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Le dossier Litvinenko : A-t-il été réellement assassiné ?

Par Marie Dejevsky
The Independent, vendredi 2 mai 2008

article original : "The Litvinenko files: Was he really murdered?"

Sa mort horrible très médiatisée a choqué le monde entier — et plongé
Londres et Moscou dans la pire crise diplomatique depuis la Guerre Froide.
Mais, 18 mois plus tard, Mary Dejevsky soutient que l'on ne nous a
toujours pas tout dit sur cette histoire effrayante



Alexander Litvinenko dans son lit d'hôpital
de l'University College Hospital,
à Londres, peu avant sa mort © PA

Alexander Litvinenko est mort de 23 novembre 2006, à la suite d'une mystérieuse maladie douloureuse. Moins de deux heures avant sa mort, sa cause a été identifiée par des scientifiques de l'agence britannique aux armes atomiques, à Aldermaston. Ils ont découvert qu'il avait été empoisonné par l'isotope radioactif du polonium-210.

Le diagnostic est arrivé trop tard pour qu'un antidote puisse être administré. Mais la victime, un homme de 44 ans encore en pleine forme quatre semaines auparavant, a eu le temps d'écrire sur son lit de mort une déclaration en coup de tonnerre où il accusait le président russe Vladimir Poutine d'avoir ordonné son assassinat.

La souffrance très médiatisée de Litvinenko, complétée par des photos macabres et des bulletins quotidiens, a été chroniquée (avec un peu trop de délectation à mon goût) par Alex Goldfarb, ancien militant russe des droits de l'homme et ami de Litvinenko. Il s'est trouvé que son one-man show macabre devant l'University College Hospital de Londres a coïncidé avec la sortie du dernier James Bond, Casino Royale. Tout a contribué à rendre encore plus effrayants les stéréotypes sur la Russie de l'époque de la guerre froide, qui subsistent encore un peu sous la surface maniérée de l'opinion britannique. Soudain, la Russie était à nouveau en vogue, d'une façon négative des plus convaincantes.

A partir de là, on n'a plus assisté qu'à un solo diplomatique élégant assénant la version britannique autorisée de "l'affaire Litvinenko". Cet ancien officier des renseignements soviétiques et russes était devenu, en près de six années passées à Londres, un ennemi de plus en plus déclaré du Président Poutine. Son spectaculaire "J'accuse" sur son lit de mort a servi d'acte d'accusation et de preuve posthumes de la complicité du Kremlin.

Le polonium a fait le reste. Seule la Russie, disait-on, avait la capacité de produire du polonium-210. Le laboratoire pouvait être aisément identifié, même la date de production. Et si quiconque demandait pourquoi, de toutes les substances disponibles aux assassins potentiels, le choix était tombé sur le polonium, la réponse fusait immédiatement : c'était avec l'assurance que la cause de la mort ne serait jamais diagnostiquée.

Dans l'éventualité peu probable où le public britannique nourrissait encore un doute, il n'y avait que quelques semaines à attendre pour désigner un bouc émissaire. C'est à ce moment précis qu'est apparu l'assassin présumé : Andrei Lugovoï, un autre ex-agent du KGB, aujourd'hui consultant en sécurité, avait laissé une trace radioactive un peu partout : avions, bureaux et hôtels. Fin mai 2007 — alors qu'il était retour en toute tranquillité en Russie — les Britanniques soumettaient une requête officielle pour son extradition. Que les Russes l'aient rejetée aussi sec n'a fait que compléter le tableau familier ! La Russie était coupable : coupable de A à Z.


Le Président russe Vladimir Poutine reste accusé d'avoir ordonné le meurtre de Litvinenko © AP

Il se peut que cette explication simple et évidente soit la bonne. Poutine, un ancien du KGB — "chekiste une fois, chekiste toujours", comme dit le dicton (Cheka était le précurseur du KGB sous Lénine) — avait peut-être personnellement émis l'ordre de punir Litvinenko, comme le traître qu'il était sans aucun doute à ses yeux. Mais, si l'on peut croire que Poutine a lui-même commandé cette sale action, alors que dire d'un groupe dissident d'anciens collègues du KGB qui lui en voulaient ?

D'un autre côté, les motifs ne s'arrêtent pas nécessairement là. Litvinenko est tombé malade le lendemain où la citoyenneté britannique lui a été accordée. Peut-être son ou ses assassin(s) n'avai(en)t-il(s) pas d'autre but que celui-ci : se servir de cette mort lente et très médiatisée pour intimider les plus critiques des exilés russes en Grande-Bretagne et les forcer à partir — ou, du moins, à ce qu'ils gardent pour eux leurs réflexions anti-Poutine ?

Cette explication astucieuse se tient et est parfaitement plausible. Mais est-ce la vérité ? Approche-t-on de la vérité ? Il n'est nul besoin d'être Le Carré pour voir l'espionnage et l'exil comme des terrains fertiles pour la supercherie. La version la plus simple pourrait révéler des profondeurs cachées ou s'avérer avoir été construite sur des sables mouvants. Ce n'est pas tant à cause de la vitesse à laquelle l'aspic diplomatique de la version britannique officielle a été lancé — mais des signes avant-coureurs laissent à penser que, dans cette affaire, il pourrait y avoir plus que ce que l'on donne à voir.

