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Les Etats-Unis forcés de remanier toutes leurs ambassades à la suite des révélations de WikiLeaks

Par Guy Adams et Kim Sengupta
The Independent, le 7 décembre 2010

article original : "US forced to shake up embassies around the world after WikiLeaks revelations"

Très éprouvé par un scandale qui semble apporter une nouvelle vague d’embarras avec chaque jour qui passe, le gouvernement étasunien est forcé d’entreprendre une redistribution majeure du personnel de ses ambassades, de son personnel militaire et des agents des renseignements dont le travail a été dévoilé par le site Internet WikiLeaks.

Hier, l’administration Obama s’est retrouvée face à une crise dans son service diplomatique, suite aux indices croissants que la publication en cours d’une série de communiqués censés être confidentiels rendra le travail normal difficile, voire dangereux, pour d’importants employés du Département d’Etat, et ce, dans le monde entier.

A peine 1100 documents secrets sur les 250.000 documents obtenus par le site Internet ont été publiés jusqu’à présent, ce qui fait craindre que les révélations embarrassantes se poursuivront pendant les mois à venir, déstabilisant les relations des Etats-Unis avec presque tous ses alliés clés et attisant les tensions avec les gouvernements déjà hostiles au Moyen-Orient et au-delà. « A court-terme, nous sommes pratiquement hors jeu », a déclaré un diplomate américain à l’agence de presse Reuters, ajoutant qu’il faudrait peut-être cinq ans pour reconstruire la confiance. « C’est vraiment, vraiment mauvais. Et je n’exagère pas ! En toute honnêteté, personne ne veut nous parler […] Certains y sont toujours obligés, en particulier (au) gouvernement, mais… ils nous demandent déjà des choses comme ‘Allez-vous écrire quelque chose à ce sujet ?’ »

Le Pentagone, la CIA et le Département d’Etat seraient en train d’identifier quels membres de leurs personnels ont été nommés en tant qu’auteurs des mémos les plus dérangeants publiés par WikiLeaks. Ils devront être retirés des postes parmi les plus importants de l’Amérique sur le plan stratégique.

Parmi ceux, dont les pensées secrètes ont été révélées de façon on ne peut plus embarrassante, on trouve Gene Cretz, l’ambassadeur des Etats-Unis en Libye, qui a écrit un câble désormais tristement célèbre en 2009 à Washington, faisant remarquer que le dirigeant de ce pays, Mouammar Kadhafi, ne voyage jamais sans sa « voluptueuse infirmière blonde » ukrainienne.

L’envoyé américain actuel auprès des Nations-Unies a également été critiqué, à la suite de révélations selon lesquelles Hillary Clinton lui avait ordonné de se procurer les numéros de cartes de crédit, les numéros de téléphone mobile, les adresses e-mail et autres données des diplomates étrangers et hauts-fonctionnaires de l’ONU, dont le Secrétaire Général Ban Ki-moon.

La difficulté quant à l’avenir du service diplomatique américain est que les auteurs d’un grand nombre de courriels importants, publiés par WikiLeaks dans sa [dernière] tranche de révélations, font partie des employés de haut niveau les plus expérimentés et qu’il sera par conséquent difficile, voire impossible, de les remplacer. Aucun des pays qui ont été affectés par les câbles de WikiLeaks n’a demandé le départ de quelque employé diplomatique américain que ce soit.

« C’est une autre partie de cette tragédie », a dit un haut-fonctionnaire de la sécurité nationale des Etats-Unis au site Internet The Daily Beast, qui a détaillé hier l’étendue de la crise sur le terrain et affirmé que la ré-affectation des diplomates en poste avait déjà été projetée et qu’elle aurait lieu dans les mois à venir.

« Nous allons devoir retirer quelques-uns de nos meilleurs éléments – les diplomates qui représentaient le mieux les Etats-Unis et qui étaient les plus réfléchis dans leurs analyses – parce qu’ils ont osé rapporter la vérité sur des nations dans lesquelles ils sont en service. » Parmi les gouvernements étrangers qui ont déjà exprimé leur indignation à propos des contenus de quelques-uns de ces documents, il y a des alliés présumés comme la France, l’Italie et la Turquie, dont le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a menacé de poursuivre l’ancien ambassadeur étasunien, Eric Edelman, pour un mémo qu’il a écrit laissant entendre qu’Erdogan avait une fortune cachée dans des comptes bancaires suisses.

Des vieux ennemis des Etats-Unis sont également contrariés. Le Président russe Dimitri Medvedev a été dépeint dans un mémo comme jouant le rôle de « Robin » vis-à-vis du Premier ministre Poutine, qualifié de « Batman ». Dans un document publié le week-end dernier, Cuba et le Venezuela ont été désignés comme un « Axe de Nuisances ».

Lorsque les premiers câbles ont été rendus publics, la Maison Blanche a condamné cette diffusion en disant qu’elle « faisait courir des risques à nos diplomates, à nos salariés des services de renseignements et aux personnes dans le monde entier qui demandent l’aide des Etats-Unis pour promouvoir la démocratie et des gouvernements libres. »

Bien que des mesures officielles seront nécessaires pour évincer les diplomates responsables des mémos les plus embarrassants révélés jusqu’à présent, on s’attend à ce que des gouvernements étrangers commencent bientôt à « étiqueter PNG » des diplomates américains, une pratique qui exige la révocation d’un officiel en le déclarant « persona non grata ».

« Nous pensons toutefois que ce n’est qu’une question de temps », a dit un fonctionnaire du Département d’Etat à The Daily Beast. Des sources diplomatiques ont dit à The Independant qu’il n’y a aucun plan dans l’immédiat pour déplacer du personnel, parce que cela laisserait penser qu’ils ont fait quelque chose de mal et qu’ils ont porté atteinte à la confiance.

Tensions avec les pays arabes

Les derniers mémos qui ont été divulgués révèlent que Hillary Clinton a critiqué le gouvernement saoudien, en disant que ce pays était la plus grosse source de financement au monde pour les groupes militants islamistes et que ses politiciens étaient réticents à enrayer le flux d’argent. Dans ce mémo, daté de décembre 2009, elle dit à des diplomates américains que « Riyad n’a pris que des mesures limitées » pour interrompre le flux d’argent vers les Talibans et les groupes qui lancent des attaques en Afghanistan, au Pakistan et en Inde. Elle y ajoutait que le Hamas avait levé des millions en Arabie Saoudite, souvent auprès des pèlerins faisant le Hajj ou le Ramadan. Cette note met aussi en évidence le Qatar, le Koweït et les Emirats comme sources d’argent militant ; et, elle a pris pour cible le Qatar comme étant « le pire [pays] dans cette région » pour sa non-coopération avec Washington.

Traduction [JFG-QuestionsCritiques]