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En ne respectant pas la date limite, l’Iran
conduit les pourparlers nucléaires au point critique

Par Kim Sengupta, correspondant diplomatique
The Independent, samedi 24 octobre 2009

article original : "Iran ignores deadline and takes nuclear talks to brink"

Téhéran résiste à la signature d’un accord qui verrait
l’enrichissement de l’uranium confié à l’étranger


L’Iran a ignoré la date limite pour répondre à la proposition d’accord faite par l’organe de surveillance des Nations-Unies, en disant qu’il donnera sa réponse la semaine prochaine. Téhéran essaye de gagner du temps, alors que l’on rapporte une contre-proposition iranienne qui maintiendrait en Iran l’uranium enrichi, ce qui jette de nouveaux doutes sur le succès du canal diplomatique et soulève la perspective de nouvelles sanctions contre la République Islamique.

L’Agence Internationale à l’Energie Atomique (AIEA) avait donné à Téhéran jusqu’à hier pour signer un accord en vertu duquel il enverrait son uranium en Russie et en France pour qu’il y soit enrichi. Alors que la date limite approchait, la télévision d’Etat a cité un membre de l’équipe de négociation iranienne, qui a participé à la réunion de cette semaine à Vienne et qui aurait dit que Téhéran préférait acheter du combustible nucléaire à l’étranger. Ceci ne permettrait pas de réduire les craintes de la communauté internationale selon lesquelles les stocks iraniens pourraient être utilisés pour des armes nucléaires.

Alors que les craintes grandissaient que les négociations pourraient être sur le point d’échouer, l’AIEA a fait une déclaration disant que l’Iran avait demandé plus de temps pour répondre à la proposition, laquelle avait déjà été acceptée par Washington, Paris et Moscou. « L’Iran [nous] a informés aujourd’hui qu’il considère la proposition dans ses détails sous un œil favorable, mais qu’il a besoin jusqu’au milieu de la semaine prochaine pour donner une réponse », a délacé l’Agence.

Depuis son arrivée au pouvoir, Barack Obama a renforcé l’engagement diplomatique avec le régime iranien, et la signature de cet accord par Téhéran aurait été vu comme un triomphe majeur de sa nouvelle approche. Hier soir, un porte-parole du Département d’Etat US a déclaré : « Il est évident que nous aurions préféré une réponse aujourd’hui. Nous la sollicitons avec un sens d’urgence… Nous espérons qu’ils donneront une réponse positive la semaine prochaine. »

Les discussions se poursuivaient la nuit dernière, mais Bernard Kouchner, le ministre français des affaires étrangères, a déclaré : « Je ne peux pas dire que la situation concernant l’Iran soit très positive. »

Plus tôt dans la journée, la télévision iranienne a cité un important négociateur iranien qui aurait dit : « L’Iran est intéressé à acheter du combustible pour son réacteur de recherche. Nous attendons de l’autre camp une réponse constructive qui construise la confiance. »

David Albright, de l’Institut pour la Science et la Sécurité Internationale, basé à Washington, qui contrôle la prolifération nucléaire, a déclaré: “C’est un mauvais signe – acheter du combustible nucléaire à l’étranger est complètement voué à l’échec. Ils semblent rechercher des modifications qui affaibliraient fondamentalement cet accord. »

Bien que le plan de l’AIEA n’ait pas été rendu public, il est compris qu’il implique de l’Iran qu’il expédie vers l’AIEA 1,2 tonnes d’uranium faiblement enrichi de ses stocks qui s’élèvent à 1,5 tonnes. Cet uranium serait ensuite transféré en Russie pour être raffiné à un taux de pureté de 19,7%, et ensuite envoyé en France où il serait transformé en barreaux de combustible.

Si Téhéran signe cet accord, cela handicaperait sérieusement les options du pays pour fabriquer des armes nucléaires, puisque 0,98 tonnes est la quantité d’uranium faiblement enrichi généralement acceptée pour une unique bombe nucléaire.

Faisant circuler cette proposition parmi les représentants des puissances occidentales et de l’Iran, à Vienne en milieu de semaine, Mohammed ElBaradei, le chef de l’AIEA, a déclaré : « J’espère fortement que les gens comprennent la situation générale : que cet accord ouvrirait la voie à une normalisation complète des relations entre l’Iran et la communauté internationale. »

Toutefois, selon des sources diplomatiques, même si l’Iran acceptait finalement cet accord, il exigerait que l’uranium soit envoyé en cargaisons séparées sur une période prolongée. Le plan de l’AIEA est que la quantité totale soit transférée en une seule cargaison.

La plupart des analystes s’accordent à dire qu’un échec à parvenir à cet accord ne signifierait pas qu’il y aurait des frappes militaires contre les installations nucléaires iraniennes dans un futur proche.

Cependant, hier, l’Amérique et Israël ont lancé un exercice militaire majeur conjoint avec plus de mille soldats et 17 navires de guerre étasuniens qui se sont joints aux forces israéliennes pour un exercice d’une semaine.

Les officiels israéliens ont maintenu leurs mises en garde selon lesquelles ils se réservaient le droit de mener une attaque préventive contre les installations [iraniennes] si le dialogue diplomatique échouait.

Le calendrier des négociations nucléaires

*25 septembre : Lors d’une conférence de presse spectaculaire au sommet du G20 à Pittsburgh, Barack Obama – flanqué de Nicolas Sarkozy et de Gordon Brown – révèle l’existence d’un réacteur nucléaire secret à Qom et appelle à de nouvelles sanctions contre Téhéran.

1er octobre : Les diplomates iraniens rencontrent les représentants des puissances internationales à Genève et se mettent d’accord sur des inspections à Qom. Il a été également dit que l’uranium serait envoyé à l’étranger pour y être traité.

21 octobre : Malgré les tensions sur le refus de l’Iran de négocier avec la France, trois jours de pourparlers à Vienne aboutissent à un projet d’accord avec l’AIEA.

23 octobre : L’Iran ignore la date limite pour répondre à la proposition de l’AIEA, offrant à la place son propre plan où il achèterait le combustible nucléaire à l’étranger plutôt que d’envoyer ses propres stocks d’uranium à l’étranger pour qu’ils y soient traités.

25 octobre : Les officiels de l’AIEA sont attendus au site de Qom pour la première inspection internationale.

Traduction [JFG-QuestionsCritiques]