Comme d'habitude, les premières personnes à exprimer des doutes ont été la myriade de conspirationnistes de la blogosphère, utiles aux colporteurs de la version officielle pour discréditer des sceptiques disposant d'arguments plus solides. Malgré tout, au fil des mois, les versions alternatives ont pris de la consistance et conquis assez d'autorité, au point qu'elles méritent qu'on les écoute sérieusement. Que ce soit dans la science des radiations, dans les périphéries de l'espionnage ou dans le milieu mafieux des exilés russes, des personnes qui savent manifestement de quoi elles parlent ont apporté leur contribution. Ignorés par les médias conventionnels, comme étant des fantaisistes irresponsables, ils se sont tournés vers les médias alternatifs ou les blogs.

Le tout dernier article révisionniste [sur cette affaire] — le plus convaincant selon moi — vient juste de franchir la barrière vers le courant dominant. Le New York Sun du 19 mars 2008 a publié un long article détaillé de l'Américain, Edward Jay Epstein, journaliste d'investigation chevronné, et qui a été lu et critiqué avec ferveur sur internet. Autant que je le sache, cet article n'a pas été publié en Grande-Bretagne — ce qui ne l'a pas empêché d'être réfuté comme étant sans importance.

La veuve de Litvinenko, Marina, s'y est référée de façon méprisante dans un article qui est sorti sous son nom le 27 mars, dans The Times. Elle l'a dénoncé de façon expéditive comme étant un article publié "dans un journal new-yorkais de troisième classe", écrit par un "journaliste américain marginal". La portée de son article était un appel à ouvrir une enquête publique sur la mort de son mari. Mais le moment choisi pour sa publication, peu après l'apparition du tour de force investigateur d'Epstein, laisse à penser que la descente en flammes préventive de sa thèse était en partie la raison pour laquelle elle a pris sa plume.


La veuve de Litvinenko, Marina, veut une enquête officielle sur la mort de son mari © PA

J'apprécie beaucoup Marina Litvinenko. Elle a subi cette situation extraordinairement difficile et, sous beaucoup de côtés, tragique avec une immense dignité et beaucoup d'indulgence. Sa romance avec Alexander, qu'elle décrit comme étant l'amour de sa vie, a duré 16 ans et s'est brutalement terminée. On sent bien qu'elle est absolument honnête et sincère. Elle est homogène et n'adapte, ni son attitude, ni son histoire, à son auditoire.

Toutefois, d'une certaine manière, elle n'est peut-être pas le témoin le plus utile. Ce qu'elle savait vraiment du travail de son mari, que ce soit en Russie ou après sa fuite vers la Grande-Bretagne, semble ne pas se résumer à grand chose. Pour avoir découvert l'amour relativement tard dans sa vie, dit-elle, elle a considéré que son rôle était de faire tout son possible pour rendre plus facile la vie compliquée de son mari. Ancienne professeure de danse, menue et élégante, elle déclare n'avoir pris aucune part à ce qu'impliquait son travail en exil.

Cependant, elle dit qu'il avait souvent le mal du pays, qu'il s'adaptait mal à la vie à l'étranger et qu'il passait beaucoup de temps à regarder les informations russes à la télévision et des vidéos de vieux films russes. Elle indique aussi qu'il avait un côté difficile. Ainsi qu'elle le raconte, il pouvait être dogmatique et il avait tendance à voir le monde en noir et blanc. En Russie, dit-elle, son travail reposait sur l'aspect politique des services secrets et consistait essentiellement à enquêter sur le crime organisé qui a bourgeonné dans les années 90 — et une fois encore, cela s'accorderait à son caractère.

Il a aussi servi dans la région frontalière avec la Tchétchénie — où il a grandi — et aidé à recruter des informateurs au sein des combattants tchétchènes anti-russes. Marina dit qu'il n'était pas entraîné pour l'espionnage et qu'il n'avait jamais travaillé comme agent secret — je pense qu'elle entend par là qu'il n'a jamais été un espion du style de la guerre froide. Elle le considérait plutôt comme quelqu'un se consacrant minutieusement à la recherche de la vérité.


Le porte-parole des séparatistes Tchétchènes,
Ahkmed Zakayev (à gauche) aux funérailles de Litvinenko

Elle le présente aussi comme étant très à cheval sur la loi et elle a cité son refus catégorique de lui laisser conduire la voiture familiale tant qu'elle n'avait pas passé le permis de conduire britannique, bien qu'elle possédât un permis russe. Il n'aurait rien fait, disait-elle, absolument rien, qui aurait pu placer la famille du mauvais côté de la loi du pays qui lui avait accordé refuge.

