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Elections présidentielles 2007

Tour de France, 4ème étape :
Toulouse

Par John Lichfield

The Independent, le 20 avril 2007
article original : "Tour de France, Stage 4: Grenoble "

L'extrême gauche et la gauche "d'avant-garde"
livrent bataille pour le vote des jeunes


Arlette Laguiller, la diva politique de la France, celle qui prend de l'âge mais qui n'a pas d'âge, fait sa toute dernière tournée présidentielle.

Après cinq campagnes - plus que Jacques Chirac et presque autant que Jean-Marie Le Pen - elle approche du baisser de rideau de l'une des plus longues et plus inhabituelles carrières politiques en Europe.

Il n'y a pas de cirque de campagne. Elle pénètre dans une salle publique, à Toulouse, au style stalinien des années 30 et inondée d'une lumière aveuglante, sous les applaudissements rythmés de ses camarades. Il y a quatre drapeaux rouges de chaque côté du podium, des grandes bannières avec des faucilles et des marteaux, et des slogans longs et graves. L'un dit : "Pour résister au dictat de la classe patronale, nous exigeons le droit d'inspecter les comptes des plus grandes entreprises".

Mme Laguiller, 67 ans, candidate perpétuelle de Lutte Ouvrière commence par sa célèbre introduction "Travailleuses, travailleurs". Avec sa coupe de cheveux à la garçonne non moins célèbre - et pas absurde - elle porte une veste de daim chic et une chemise rose-tendre.

Arlette, ainsi qu'elle est universellement connue en France, comme si elle était une rock star ou une vedette de cinéma, parle doucement. Son boniment n'a quasiment pas changé depuis sa première campagne, en 1981. Elle prédit une "explosion sociale" par les "classes populaires" contre les "grands patrons" et la "classe capitaliste".

En même temps, elle exige le droit d'inspecter les livres des sociétés. Elle s'exprime au nom de l'un des partis trotskistes le plus secret et le moins reconstruit idéologiquement et ses exigences sont - dans ces circonstances - absurdement modérées.

Sur le Tour de France de The Independent avant le premier tour de l'élection présidentielle de ce dimanche, nous avons parcouru 650 km vers le sud-ouest. Nous nous trouvons dans la ville la plus jeune et la deuxième plus belle de France, Toulouse. C'est un endroit idéal pour voir comment votent les jeunes et à Toulouse on trouve l'une des grandes "exceptions" politiques françaises : la force de l'extrême gauche. En dehors de Ségolène Royal, il y a six candidats plus à gauche qu'elle qui se présentent au scrutin de dimanche.

Lors de la dernière présidentielle ils étaient sept [à gauche] et ils ont absorbé une quantité record de l'ensemble des votes - 26,7 %. Arlette Laguiller à elle seule a atteint 5,7 %, son plus gros score absolu. En conséquence, le Premier ministre socialiste, Lionel Jospin, avec 16%, fut poussé à la troisième place et remplacé au second tour par le leader de l'extrême droite, Jean-Marie Le Pen. Cette année, la "gauche la plus large" se démène. De nombreux électeurs penchant à gauche ne veulent pas être tenus pour responsables d'une nouvelle percée de Le Pen. Ils sont aussi tentés de glisser "un vote utile" pour barrer la route du candidat de centre-droit, Nicolas Sarkozy.

Mme Laguiller est créditée de seulement 1,5% dans les sondages. Son rival trotskiste, Olivier Besancenot, un jeune garçon de la classe-moyenne, beau et éloquent, et devenu postier prolétaire, surfe en tête des sondages, concernant la campagne "alternative", avec environ 3,5%.

C'est une bonne - et mauvaise - nouvelle pour Mme Royal. Une grande partie du vote de gauche à en fait disparu. Où se trouve le réservoir de soutien pour Mme Royal pour passer au second tour le 6 mai - si elle l'atteint ? Certains électeurs de gauche ont déserté pour se tourner vers le candidat centriste, François Bayrou, mais il semble aussi qu'il y ait eu un glissement à droite de l'électorat. Tandis que Mme Laguiller discourait (interminablement), l'un des autres candidat de gauche tenait un meeting très différent à 200 mètres de là. José Bové, l'ancien leader des petits exploitants agricoles et désormais héros mondial du mouvement antimondialisation, a présidé un rassemblement qui était en parti un meeting électoral et en partie un concert de rock. Il y avait de la musique forte et des courts-métrages sur les idées "alter-écologiques". L'éclairage était étrange et la bière et les pâtisseries étaient "bio".

Ici, se trouvait l'occasion parfaite d'étudier les différences entre l'extrême gauche et la gauche "d'avant garde". Un grand nombre des supporters de M. Bové portaient des pantalons colorés, des bérets et des barbiches. Il y avait des chiens tenus en laisse. Les supporters d'Arlette, eux, étaient habillés sobrement et étaient bien proprets.

Les deux meetings ont attiré des jeunes gens ne s'intégrant pas de façon évidente dans le tableau. Guillaume, un étudiant de 26 ans, reconnaissait une forte émigration des jeunes depuis la gauche. "A présent, un plus grand nombre de personnes sont attirées par les solutions individuelles… pas par les approches collectives," a-t-il dit.

Au second tour il votera Royal, "mais dans tous les cas, contre Sarkozy". Valérie, 30ans, supportrice de Bové, a adopté un point de vue différent : "Je préfèrerais voir Sarkozy gagner plutôt que Royal. Ainsi, ce sera plus facile de faire descendre les gens dans la rue pour combattre Sarkozy."

Traduction [JFG-QuestionsCritiques]