Elections présidentielles
Chirac a bien envie de sauver la France de Royal
Par John Lichfield, correspondant à Paris
The Independent, le 6 janvier 2007
article original : "Chirac keen to save France from Royal"
Ira ou n'ira pas? Hier, la France a contemplé avec un mélange d'étonnement et d'incrédulité la possibilité que Jacques Chirac, à 74 ans, puisse se relever de son lit de mort politique et se présenter à un troisième mandat présidentiel.
Après une série de discours de nouvel an combatifs et des déclarations politiques prononcées par le président impopulaire, hommes politiques et commentateurs se sont démenés pour donner un sens à sa stratégie.
Pendant sa semaine de nouvel an destinée aux déclarations et aux vœux — avec encore plusieurs autres à venir — M. Chirac a donné l'impression d'être tout sauf un politicien qui prévoit de se retirer en silence vers la retraite après l'élection présidentielle à deux tours en avril et mai prochains. Le président fait tout pour ébranler — voire humilier — son ancien protégé, Nicolas Sarkozy, l'homme qui espère le remplacer en tant que porte-drapeau de la droite, la semaine prochaine, et comme président de la République, en mai.
Certains commentateurs pensent que M. Chirac pourrait — contre toute logique électorale — se préparer pour une nouvelle campagne électorale (sa cinquième). D'autres suggèrent qu'il essaye simplement de faire dérailler M. Sarkozy, ceci faisant partie de l'inimitié de 12 ans entre les deux hommes, considérés autrefois comme père et fils politiques.
Quel que soit le cas, M. Chirac risque de diviser la droite à l'avantage du dirigeant et vieux routier d'extrême droite, Jean-Marie Le Pen et, par-dessus tout, à l'avantage de la candidate socialiste, Ségolène Royal.
Le quotidien Le Républicain Lorrain a dit hier que le président "vidait quotidiennement" le message de campagne de M. Sarkozy, voulant dire que "Chirac vote clairement pour Royal".
De nombreux supporters de Sarkozy à droite — tout en étant en colère par le comportement de M. Chirac — continuent d'écarter toute possibilité qu'il se représente. On dit que le Président a repoussé à plusieurs reprises les approches de la part de ses plus fidèles parmi les fidèles qui veulent poser les fondations préliminaires pour une campagne indépendante de Chirac.
D'un autre côté, le très chiraquien Premier ministre Dominique de Villepin, a déclaré jeudi que la saison électorale pour les présidentielles "ne faisait que commencer" et qu'il y aurait "des surprises à venir".
Une personnalité importante de droite a déclaré à l'Independent, le mois dernier, que le Président Chirac s'était auto-convaincu — malgré des sondages très bas — que lui seul pouvait sauver la France d'une présidence Royal. Cette source a dit que M. Chirac espérait que M. Sarkozy, 51 ans, commencerait à plonger dans les sondages — offrant au président une ouverture pour entrer dans la course en février ou en mars.
Bien que Mme Royal ait pris trois ou quatre points d'avance dans les tous derniers sondages, le soutien de M. Sarkozy se maintient plutôt bien. Une poignée de fidèles de Chirac, dont l'ancien Premier ministre Alain Juppé et, hier, Catherine Colonna, la ministre déléguée à l'Europe et ancienne porte-parole de Chirac, ont déclaré leur soutien pour le plus jeune des deux hommes.
Lors de ses discours traditionnels du nouvel an cette semaine, qui a débuté par une allocution télévisée à la nation dimanche soir, M. Chirac n'a donné aucune indication directe concernant ses intentions. D'un autre côté, il a refusé ostensiblement de soutenir les ambitions de M. Sarkozy.
Le ministre de l'intérieur est certain, en tant que candidat unique, de remporter la "nomination" officielle du parti au pouvoir, l'UMP, le 14 janvier. Le Président Chirac a fait savoir qu'il n'enverra aucun message de soutien à la conférence du parti.
Au lieu de cela, M. Chirac a formulé une série d'idées pour, simultanément, réduire les impôts et préserver le système social français. Il a ouvertement volé certaines idées à M. Sarkozy mais il a aussi mis en garde fortement la droite contre la "tentation" de tourner définitivement la page et de rejeter 12 années de chiraquisme.
M. Sarkozy a appelé régulièrement à la "rupture" avec la politique centriste des 25 dernières années.
Dans sa dernière déclaration de nouvel an, aux ambassadeurs étrangers, hier, M. Chirac a cherché à exposer son expérience et sa maîtrise des affaires internationales. Il a déclaré que la guerre en Irak avait "accru le terrorisme" dans le monde. Il a appelé l'Iran à faire un "geste" dans son impasse nucléaire avec l'Ouest.
François-Xavier Pietri, écrivant pour le quotidien économique, La Tribune, a déclaré : "Jacques Chirac nous étonne toujours. Il a lancé l'année avec un programme électoral qui laisse peu de place à la manœuvre à un certain... Nicolas Sarkozy".
© 2006 Independent News and Media Limited / Traduction [JFG-QuestionsCritiques]