Pourtant, Edward Jay Epstein n'est pas quelqu'un dont on peut réfuter à la légère la qualité de journalisme. Il est assurément une sorte de sceptique professionnel, mais cela ne fait pas qu'il ait tort. Dans le passé, il a dénoncé certaines histoires publiées dans le New York Times comme ayant été essentiellement dictées par l'establishment politique. A quel point il avait raison sur la relation intime entre ce vénérable journal et l'Administration est aujourd'hui évident, avec sa couverture obséquieuse des armes de destruction massive inexistantes — une erreur monstrueuse qui a produit en fin de compte une apologie abjecte.

Dans le monde du journalisme, personne ne peut contester le sérieux du pedigree d e journaliste d'investigation d'Epstein, ni qu'il a cette capacité de percevoir la "manipulation" et la désinformation.

Pour rédiger son article pour le New York Sun, ainsi que le matériel plus exhaustif publié sur son site, il a interviewé des douzaines de personnes et examiné les aspects scientifiques de cette affaire. Dans ce qui est un coup considérable, il s'est rendu à Moscou, où on lui a permis de consulter les papiers d'extradition de leur principal suspect, Andrei Lugovoï, soumis par les Britanniques. Ce sont des documents que personne n'a vus en Grande-Bretagne, pas même la veuve de Litvinenko.

Marina, à juste titre, le supporte mal et voit l'expédition d'Epstein comme un complot russe de propagande. Elle dit qu'il a été "invité" à Moscou, vu que son article soutiendrait le point de vue de Moscou.

Il est possible que les Russes aient été pleins de bienveillance vis-à-vis d'Epstein, eu égard à son scepticisme concernant ce que tout le monde admettait. Mais il raconte assez se rendre en Russie et, ensuite, pour obtenir l'accès à ces documents. En tant qu'invités, la plupart des étrangers, pour obtenir un visa, ont besoin d'une invitation de la part d'une institution russe. Donc, ce que dit Marina peut être techniquement vrai, sans rien présumer de l'objectivité d'Epstein.

Il dit que ce qui l'a frappé par-dessus tout, au sujet de ces documents, était la minceur de l'accusation britannique et l'absence du moindre rapport d'autopsie. Sur ce point, Marina pourrait avoir raison sur ses sympathies pro-russes. Mais c'est la théorie vers laquelle il gravite en fin de compte que Marina Litvinenko prend comme une insulte.

Et cette théorie est qu'Alexander se serait empoisonné lui-même en manipulant de la matière radioactive. Epstein avance que Litvinenko s'est empoisonné par accident — l'autopsie, dit-il, aurait déterminé s'il avait ingéré le polonium-210 ou s'il l'avait inhalé. Une partie de sa thèse est que l'isotope a été passé en contrebande à Londres, pas pour assassiner quelqu'un, mais en tant qu'élément d'une transaction nucléaire illégale.

Le refus de Marina d'accorder du crédit à une telle théorie est compréhensible. Comme elle le dit : "Je dois protéger la réputation de mon mari". Le mari qu'elle connaissait était digne de confiance, honnête et respectueux sans faille des lois. L'idée même qu'il ait pu être impliqué dans des transactions illicites, et qui plus est, hautement dangereuses, semble être totalement étranger pour elle.

C'est en partie pour couper court à une telle spéculation qu'elle fait pression — par l'intermédiaire de Louise Christian, la très respectée avocate des droits de l'homme — pour une enquête approfondie sur la mort de son mari. Si justice ne peut pas lui être rendue, dit-elle, elle mérite au moins la vérité.


Les funérailles de Litvinenko se sont déroulées au Cimetière de Highgate,
au nord de Londres, en décembre 2006 © EPA

Les autorités britanniques ne semblent pas vraiment pressées de mener une enquête, même si la dernière agonie de Litvinenko, un exilé russe qui venait juste d'avoir la nationalité britannique, doit sûrement se qualifier comme l'une des morts les plus choquantes qui se soit produite dans la capitale depuis des années. Ce délai peut s'expliquer par un aspect technique : si des poursuites sont à prévoir, alors une enquête n'est pas menée au préalable, parce que toutes les questions pertinentes pourraient être résolues par un procès.

Au nom de sa cliente, Christian est catégorique sur ce qui rend cette enquête impérative. Il y a eu, dit-elle, une "atteinte massive à la sécurité nationale". Une substance radioactive létale a été introduite dans le pays "pour un objectif terroriste … Non seulement Litvinenko a été contaminé, mais aussi d'autres personnes". Il est vital, dit-elle que des leçons en soient tirées — et pour cela, il doit être établi où le polonium a été produit, comment il est entré dans le pays et comment il s'est répandu ensuite à la ronde.

C'est au coroner de St Pancras, puisque l'University College Hospitalse trouve sous sa juridiction, de décider si et quand une enquête doit être menée. Et, tandis qu'officiellement les coroners bénéficient d'une grande indépendance, il y a des sujets où la pression politique peut s'exercer. C'est pourquoi, plus le temps passe sans qu'une enquête soit programmée dans l'un des décès londoniens les plus couverts, plus ce délai paraît suspect. Après tout, si cette affaire est aussi claire et nette que le gouvernement britannique l'a constamment répété, personne n'aurait rien à y perdre, non ?

