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Election présidentielle 2007

Sarkozy : Je ne suis pas un fasciste
(même si j'en ai l'air)

Par John Lichfield à Paris

The Independent, le 30 avril 2007
article original : "Sarkozy: I am no fascist (even if I sound like one)"


Après une semaine où ses opposants l'ont accusé de tout sauf de manger les bébés, Nicolas Sarkozy était tenu d'adopter un ton plus doux pour son dernier gros rassemblement électoral à Paris.

Sauf qu'il ne l'a pas fait ! Le candidat de droite a offert à une foule en délire de 20.000 personnes une tranche de "Sarko" classique — 80 minutes d'indignation en pointant du doigt le système politique auquel il a appartenu pendant 20 ans.

C'est vrai, M. Sarkozy, 52 ans, le candidat de droite à la présidence, a nié avec colère qu'il était un fasciste ou même un "nationaliste". Il a rappelé à la foule que le plus grand héros politique moderne de la France, Charles de Gaulle, avait aussi été accusé d'avoir des penchants fascistes et antidémocratiques. C'est vrai, M. Sarkozy a promis, s'il est élu, d'introduire une petite dose de représentation proportionnelle dans les deux chambres du parlement. C'est une vieille exigence des supporters de l'UDF, le parti centriste, qui détiennent la clé de l'élection de dimanche prochain.

Autrement, ce fut un spectacle intense de populisme contrôlé, appuyant sur tous les boutons de la colère et de l'indignation dans un pays qui a autant de ronchonnements que de fromages. M. Sarkozy a déclaré qu'il voulait être le "porte-parole de la France".

Il voulait tenir tête à tous ceux qui plument les Français, qui incluaient les "politiciens, les technocrates, les syndicalistes et les fraudeurs". Sans doute, M. Sarkozy ne se compte-t-il pas parmi les politiciens ?

C'était le langage de l'extrême droite populiste, au nom — a insisté M. Sarkozy — de la réforme consensuelle, pragmatique et libérale. M. Sarkozy n'est peut-être pas un fasciste mais il n'a pas peur d'en avoir l'air. C'est peut-être le secret de son succès mais ceci explique aussi pourquoi une grande partie de la France — et pas seulement à gauche — est effrayée par la perspective — et même la probabilité — d'une présidence Sarkozy.

Le rassemblement au Palais du rock et des sports de Bercy, à l'est de Paris, a donné le coup d'envoi de la dernière semaine de la campagne présidentielle, qui comprendra le débat télévisé très attendu entre M. Sarkozy et la candidate socialiste, Ségolène Royal, mercredi soir.

Bien qu'il ait été en tête dans les sondages d'opinion depuis la mi-janvier et bien qu'il ait fait un très gros score au premier tour, la semaine dernière, M. Sarkozy s'est retrouvé sur la défensive ces derniers jours. Mme Royal remonte dans les sondages. Elle est arrivée à 4 points de M. Sarkozy dans un sondage de la Sofres hier soir. L'internet en français est inondé de commentaires sur la nouvelle rupture sérieuse dans le mariage de Sarkozy et, pourtant, cette information n'est finalement toujours pas rapportée par les principaux journaux français ou à la télévision et à la radio.

Pire que tout pour M. Sarkozy, la première partie de la campagne de second tour s'est surtout concentrée sur le caractère et la personnalité du prétendant à l'Elysée.

L'ancien ministre de l'intérieur aime se décrire lui-même comme un homme d'action pragmatique, poussé par le bon sens, la moralité traditionnelle et les résultats. Ses opposants — à la fois Mme Royal et le centriste battu, François Bayrou — ont utilisé tous les moyens pour le dépeindre comme un homme sinistre et dangereux, qui pourrait détruire les libertés politiques et générer une opposition violente dans les rues et dans les banlieues multiraciales pauvres.

Les attaques les plus vicieuses sont venues de M. Bayrou, qui, par deux fois, a parlé de ce qu'il appelle le "goût de M. Sarkozy pour la confrontation et la menace". Bien qu'il ait officiellement refusé de soutenir Mme Royal, M. Bayrou est devenu son allié de fait contre M. Sarkozy au deuxième tour de la campagne.

Samedi, la gagnante socialiste et le centriste battu ont tenu un débat télévisé sans précédent dans un hôtel de Paris. Auparavant, ils avaient accusé tous les deux M. Sarkozy — sur de maigres preuves — d'avoir fait collusion avec ses riches amis de l'industrie des médias pour empêcher cette rencontre d'avoir lieu.

En l'occurrence, ce débat a été amical et essentiellement anodin. Mme Royal est apparue plus détendue que les semaines précédentes, montrant même son sens de l'humour. Lorsqu'un journaliste a demandé si elle et M. Bayrou pourraient "vivre ensemble", elle a dit : "Il s'appelle peut-être François, mais il ne faut pas exagérer…" Son partenaire et père de ses quatre enfants est [bien sûr] François Hollande, le dirigeant du Parti Socialiste.

Le fait même que Mme Royal ait été vue à la télévision souriante et plaisantant avec M. Bayrou pourrait lui donner un coup de pouce significatif dans les jours à venir. Les presque 7 millions de suffrages obtenus par M. Bayrou au premier tour décideront de l'issue de l'élection le week-end prochain. Environ 40% d'entre eux se sont tournés vers Mme Royal, selon les sondages d'opinions, et environ 30% vers M. Sarkozy.

Les autres 30%, environ, sont indécis ou ne sont pas sûrs s'ils se donneront la peine de voter une deuxième fois.

Dans deux sondages d'opinion hier, M. Sarkozy battrait Mme Royal dimanche prochain avec 5 points d'écart — 52,5% contre 47,5%. Dans un autre sondage, celui de la Sofres, son avance était tombée à 4 points : 52-48. Il y a une semaine, l'avance de M. Sarkozy était de 8 points.

Traduction [JFG-QuestionsCritiques]