

Greg Muttit, un chercheur de Platform, une association de droits de l'homme et d'environnement, qui surveille l'industrie pétrolière, a déclaré qu'il est demandé à l'Irak de payer un énorme prix pendant les 30 prochaines années à cause de son instabilité présente. "Ils seront massivement perdants", a-t-il déclaré, "parce qu'ils n'ont pas, pour le moment, la capacité d'obtenir un bon accord".

Le vice-Premier ministre irakien, Barham Salih, qui préside la commission du pétrole du pays, doit dévoiler le contenu de cette loi dès aujourd'hui. "L'ensemble de l'industrie pétrolière irakienne est redessiné selon des normes modernes", a déclaré Khaled Salih, le porte-parole du Gouvernement Régional Kurde, partie dans ces négociations. Le gouvernement irakien espère que la loi entrera en vigueur d'ici mars.

On dit que plusieurs compagnies pétrolières majeures ont envoyé, ces derniers mois, des équipes dans le pays pour faire pression en vue d'obtenir des accords préalables à cette loi, bien que l'on considère qu'il est peu probable que les grosses pointures investissent tant que la violence en Irak ne baissera pas.

James Paul, le directeur général du Global Policy Forum, le groupe de surveillance international des gouvernements, a déclaré : "Il n'est pas exagéré de dire que l'écrasante majorité de la population serait opposée à cela. Le faire quand même, avec un débat minimal au sein du parlement [irakien] revient juste à verser plus d'huile le feu".

Vince Cable, le porte-parole démocrate-libéral du Trésor [US] et ancien chef économiste à la Shell, a déclaré qu'il était crucial que tout accord garantisse des fonds pour reconstruire l'Irak. "Il est absolument vital que le revenu de l'industrie pétrolière aille au développement irakien et c'est ainsi que l'on voit les choses", a-t-il déclaré. "Bien que cela ait un sens de collaborer avec des investisseurs étrangers, il est très important que les termes soient vus comme étant équitables".

Traduit de l'anglais par [JFG-QuestionsCritiques]