Si les fouilles persistantes de sceptiques bien informés, tels qu'Epstein, ont approché ne serait-ce qu'un peu de la vérité, ce pourrait être un retournement affreux.

Considérez les questions qui restent ouvertes 18 mois après la mort de Litvinenko. Elles sont nombreuses. Certaines se chevauchent, mais on peut les classer en cinq grands ensembles.

Le plus évident concerne le polonium-210 qui a été identifié comme étant la cause de sa maladie juste avant son décès. Ensuite, il y a le rôle qu'a joué Andrei Lugovoï. Le Crown Prosecution Service [le Ministère Public] dit qu'il dispose de suffisamment de preuves pour l'inculper de meurtre, mais, la seule tierce partie qui ait vu les documents, Edward Epstein, dit que l'accusation est extrêmement mince. Troisièmement, il y a les activités mystérieuses de Litvinenko lui-même. Le quatrième ensemble regroupe les questions sur la part, si elle existe, jouée par les services secrets britanniques ; et, enfin, le rôle de l'oligarque russe en exil, l'énigmatique Boris Berezovsky.

Pour plus de clarté, je traiterai chaque ensemble, ou catégorie de questions, l'un après l'autre.

Le Polonium

Il est communément admis que le polonium-210 n'est produit qu'en Russie et que ce laboratoire spécifique, la juridiction dont il dépend et, donc, l'identité de l'organisation qui a donné cet ordre crucial, seraient aisément identifiés. Depuis lors, il n'a été donné aucun nom, même si les "bonnes" réponses auraient soutenu l'affirmation britannique selon laquelle la Russie — ou l'ancien KGB — se trouve derrière cet assassinat.

Officieusement, l'usine d'Avangard à Sarov, à l'Est de Moscou, serait la source probable. Alors pourquoi les officiels britanniques ne l'ont-ils pas nommée ? Une explication est que la police retient de tels détails, de peur de compromettre les chances de l'accusé de bénéficier d'un procès équitable. Mais, vu que la perspective d'un tel ce procès semble à présent s'éloigner, il est par conséquent difficile de voir pourquoi cette information n'est toujours pas rendue publique. Une autre explication pourrait être que les réponses ne cadrent pas avec la théorie privilégiée.

Ce qui est certain est que la Russie n'est pas la seule à produire du polomium-210. Epstein (parmi d'autres) rapporte que, tandis que la Russie en produit pour l'exporter vers les Etats-Unis (!), tout pays possédant un réacteur nucléaire, et donc non assujetti aux inspections de l'AIEA, peut en produire — cela inclut la Chine, Israël, le Pakistan, l'Inde et la Corée du Nord. Donc, la consolation selon lequel il n'y a que la Russie qui nous préoccupe est complètement fausse.

Mais il y a un autre problème peut-être plus gros. Les scientifiques qui savent quelque chose sur le polonium-210 trouvent qu'il est difficile de croire que quelqu'un puisse l'utiliser comme arme pour un assassinat, même si l'objectif est d'échapper à la détection. Pour commencer, le polonium-210 est extrêmement cher. C'est pourquoi il cadre bien mieux avec un autre scénario : celui de la contrebande nucléaire. Il semble beaucoup plus probable que le polonium dépisté à Londres ait fait partie d'une sorte de transaction — une transaction qui, pour quelque raison, a désastreusement mal tourné.

La demande de polonium-210 sur le marché international illégal est en tant qu'élément clé pour déclencher une explosion nucléaire. Voici pourquoi il se vend à un prix si fantastiquement élevé — des centaines de milliers, voire des millions de dollars, comme le mentionnent certains. L'argent, et même le terrorisme nucléaire, émergent donc comme motivations plausibles rivalisant avec la théorie de l'assassinat politique orchestré par Poutine. L'un comme l'autre impliqueraient un embarras pour les autorités britanniques, puisque cela suggérerait que le trafic nucléaire illégal se déroulât sous leurs propres nez, avec tous les risques à prévoir pour la population. Cela soulève aussi la question de la sécurité des frontières. Bien sûr, le seul sujet de savoir comment une substance aussi mortelle a pu entrer dans le pays persiste, quel que fût l'objectif. Cependant, jusqu'à maintenant, cette question cruciale a été étouffée avec succès, par l'horreur du crime présumé et par l'accusation globale selon laquelle "les Russes l'ont fait".

Lugovoï

Le deuxième groupe de questions se rapporte à Andrei Lugovoï, accusé en Grande-Bretagne de l'assassinat de Litvinenko. Ancien agent du KGB, propriétaire d'une société de sécurité, Lugovoï a été visé pour la trace radioactive qu'il a laissée dans plusieurs avions et en divers endroits, à Londres. Cette piste radioactive a aussi servi à déterminer que l'empoisonnement a eu lieu au Pine Bar de l'Hôtel Millenium de Mayfair, et que le polonium a été caché dans une tasse de thé. Malgré le caractère familier de cette version, pratiquement tous les éléments soulèvent des doutes.


L'ex-agent du KGB, Andrei Luguvoï, au stand de tir © AP

La séquence des rencontres et des vols, qui a établi que Lugovoï était le transporteur d'origine du polonium, a été mise en doute de façon convaincante. Les Britanniques — ce que laissent entendre Epstein et d'autres — ont omis des détails sur les vols et les sites contaminés, qui contrediraient la thèse selon laquelle l'origine de ce polonium remonte à Lugovoï.

Des thèses contradictoires font de Litvinenko lui-même à la fois le centre et la source de la contamination. D'abord, elles retracent la radiation à Londres, plutôt qu'en Russie. Elles font remarquer que l'une des propriétés qui auraient été contaminées (voir The Independent du 26 janvier 2007) — un immeuble de bureaux sis au 25 Grosvenor Street à Mayfair — ne figure pas dans la piste officielle. Cet immeuble de bureaux appartiendrait à Boris Berezovsky.

Quelques-uns des doutes les plus persistants sur la participation de Lugovoï sont centrés sur la rencontre au Pine Bar. Lugovoï — ce qui a été rapporté beaucoup plus tard — voit cette rencontre comme une mise en scène destinée à le piéger. Il dit que Litvinenko ne lui a rendu qu'une brève visite et que personne n'a commandé ou bu quoi que ce soit. Lugovoï fait aussi remarquer qu'aucun enregistrement de télévision des circuits intérieurs n'a jamais été produit pour prouver l'histoire de la contamination au Pine Par, en dépit du fait que l'endroit était truffé de caméras.

La chose qui ressemble le plus à une preuve était une histoire qui est apparue à brûle-pourpoint dans la presse britannique, sept mois plus tard jour pour jour, identifiant le serveur qui a prétendument servi le thé. Tout ceci porte les stigmates d'un effort consistant à consolider une version sur le point de s'écrouler.

S'il y a eu un empoisonnement délibéré — par le thé ou toute autre substance — le lieu le plus possible où il se serait produit aurait été une chambre dans le même hôtel, où les deux hommes se sont rencontrés plus tôt le même jour (le 1er novembre 2006). Mais ils s'étaient aussi rencontrés à deux reprises auparavant : deux semaines plus tôt dans un autre hôtel et en août chez Litvinenko. Rien, cependant, ne prouve de façon concluante qui a empoisonné qui — rien ne permet non plus de rejeter la théorie selon laquelle Litvinenko pourrait, d'une façon ou d'une autre, avoir été empoisonné par erreur.

Lugovoï a bien sûr nié avec acharnement être l'assassin — et c'est bien compréhensible ! Toutefois, je soutiendrais que ce qu'il avait à dire lorsqu'il a donné sa première conférence de presse à Moscou (le 31 mai 2007), et qu'il a répété lors d'une autre apparition (le 29 août 2007), et dont les médias britanniques n'ont pratiquement pas parlé, ne mérite pas nécessairement d'être réfuté comme étant une fabrication.

A ces deux occasions, Lugovoï semble impudent — mais cela ne prouve pas qu'il mente. Ce qui impressionne aussi est sa spontanéité et la cohérence des détails mis en doute. Le compte-rendu qu'il fait des approches du MI6 et de ses rencontres à une adresse de New Cavendish Street avec des agents désignés sonne vrai. Le fait qu'aucun de ces détails n'ait été nié par quelque branche que ce soit des autorités britanniques vaut aussi la peine d'être noté. Elles ont préféré la tactique de la dérision qui a fait ses preuves.

Ainsi que Lugovoï le raconte, le MI6 a entrepris un effort important pour le recruter — effort qu'il a fini par repousser. Il a dit qu'ils voulaient qu'il leur passe des renseignements et qu'il répande des ragots sur Poutine. Il dit aussi qu'après la mort de Litvinenko, il a "coopéré avec le bureau du procureur de la couronne et répondu à toutes les questions que les inspecteurs de Scotland Yard m'ont posées." Rien de tout ceci n'a été réfuté, ni par le ministère public, ni par la police judiciaire. Un meurtrier aurait-il été aussi coopératif ?

Toutefois, la défense centrale de Lugovoï consiste en l'absence de motifs. "Pensez seulement à cela", dit-il. "Ils ont trouvé un James Bond russe qui a accès à des centrales nucléaires et qui empoisonne un ami de sang froid et, en faisant cela, s'empoisonne lui-même, empoisonne ses amis, ses enfants et sa femme… Ensuite, le résultat est qu'il perd son entreprise et ses clients. La question principale est : pour quelle raison ? Où est le motif de mon crime ?" Pour la petite histoire, l'absence de motif de Lugovoï préoccupe aussi la veuve de Litvinenko.

Par conséquent, ce que nous avons ici est un suspect en chef sans motif, qui pourrait ne pas avoir été la source du polonium et qui dit qu'il a été piégé par le MI6. Si ce dernier point est vrai, alors, il pourrait avoir été accusé pour d'autres raisons — et cela expliquerait pourquoi les Britanniques pourraient ne pas vouloir de lui à la barre des témoins, à Londres.

Cela pourrait expliquer quelque chose d'autre qui est depuis longtemps un mystère pour moi. J'ai toujours trouvé difficile de croire que les Britanniques avaient jamais sérieusement espéré l'extradition de Lugovoï, en particulier à cause d'une clause de la constitution russe qui protège expressément les ressortissants russes contre la possibilité d'être livrés à un pays étranger. Je n'ai jamais compris non plus pourquoi les Britanniques étaient si furieux du refus de la Russie et qu'une des premières actions de David Miliband en tant que ministre des affaires étrangères a été de faire monter les enchères en expulsant quatre diplomates russes.

La fureur officielle britannique devient toutefois de plus en plus compréhensible si le véritable crime de Lugovoï, à leurs yeux, n'était pas d'avoir tué Litvinenko mais d'avoir échappé aux griffes des services secrets britanniques — emportant peut-être avec lui une information suffisamment précieuse pour acheter son retour sain et sauf dans son pays. Avec sa promotion accélérée au parlement russe en décembre dernier, il bénéficie désormais de l'immunité, non seulement contre toute extradition, mais aussi contre toute poursuite dans son propre pays.

En résumé, les raisons sont nombreuses pour ne pas prendre comme argent comptant les accusations contre Andrei Lugovoï.

Litvinenko

Selon la version britannique autorisée, Alexandre Litvinenko était un réfugié politique qui a payé le prix ultime pour son opposition vocale à Poutine. Cependant, plus on apprend de choses sur lui, plus il semble qu'il avait une vie compliquée.

Précisément, le mystère entoure la manière dont Litvinenko s'occupait lorsqu'il n'était pas chez lui à regarder des vieilles vidéos. Lui et sa famille ont reçu une maison et un revenu de la part de la fondation caritative de Boris Berezovsky, mais ce que lui avait demandé en échange son commanditaire n'est pas clair.

Selon le livre co-écrit par sa veuve et Alex Goldfarb — l'émigré russe qui a émis les bulletins de santé sur la maladie fatale de Litvinenko — Litvinenko a aidé à mener des investigations de diligence normale dans des sociétés russes pour le compte d'investisseurs étrangers éventuels. On sait aussi qu'il voyageait fréquemment, principalement en Géorgie et dans les anciennes régions soviétiques devenues indépendantes. En même temps, une grande quantité des informations dont il a eu connaissance, dans les années 90, lorsqu'il enquêtait au sein de la division commerciale des services secrets russes, auraient été périmée. Son utilité pour tout investisseur aurait donc été limitée — tout comme elle l'aurait été pour une agence étrangère de renseignements. C'était visiblement la piètre qualité des informations qu'il leur avait proposées qui a conduit au rejet de son premier choix de demande d'asile — les Etats-Unis.


Marina Litvinenko écoute Alex Goldfarb qui lit la déclaration finale
de son mari à Londres en novembre dernier © AFP/Getty Images

On a spéculé qu'il avait, vers la fin, des problèmes d'argent, précipités peut-être par un désir de rompre avec Berezovsky. D'autres disent que c'est de la désinformation. Mais une chose n'est pas contestée : il a connu Andrei Lugovoï dans les années 90 et ils avaient en commun un lien avec Boris Berezovsky. Toutefois, ils n'avaient pas été en contact l'un avec l'autre pendant près de 10 ans, lorsque Litvinenko a soudainement approché Lugovoï depuis Londres, et lui a suggéré de se rencontrer. Lugovoï dit qu'ils ont ensuite monté ensemble quelques projets — non-identifiés —, bien qu'il suggère que Litvinenko ait fait un peu plus qu'assister à ses réunions, dans l'espoir, peut-être, de trouver des affaires pour lui-même.

Aucune preuve n'est apparue que l'un ou l'autre ait été impliqué dans le trafic nucléaire — ou, s'ils l'étaient, pour le compte de qui ? Pourtant, il y a avait une personne qui était à coup sûr impliquée dans ce genre de transactions : Mario Scaramella, l'homme d'affaire et universitaire italien que Litvinenko a rencontré à Piccadilly, le 1er novembre 2006 au restaurant Itsu.

Cela vaut aussi la peine de noter que l'une des quelques instances du trafic nucléaire (d'uranium) à avoir été découverte ces dernières années concernait un Russe qui s'est fait attraper l'année dernière en Géorgie, au cours d'un "coup monté" par le FBI. A présent, cela introduit une tout autre dimension.

On a beaucoup claironné que, depuis l'effondrement de l'Union Soviétique, le trafic de matériaux nucléaires est un péril mondial. Mais, même si les gouvernements occidentaux auraient sûrement intérêt à démontrer que cette menace est réelle et qu'ils s'en occupent avec succès, très peu d'affaires ont été rendues publiques. En fait, je ne connais aucun cas qui ait été rapporté qui n'ait été lié à un "coup monté" — orchestré par les services secrets occidentaux afin de découvrir l'étendu du trafic en cours.

A la suite d'une célèbre affaire découverte en 1997 en Allemagne, les Russes ont accusé les agents occidentaux, dans leur zèle à monter de telles opérations, de créer un marché artificiel pour les matériaux nucléaires illicites. De tels "coups montés", se plaignaient-ils, équivalaient à des "provocations". Cela vaut la peine de garder cette critique en tête.

Le MI6

Par conséquent, est-il fantaisiste de suggérer que les services secrets britanniques ait pu jouer un rôle dans l'affaire Litvinenko ? Et si c'est le cas, quel aurait-il pu être ?

Il a été rapporté en toute confiance qu'au moment de sa mort Litvinenko avait reçu un acompte de la part du MI6. Pour des raisons évidentes, et bien que des paiements irréguliers à des exilés soient effectués de façon routinière en échange d'éléments particuliers d'information, ceci ne sera jamais confirmé. Toutefois, un acompte suggérerait une coopération plus systématique.

Se sentant seul à Londres, Litvinenko a aussi rejoint le cercle des exilés qui se rencontraient autour d'Oleg Gordievsky, le célèbre agent-double russe qui est passé en Grande-Bretagne en 1985. Sur cette affaire, Gordievsky s'est prononcé sur plusieurs points-clés. Immédiatement après la mort de Litvinenko, il a mentionné la rencontre entre Litvinenko et Lugovoï, dans une chambre du Millennium Hotel, qui a juste avant leur rencontre au Pine Bar de l'hôtel.

C'est ici qu'il a laissé entendre que Litvinenko avait réellement bu du thé empoisonné. Il a aussi mentionné la présence d'un troisième homme, un certain Vladislav ou quelque chose de similaire — comme autre assassin possible. Il se pourrait qu'une partie de cela soit de la désinformation — après tout, "chekiste une fois, chekiste toujours " — mais une partie pourrait aussi ne pas en être.

Lugovoï, en tant qu'autre ex-agent du KGB, a lui aussi des problèmes de crédibilité. Toutefois, non seulement son compte-rendu des approches que le MI6 lui a faites sonne vrai, il y a aussi la rencontre qu'il a décrite avec Litvinenko, aux bureaux de la société de sécurité Erinys, à Mayfair (25 Grosvenor Street), et qu'il a compris comme faisant partie de l'empire de Berezovsky. Il a observé que cette société semblait être parsemée d'anciens agents secrets britanniques — ce qui suggère un mélange improbable — mais pas impossible — entre les activités de Berezovsky et le MI6. Cela pourrait aussi nécessiter un réexamen des activités de Berezovsky en Grande-Bretagne.


L'oligarque russe Boris Berezovsky employait Litvinenko et Lugovoï,
ici menant campagne contre Poutine et le KGB

Les relations que le MI6 entretenait avec Litvinenko, Lugovoï ou Berezovsky, ne sont pas claires du tout, mais on n'a pas besoin de compter sur le témoignage intéressé de Lugovoï pour soupçonner que le MI6 était impliqué avec les trois. Son chef actuel, John Scarlett, apparaît comme élément principal. Lui ou ses gens pourraient aussi avoir joué une part en essayant de recruter Lugovoï.

Gordievsky reçoit une pension relativement généreuse de la part du gouvernement. De plus, l'année dernière, il a été fait Compagnon du Plus Distingué Ordre de St Michel et St George (CMG), sur la liste des distinctions honorifiques conférées par la Reine — dans un geste délicat, c'était la même récompense que le James Bond de la fiction avait reçue. Il semble aussi que l'on fasse appel à lui de temps en temps, ce qui lui permet d'arrondir ses fins de mois — comme il y a deux ans, lorsqu'il a raconté à la BBC que l'histoire des agents britanniques attrapés à Moscou en train d'utiliser des fausses pierres comme boite aux lettres était "ridicule".

Marina Litvinenko dit qu'elle n'est au courant d'aucun contact entre son mari et les services secrets britanniques. Mais elle m'a bien parlé du refuge qu'il a trouvé dans le cercle de Gordievsky. Peut-être Gordievsky était-il le lien ?

Il semble qu'il soit sûr de dire que Litvinenko avait une relation avec le MI6, ce qui pourrait être considéré comme un motif pour la Russie — ou pour des exilés russes rivaux — de l'éliminer. Mais cela pourrait être vu aussi comme un signe de désespoir : il ne pouvait peut-être plus trouver d'autres affaires qui payent. Quelle que soit la vérité sur ce qui est arrivé à Litvinenko et pourquoi, le MI6 en sait probablement plus que ce que l'on pourrait conclure de son absence totale dans la version britannique autorisée sur la mort de ce dernier.

Berezovsky

Si l'on peut détecter la main obscure du MI6 dans l'affaire Litvinenko, alors, on peut y détecter aussi celle de Boris Berezovsky. Cet exilé russe, grand propriétaire multi-millionnaire et source d'irritation perpétuelle pour Poutine, a été constamment présent en coulisse. C'est lui qui a financé l'entrée de Litvinenko en Grande-Bretagne — en remerciement, dit-on, pour son refus, à la fin des années 90, d'agir sur ordre de le supprimer. Il semble que Berezovsky ait été sa principale source d'emploi en Grande-Bretagne, et son organisation caritative continue de soutenir sa veuve.


L'exilé russe, grand propriétaire multi-millionaire et perpétuel source d'irritation pour Poutine,
Boris Berezovsky a été constamment présent en coulisse © AFP/Getty Images

Berezovsky entretenait aussi des liens avec Lugovoï. A l'époque où il était en Russie, il avait employé Lugovoï pour organiser sa sécurité. D'autre part, il a été rapporte que la société de Lugovoï, au moins jusqu'à récemment, avait le contrat pour protéger la fille de Berezovsky.

Dans la dernière semaine de la vie de Litvinenko, c'est aussi l'argent de Berezovsky qui a acheté la campagne de publicité, présentée de façon si experte par Alex Goldfarb. Ainsi, la vision que le public britannique a eue de la maladie et de la mort de Litvinenko a été essentiellement dictée par Berezovsky. Jusqu'à la toute dernière fin, ni l'hôpital, ni les autorités britanniques, ni l'ambassade de Russie n'ont contribué en quoi que ce soit. Berezovsky, par l'intermédiaire de Goldfarb et de la société de Relations Publiques, Bell Pottinger, avait le terrain pour lui tout seul.

Certains ont demandé si un effort aussi complet de relations publiques n'aurait pas été dans l'intention de faire diversion — disons, de déguiser un accident catastrophique arrivé à l'employé de Berezovsky et le reformuler en assassinat ordonné par le Kremlin. On ne peut pas l'exclure.

Plus probablement, pourtant, il est possible que Berezovsky ait vraiment pensé que Litvinenko a été pris pour cible par le Kremlin — par procuration. En même temps qu'il se sentait peut-être coupable, Berezovsky a sans aucun doute vu une autre occasion de poursuivre sa campagne contre Poutine. Et si, comme il semble, son premier instinct était de suspecter un empoisonnement au thallium, la supposition que le Kremlin était impliqué aurait été parfaitement sensée.

Cependant, la découverte que le poison n'était pas du thallium, mais du polonium-210 — une substance plutôt destinée à une annihilation de masse, plutôt qu'individuelle — suggère que le contexte ne fût pas une vendetta politique, mais le commerce illicite nucléaire. La manipulation imprudente de matériau radioactif devient alors l'explication de loin la plus probable pour la mort de Litvinenko.

Que le polonium ait pu aussi avoir été suivi à la trace, en tant qu'élément d'une tentative de "coup monté" par les agences de sécurité, expliquerait pourquoi les officiels britanniques s'accrochent si fermement à leur version. Après tout, pourquoi choisiraient-ils de chercher querelle au Kremlin, plutôt que de présenter Litvinenko comme victime accidentelle du trafic nucléaire d'émigrés russes — à moins que, dans cette dernière explication, ils n'aient besoin de cacher quelque chose ?


EN CONCLUSION, quelles implications ces cinq ensembles de questions ont-ils pour les relations anglo-russes ? A part le désir naturel de balayer la suspicion qui s'agrège autour des activités de son mari, la veuve d'Alexander Litvinenko, Marina, pourrait avoir une autre raison de faire pression pour qu'une enquête ait lieu maintenant. Alors que la Russie se prépare à investir un nouveau président, Dimitri Medvedev, elle espère que la ligne du Kremlin va s'assouplir.

En fait, toute minimisation doit, jusqu'à présent, être discernée dans le camp britannique. Cela fait un moment que nous n'avons pas entendu de déclarations publiques furieuses sur les iniquités de la Russie. Il a été annoncé récemment qu'un nouvel ambassadeur avait été nommé en remplacement de Sir Anthony Brenton, qui avait mis le Kremlin en colère en fréquentant des figures de l'opposition.

Le match d'injures au sujet du British Council est sorti des actualités ; les discussions sur le régime des visas se sont dégelées et même le pit-bull d'un temps, David Miliband, a évoqué le besoin d'un dialogue avec la Russie. Il semble que le terrain ait été déblayé pour un nouveau départ avec un nouveau président, même si l'ancien, Vladimir Poutine, s'occupera au départ de la mise en scène.

Malheureusement, la victime de ce nouveau rapprochement pourrait être la vérité — la vraie vérité — sur ce qui est arrivé à Alexander Litvinenko. Il est triste de dire qu'il pourrait y avoir ceux en Grande-Bretagne qui sont encore plus intéressés que le nouveau maître du Kremlin à voir cette affaire qui sème la discorde être reléguée dans l'oubli.

Traduction [JFG-QuestionsCritiques]